Depuis le 16 décembre, la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) a un nouveau Secrétaire exécutif, Alphonse Ntumba Luaba, jusque-là Secrétaire exécutif adjoint de la Communauté économique des pays des Grands Lacs(CEPGL), une organisation composée du Burundi, de la RDC et du Rwanda. Ce juriste natif de Lubumbashi(RDC) remplace la diplomate tanzanienne Liberata Rutageruka Mulamula qui venait de boucler un mandat de quatre ans plus une année pendant laquelle elle attendait l’élection de son successeur. Selon lui, la CIRGL a permis de faire revivre la CEPGL qui était plongée dans une léthargie. Interview.
{Pr Ntumba Luaba, vous venez d’être élu Secrétaire exécutif de la CEPGL. Quelles sont vos priorités fonctions?}
<doc2654|left>Mes priorités, tout naturellement, s’inscrivent dans ce qui est prévu comme objectifs et missions dans le Pacte. Et puis, les domaines d’action qui sont énumérés dans les protocoles qui accompagnent le Pacte. Mon prédécesseur, Mme l’Ambassadeur Mulamula, a eu la tâche immense et aussi délicate d’installer le Secrétariat, de le faire vivre, comme elle a dit. Et elle a commencé même par elle seule comme premier membre.
Dans mon allocution d’acceptation de ma tache, j’ai souligné qu’elle a posé les fondations, le rez-de-chaussée, il faut élever les murs étage par étage. Il reste encore beaucoup de choses à faire dans le domaine de la paix et de la sécurité. Et elle a beaucoup contribué notamment en ce qui concerne l’éradication des groupes armés et des éléments négatifs à l’Est du Congo et dans toute cette frange orientale de l’Afrique. Il reste encore des groupes résiduels, des éléments négatifs résiduels. Et vous avez vu que nos chefs d’Etat ont demandé de les éradiquer ? Il faut qu’on y arrive. Vous savez que tout est lié. Ces éléments, ce sont eux qui sont également dans le trafic illégal des ressources naturelles. Il faut poursuivre, le processus de lutte contre ce trafic illégal. Et poursuivre la traçabilité et la certification des ressources naturelles. Pour sortir même de l’informel sur l’industrialisation. Et le grand défi tel que nos chefs d’Etat viennent de nous le confier, c’est cette tolérance zéro contre les violences sexuelles basées sur le genre.
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{La Conférence internationale sur la région des Grands Lacs comprend onze pays : Angola, Burundi, RCA, Congo, RDC, Kenya, Rwanda, Soudan, Tanzanie, Ouganda et Zambie. La candidature de la République du Sud Soudan devrait être acceptée au cours du prochain sommet prévu à Bangui (RCA) entre mai et juin 2012.}
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{Vous venez de la CEPGL, où vous vous étiez Secrétaire exécutif adjoint. Mais lors de votre élection, ce ne sont pas tous les pays membres de la CEPGL qui vous ont soutenu. Comment avez- vous accueilli cela ?}
Vous pensez qu’il y a des membres qui ne m’ont pas soutenu ? Vous savez la géopolitique régionale peut obéir à beaucoup de considérations. Je sais que probablement le cœur du pays le pays qui ne m’aurait pas donné la voix bat plutôt pour le candidat de la CEPGL. Mais peut-être que, pour d’autres raisons, il a bien fallu un peu s’exprimer autrement. Mais le cœur bat, j’ai été rassuré, ne vous en faites pas. J’ai été rassuré que le pays tient à travailler avec moi et dans de bonnes dispositions à mon endroit. C’est un pays frère. J’ai beaucoup d’amis à tous les niveaux. Vous avez vu d’ailleurs que, dans la séance solennelle, c’est tous les pays membres, les chefs d’Etat et les représentants des chefs d’Etat qui ont émis un vote positif. Ce vote positif-là absorbe l’action qui a pu être exprimée au sein du groupe de travail, qui a exprimé certaines opinions, certaines tendances. Le dernier choix, c’est celui qui s’est réalisé au niveau des chefs d’Etat ; et tout le monde s’est exprimé positivement.
{Certaines organisation régionales, la CEPGL y compris, font face au manque de moyens. On sait que tous les Etats membres de la CEPGL ne sont pas à jour de leurs contributions. Est-ce qu’on peut dire que la CIRGL vient est venu renforcer la CEPGL, ou bien que, quelque part, elle l’affaiblit puis que certains pays sont obligés de cotiser dans plusieurs organisations ?}
Je vous dirais que, d’une façon générale, c’est le Rwanda qui a versé le plus de contributions et qui doit être en ordre pour plus de 70% ; avant c’était même 90%. Mais, c’est un peu descendu parce que, cette année, le Rwanda n’a pas encore versé sa contribution. Le Burundi non plus n’a pas encore versé ; il est, à peu près, à 30% de sa contribution. Le Kongo ne dépasse pas les 20%. Pour cette année, nous n’avons rien reçu de nos trois Etats membres. Heureusement qu’il y a eu la contribution de l’Union Européenne avec laquelle nous avons eu une convention. Mais vous savez que l’Union Européenne ne prend pas en charge les avantages sociaux. L’Union Européenne, c’est pour les grands projets. C’est pour nous soutenir dans la construction des axes routiers transfrontaliers. Bientôt vous les verrez débuter, en janvier et février, parce qu’on a déjà lancé les appels d’offres : c’est pour le barrage de la Ruzizi. Mais pour les rémunérations, nous sommes effectivement en difficulté. L’IRAZ n’arrive plus à payer les salaires; la CEPGL qui, pourtant, est très engagée dans Ruzizi III, bientôt, elle n’aura plus de frais de fonctionnement. Et vous savez combien nos trois Etats ont besoin d’énergie, d’électricité. Mais ns croyons que nos Etats vont faire un réel effort pour se mettre à jour.
Je voudrais quand même signaler qu’au Congo, il y a, aujourd’hui, un système de répartition : il y a le gouvernement central, mais il y a les gouvernements provinciaux qui sont concernés de plus près par les projets en cours de la CEPGL. C’est ainsi que, pour cette année, nous avons pu recevoir quelque chose de la RDC- qui n’est pas très élevé, certes-, à travers les gouvernements du Nord et du Sud Kivu. Permettez- moi de ne pas vous donner les montants ici même !
Le problème que nous avons, c’est qu’il faut rapidement des signaux politiques de la part de nos Etats membres : les contributions et le sommet. Le dernier sommet de la CEPGL s’est tenu à Gbadolite, en novembre 1994. On était sur le point de tenir le sommet de la relance. Mais pour des raisons de calendrier (vous savez le Président Joseph Kabila est Président en exercice de la CEPGL), ce sommet n’a pas pu avoir lieu. Il pourra se tenir au premier trimestre ou au premier semestre de l’année prochaine. Non. Je crois que la CEPGL est une communauté de proximité ; elle ne disparaitra pas. Nous avons d’autres activités qui sont financées par la coopération française et qui vont bientôt démarrer : les chantiers jeunes pour la reconstruction des pays des Grands Lacs. Nous avons aussi un appui pour la de coopération inter-universitaire comprenant une intégration des professeurs.
Maintenant que vous dire ? Le lien entre la CIRGL et la CEPGL est un lien tenace. Parce que, si vous lisez, une des taches de la CIRGL était d’assurer la relance de la CEPGL. Et là, on peut dire que la CIRGL a rempli sa mission dans la mesure où elle a permis à la CEPGL de reprendre ses activités. Et nous allons continuer à faire le plaidoyer également pour que la CEPGL ait les moyens de réaliser ses grands projets.