Sociologue politique, le professeur analyse le comportement affiché par la jeunesse lors de l’expulsion de M. Nyakabeto à Ngagara, ce 28 mai.
Comment qualifiez-vous ce comportement ?
C’est une révolte à la fois de la jeunesse et de la plupart des adultes résidant à Ngagara contre la légitimité de la CNTB et du pouvoir. Cela rappelle l’histoire des jeunes « sans échec », « sans défaite » lors des villes mortes des années 1994-1995. Toutefois, les gens doivent savoir que les temps ont changé. Le pouvoir de l’époque, celui du président Sylvestre Ntibantunganya, n’avait pas la loyauté de la police et de l’armée. Il ne jouissait pas du monopole de la contrainte physique légitime. C’était sa plus grande faiblesse et cela fait toute la différence entre le Frodebu et le CNDD-FDD. Le gouvernement veut profiter de cette nouvelle situation de monopole de la violence physique légitime pour casser à jamais tout mouvement de résistance.
Un retour à la violence ethnique ?
Exactement. Les démons de la division ethnique reviennent en force. Cela fait un bon bout de temps avec les décisions rendues par la CNTB. Il ne faut pas trop se désillusionner, c’est une politique très soutenue, en tout cas qui a l’aval d’une grande partie de la population burundaise : un grand nombre de Hutu vit encore les problèmes liés à la mémoire des évènements de 1972. Embourbés dans cette mémoire, ils sont quasi incapables de se mettre à la place de l’autre pour comprendre sa souffrance. Bref, la politique de la CNTB, telle qu’on la voit aujourd’hui, peut être considérée comme une revanche du vainqueur qui a souffert en 1972, une revanche de la mémoire.
Quelles peuvent être des conséquences ?
Qu’on le veuille ou non, les gens qui se sont révoltés contre les décisions de la CNTB se sont aussi révoltés contre l’autorité du président de la République. Si de telles réactions se manifestent souvent, c’est son autorité qui en sortirait fortement amoindrie. Ces violences auraient pu dégénérer en une catastrophe nationale, ce qui conduit souvent à une délégitimation totale du pouvoir.