Pour Gertrude Kazoviyo, [la déclaration de Prosper Ntahorwamiye, porte-parole de la CENI->http://www.iwacu-burundi.org/spip.php?article3843] n’est pas de l’ordre d’un {lapsus linguae} mais plutôt un {lapsus memoriae} ou trouble de mémoire. Elle estime que cela peut raviver la polémique sur la « fraude » électorale de 2010.
<doc5481|left>{Quelle signification donnez-vous au concept de «lapsus linguae » ?}
Etymologiquement, lapsus est un mot latin qui veut dire en français « action de trébucher ». C’est donc une erreur, un faux pas. Dans le sens psychanalytique et comme le définit S. Freud dans son ouvrage « Psychopathologie de la vie quotidienne »[[Freud, S., {Psychopathologie de la vie quotidienne} (1904), Paris, Payot, coll. "Petite Bibliothèque Payot", 2004, (ISBN 2-228-89402-8).]], le mot lapsus linguae est une erreur commise en parlant. Elle consiste pour le locuteur à exprimer autre chose que ce qu’il avait prévu d’exprimer. Le locuteur substitue un terme attendu par un autre. Dans la même perspective psychanalytique[[S. Freud a assez traité ce genre d’« acte manqué » lié au langage comme les lapsus (au chapitre 5 de son ouvrage)]], le lapsus constitue une manifestation de l’inconscient (il représente les pensées refoulées) qui laisse passer des informations que le moi du locuteur ne voudrait surtout pas communiquer.
Qu’en est-il alors de la déclaration de Prosper Ntahorwamiye ?
Si le porte-parole de la CENI a oublié un zéro, il ne s’agit pas d’un lapsus linguae mais d’un lapsus memoriae (un trou de mémoire), commis en remplaçant le « 0 » dans 18.000 par un ensemble vide « Ø » pour obtenir 1.800 bulletins de vote au lieu de 18.000. Qu’il s’agisse de lapsus linguae ou memoriae, cette information cachée dans l’inconscient vient comme par trahison en surface.
Que démontre alors le lapsus ?
Que le locuteur n’est pas toujours maître des idées qu’il véhicule et qu’il existe une autre instance difficilement maitrisable par le moi.
Quelles peuvent être les conséquences politiques de ce lapsus memoriae ?
Si le cas du porte-parole de la CENI est un lapsus et non une simple confusion, ou un problème de maîtrise des chiffres, ce lapsus a pour conséquence de renforcer la méfiance de l’opposition extra-parlementaire, qui a soutenu que les élections de 2010 étaient entachées de fraude massive, vis-à-vis du parti au pouvoir.
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Quelques exemples de {lapsus linguae} restés célèbres
– En 1975, à l’Assemblée nationale française, le député Robert-André Vivien s’adressant à ses collègues à propos d’une loi sur la pornographie, les invite à « durcir le sexe » au lieu de « durcir le texte ».
– Le 26 septembre 2010, Rachida Dati prononce au cours d’une émission de télévision en disant le mot « fellation » au lieu d’ « inflation ».
– Le 17 octobre 2010, Brice Hortefeux interrogé au cours d’une émission radiophonique sur les fichiers parle d’« empreintes génitales » au lieu d’ « empreintes digitales ».