C’est l’histoire de Goreth Niyihambona, ancien chef de zone Kigwena, qui a fait croire que sa démission était motivée par des mobiles ethniques. Sauf que la population, l’administration et le conseil communal de Rumonge parlent d’incompétence… <doc2872|left>15 janvier 2012. Goreth Niyihambona, chef de zone Kigwena, remet son tablier. « C’était devenu trop pour moi » lance-t-elle. Timidement, elle décrit les « malheurs » qu’elle a endurés depuis son entrée en fonction en juin 2011 : l’administrateur communal qui n’apprécie jamais le travail abattu dans sa zone et l’humilie devant la population, des décisions engageant Kigwena prises à son insu, etc. Parmi tant d’autres manquements de l’administrateur communal à son égard, Mme Niyihambona se souvient d’avoir confectionné une liste de cinq personnes bénéficiaires de l’aide du HCR sur demande de l’administrateur : « Curieusement, ce dernier les a rayées de la liste et a donné des noms que j’ignorais. » Commence alors le bras de fer. Goreth Niyihambona n’acceptera pas non plus que ces noms passent et le HCR enverra l’aide ailleurs. Elle accuse aussi l’autorité communale de ne pas respecter la hiérarchie : « J’ai été étonnée de voir une correspondance que la population avait adressée à l’administrateur demandant la destitution du chef de secteur Cabara sans avoir été informée. » La goutte qui fait déborder le vase 72 heures avant la démission, le gouverneur de la province de Bururi, Gloriose Nimenya, convoque les deux parties, histoire de tenter une médiation. « Elle nous a conseillé de ne pas nous entredéchirer d’autant que nous sommes tous les deux du même parti, CNDD-FDD », affirme Goreth Niyihambona. A la sortie du bureau du gouverneur, se souvient-elle les larmes presqu’aux yeux, l’administrateur Gérard Ndikumana a démarré le véhicule communal en trombe, la laissant là alors qu’i devait la déposer à Kigwena: « Il venait de démontrer que la collaboration n’était plus possible. » De fil en aiguille, dans la lettre de démission envoyée au gouverneur Bururi, à l’administrateur et au conseil communal de Rumonge, Mme Niyihabona invoque des raisons ethniques : « Que l’administrateur cherche une autre chef de zone de son ethnie qui pourra lui faciliter la tâche. » Interrogée, la chef de zone démissionnaire indique que Gérard Ndikumana, administrateur de Rumonge, ne veut pas d’elle parce qu’elle est tutsi : « J’ai appris de ses proches collaborateurs que j’étais un élément ethniquement gênant pour lui. » <doc2873|left>« Elle n’était pas à la hauteur de ses fonctions » Elicham Niyinyongeye, conseiller de l’administrateur de Rumonge chargé des questions administratives et sociales, n’y va pas par quatre chemins : « Elle était incompétentes. » Selon lui, elle ne se présentait presque pas aux réunions communales et quand il lui était des explications, elle ne convainquait pas. En outre, d’après toujours M. Niyinyongeye, elle se souciait peu du développement de sa zone : « Parfois, c’est la population elle-même qui vient demander le matériel pour la construction du lycée de Kigwena qui sera présenté lors de la célébration du cinquantième anniversaire de l’indépendance du Burundi. » De même, le conseiller communal de balayer d’un revers de la main le mobile d’ordre ethnique avancé par Goreth Niyihabona. « Pour maintenir les équilibres ethniques et genre exigés par l’Accord d’Arusha et la Constitution, Mme Goreth Niyihambona sera remplacée par une femme de son ethnie et du même parti. » Pour lui, les causes de la démission sont ailleurs: « Elle ne s’était pas encore détachée du ministère de l’enseignement primaire. Elle aurait eu peur d’être poursuivie en justice pour cumul de salaires. » Des enjeux économiques Le député Karenga Ramadhan, président du conseil communal de Rumonge, indique avoir été très surpris par la démission de Mme Niyihabona. Car il avait eu une séance de travail avec elle et lui avait prodigué des conseils. Il abonde dans le même sens que le conseiller administratif et social de Rumonge: « C’est un manque d’expérience professionnelle. Elle ne résistait pas aux pressions administratives. » Il indique être au courant de trois lettres de demande d’explication adressée à la démissionnaire. Mais il fait savoir que la démission n’a pas encore été acceptée parce que le conseil ne s’est pas encore réuni. Le député reconnaît que la population de Kigwena a encore des réflexes ethniques, des séquelles de la crise de 1972 : « Il y a encore du travail à faire parce que nous devons cohabiter, Hutus et Tutsi, coûte que coûte ! » <doc2874|right>S’agissant des enjeux économiques, Karenga Ramadhan estime que c’est une piste à ne pas écarter par rapport à cette affaire: «Par sa potentialité en huile de palme, Kigwena est une zone économiquement stratégique. C’est presque la principale source de revenus de la commune Rumonge. » Témoignages de la population {« Elle ne s’était pas encore affirmée. »} Egide Ndikumana, habitant du secteur Kanenge de la zone Kigwena, salue le courage de la chef de zone de démissionner avant que la population ne la chasse. Il indique que Goreth Niyihambona n’a jamais tenu de réunions à l’endroit de la population : « Nombreux sont ceux qui ne la connaissent pas. » De surcroît, il fait remarquer que cette administrative n’était pas en bons termes avec ses chefs de secteurs : « Elle s’improvisait dans leurs chefferies, prenait des décisions, ce qui leur était insupportable. » {« Sa démission n’engage qu’elle-même. »} Aster Bukuru, de la même localité, explique que cette démission a des mobiles hautement politiques que la population ignore. Il dit avoir gardé un seul souvenir de Mme Niyihambona : « Elle a fait respecter les prix des boissons de la Brarudi dans les bistrots de Kigwena. »