Jeudi 5 avril, Déogratias Niyonkuru, fondateur de l’Adisco (Appui au développement intégral et à la solidarité sur les collines), a présenté son ouvrage intitulé Pour la dignité paysanne. Un livre qui vient rappeler que l’argent ne constitue pas le préalable pour que le paysan africain se développe, mais d’abord ce qu’il va en faire.
Véritable outil d’introspection, ledit ouvrage porte matière à réflexion sur l’aide au développement Il insiste sur le fait que le paysan vit dans le fatalisme, sans perspective et doit d’abord retrouver la confiance en soi pour son développement. Selon Déo Guide Rurema, ministre en charge de l’agriculture, ce livre est un exemple pour tout intellectuel burundais à s’inspirer. « On a l’intelligence et la force pour impulser notre developpement, que le présent ouvrage serve de catalyseur ».
Fondé sur le postulat, selon lequel tout paysan doit être respecté dans le choix de ses aliments, de sa culture, impliqué dans le choix des modèles économiques pour son développement, pour la dignité paysanne met en lumière combien importante doit être place de l’individu pour le développement de modèles sociaux viables. «Il est grand temps que le paysan soit associé dans la prise de décisions le concernant. Plutôt que de partir des besoins qui sont infinis, les bailleurs de fonds devraient plutôt comprendre ses motivations et l’aider à identifier les opportunités de son environnement souligne Déogratias Niyonkuru, auteur du livre.
Sinon, poursuit-il, toutes les politiques élaborées sans tenir compte de ses aspirations les plus profondes y compris spirituelles présentent peu de chances de succès. M.Niyonkuru part du point de vue du paysan africain. Il pose des questions cruciales: quelles sont ses priorités? Quelles formes de soutien privilégier? Comment réconcilier amélioration de la productivité, réduction de la pauvreté rurale et préservation des écosystèmes? De nombreux exemples concrets, issus du terrain et des paroles paysannes, nourrissent l’analyse et la réflexion.
Parmi les thèmes abordés: l’importance de la culture et de l’individu, les activités non agricoles, la protection sociale des ruraux, les systèmes de financement communautaires, le rôle clé des politiques agricoles. «Le seul moyen consiste à redonner de la confiance et l’estime de soi aux paysans africains pour éviter qu’ils ne retombent pas dans les nombreuses exploitations dont il est l’objet ». Dans ce cas, son rôle est d’aider les paysans à réfléchir afin d’identifier dans le milieu les opportunités dans lesquelles ils pourraient investir afin d’améliorer leurs conditions de vie, cerner leurs défis et les raisons de leurs difficultés. Bref, à éliminer les racines du mal.
Eviter à tout prix l’isolationnisme
Pour s’auto-développer, la construction d’organisations paysannes (OP) fortes passe obligatoirement par la mobilisation des ressources endogènes en vue de réaliser une action concrète décidée par les membres. «C’est de cette manière que même le petit paysan du coin reculé peut avoir accès au marché, et écouler ses produits sans embuches ». Mais, constate-t-il, une telle structure repose sur l’engagement d’individus qui doivent y contribuer par l’apport en capital et pour réaliser des transactions avec l’organisation pour recevoir en contrepartie des services ou un bénéfice qui profite directement à l’individu. Une logique qui privilégie un modèle « coopératif» par rapport à celui «sans but lucratif ».
« Aucun pays ne peut se développer par charité, tout le monde doit comprendre que derrière l’aide ou un appui, il y a un effet escompté des bailleurs”. Partant de ce fait, il souligne l’importance s’associer en coopératives. « Parce que l’argent qu’il génère est dignifiant (n’asservit pas, surtout peut être utilisé sur une longue durée car, il circule librement sans contre-partie). Et cerise sur gâteaux, comme il le laisse entendre, ce modèle commence à être compris et adopté par la majorité des Etats Africains.
Définies dans la plupart des cas par les Institutions de Bretton Woods, en tête desquelles la Banque mondiale, il laisse entendre que les politiques agricoles africaines, sont insidieusement élaborées dans l’intérêt des multinationales. « Dans un contexte de privatisation des principales entreprises agroalimentaires les paysans doivent pouvoir jouer un rôle majeur dans la gestion de celles-ci. ».Aussitôt de renchérir : «Sans un plaidoyer pour une privatisation qui tienne compte de leurs intérêts, les paysans resteront confinés dans les sales besognes de production alors que les maillons juteux seront laissés aux multinationales et au secteur privé ».Ce plaidoyer devrait d’ailleurs œuvrer pour limiter les importations massives des produits agricoles concurrents, promouvoir la consommation locale.
La dignité, fierté africaine, un véritable enjeu…
Actuellement estimée à plus d’un milliard, la population africaine dans 20 ans, aura atteint plus 2.5 milliards dont 60% vivront en ville. Une véritable manne pour les industries agro-alimentaires des pays riches qui se battent déjà pour nourrir cette population. Il s’agit là d’un enjeu géostratégique majeur. Une de voies privilégiée pour conquérir ces parts de marché de plus de 360 milliards de dollars par an est de pousser les Africains
À calquer son mode de vie sur celui de l’accident à prôner le rattrapagisme, et l’extraversion.
Il est donc vital pour nos pays de plaider pour le soutien à l’agriculture familiale face à l’agrobusiness. C’est une question de survie.
Dans le cas contraire le paysan deviendra un acheteur net de nourriture, ou plutôt mendiant face à l’agri business triomphant.
Pour faire face à toute cette panoplie de menaces, il insiste sur la nécessité de consolider l’agriculture familiale. « C’est le seul modèle qui génère des emplois, maintient la fertilité des terres, produit de la nourriture diversifiée, amortit les chocs liés aux aléas climatiques, aux maladies et à la volatilité des prix ».Bien plus il, considère les paysans dans leurs dignité. Toutefois, une situation qui revient à demander à l’union de toute l’Afrique avec la solidarité peuples du nord à se forger une identité propre.
Pour ce, la construction d’une géostratégie propre à l’Afrique est cruciale «Elle doit se fonder sur les valeurs de la solidarité et du partage, le respect de la vie. Autrement dit, il s’agit de définir le modèle de société que nous souhaitons pour l’Afrique, de construire une société nouvelle dans laquelle l’argent n’est pas une fin en soi. »
Notons que les fonds issus de la vente du livre serviront à créer un fonds pour la dignité paysanne à la Fondation Roi Baudoin pour soutenir des initiatives qui contribuent à la dignité paysanne priorité au Burundi.