Après plusieurs années au service de l’université, le professeur Joseph Katihabwa à la retraite anticipée depuis 8 ans à cause de la maladie, partage ses souvenirs et lance un message à la jeunesse.
Assis dans son salon, laptop à portée de la main, téléphone portable dernier à ses côtés, des informations passent en boucle sur un écran plat. Le professeur Joseph Katihabwa est ‘’branché’’, comme un jeune de 20 ans.
A 73 ans, ce chimiste de formation se souvient comme si c’était hier de ses premiers jours à l’Université officielle de Bujumbura (UOB). L’ancêtre de l’Université du Burundi. C’était en 1964. Il est parmi les premiers étudiants de cette institution qui était nouvellement créée. Le chimiste se rappelle qu’ils étaient environ 80 dans la faculté des Sciences. Ils ont commencé à vivre dans les locaux du Collège Interracial de Bujumbura (ancien Collège du Saint-Esprit, l’ actuel campus Kiriri). «Nous avons déménagé par après sur le Boulevard de l’Uprona dans l’immeuble qui abrite actuellement le ministère de l’Education avant d’intégrer les homes de l’université.»
L’Université du Burundi est venue de loin, se remémore le professeur. La nouvelle institution était obligée de louer les homes des étudiants. Il a fallu, d’après lui, la volonté du gouvernement de l’époque et des Jésuites qui géraient le Collège Interracial de Bujumbura (Collège du St-Esprit).
«Nous vivions comme des Blancs. On mangeait bien et on dormait confortablement.» La bourse était de 3000 Fbu par mois et on réduisait 80 Fbu par jour pour la restauration. «L’étudiant restait avec 600 Fbu pour ses loisirs. C’était beaucoup d’argent. On pouvait épargner. J’avais même un compte à la CADEBU.» Les étudiants étaient même déplacés dans des bus de l’université pour aller aux cours. Les professeurs étaient tous Belges. «Aucun professeur noir à l’époque.» Le professeur estime qu’ils avaient tout pour réussir.
«Les choses ne sont plus comme avant»
Selon le professeur Katihabwa, l’Université du Burundi était réputée parmi les universités africaines. «Elle a commencé à décliner quand on a commencé à la politiser.» Il estime que l’université est un espace professionnel et non politique. «Quand vous mettez à la tête de l’université quelqu’un qui ne comprend rien à ce monde, vous allez former non pas des professionnels, mais des cancres.» Pour lui, on ne forme pas pour ceux qui dirigent, mais pour tout le pays, voire le monde entier. «Des gens venaient jadis étudier ici parce que la qualité était meilleure. La qualité dépend aussi des professeurs et on ne choisit pas nécessairement les meilleurs. Alors, comment voulez-vous former la crème?»
Pour le professeur, le manque de moyens est l’autre cause de la baisse de la qualité à l’UB. Les auditoires manquent, pas de matériels ni de produits dans les laboratoires, pas de nouveaux livres dans les bibliothèques. Et de se souvenir qu’à son époque, un professeur donnait une liste de livres à commander. Deux étaient pour la bibliothèque et deux autres pour le professeur et les étudiants pouvaient les emprunter. «Tout cela n’existe plus. Le budget a été coupé partout. Comment voulez-vous former un dirigeant de demain sans bibliothèque.»
Et la mise en retraite des professeurs opérée ces derniers jours ne vient rien arranger, selon lui. «On a toujours utilisé des professeurs au-delà de l’âge de la retraite parce qu’ il y a carence d’enseignants. Si vous voulez la qualité, il faut chercher des spécialistes. Qu’ils soient Congolais, Chinois ou autre chose.» Il assure qu’avec les nouvelles technologies, il peut enseigner dans le monde entier étant à la maison même s’il est à la retraite.
«Se former jusqu’au plus haut niveau»
Le professeur Katihabwa occupe sa retraite en lisant. «Je m’informe et en même temps, j’informe les autres.» Il confie qu’il ne prépare pas pour le moment des publications, car en sciences et surtout en chimie, il faut faire des labos pour publier. Sans rester inactif, il a décidé de mettre tous ses cours online sur le site de l’Université du Burundi. «Mon souci est de faire profiter aux étudiants tous mes cours. Je les actualise afin d’y insérer des nouvelles découvertes.» Et si on lui demande la place de l’intellectuel au Burundi, il répond avec un sourire : «Il faudra la chercher. Mais il ne faut jamais se décourager.»
Le professeur Katihabwa conseille aux jeunes étudiants de se documenter et de ne pas se contenter des seules notes. «Qu’ils aillent dans les bibliothèques. Qu’ils s’initient à l’outil informatique et qu’ils utilisent l’internet.» Il déplore cependant que l’université soit devenue trop politique. «C’est un espace pour la transmission des connaissances au plus haut niveau.» Pour lui, la politique ne devait pas les détourner de leur but principal. Et son message à la jeunesse burundaise est : «se former jusqu’au plus haut niveau tout en ne perdant pas de vue les problèmes du pays.»
BIO EXPRESS
Joseph Katihabwa est né en février 1943 sur la colline Matayinyana, commune Ryansoro en province Gitega. Marié et père de 9 enfants. Il a fait ses études primaires à Nyangwa, Kibumbu et Giheta. Il a fait ses études secondaires au Collège Saint Paul à Bukavu (Ex-Zaïre) avant de revenir au Burundi pour intégrer le Collège Interracial de Bujumbura (Collège du St-Esprit).
Le professeur Joseph Katihabwa a intégré l’Université Officielle de Bujumbura (UOB) en 1964 et il est devenu assistant à cette institution en 1970. Il s’envole pour Bruxelles en 1973 pour son doctorat à Université d’Etat de Liège. Il a été doyen de la Faculté des Sciences à UB (1978 à 1982) et doyen de la Faculté des Sciences à Institut Supérieur Pédagogique de Kigali (2000-2001). Le professeur Katihabwa a publié plusieurs ouvrages et des essais dans plusieurs revues.
Il est difficile d,expliquer a quelqu,un qui a des idees etroites qu,etre eduque ne signifie pas seulement avoir avoir une licence,un doctorat Il y a pas mal d,illetres qui acttuellement au Burundi vallent beaucoup mieux que certains doctorants.Dans la guerre entre la verite et le mensonge,la verite remportera toujours meme si cela peut prendre beaucoup de temps
@Mariya Budangwa
»Il y a pas mal d,illetres qui acttuellement au Burundi vallent beaucoup mieux que certains doctorants. » Pourriez-vous me donner un seul exemple?
»Dans la guerre entre la verite et le mensonge », de quelle vérité voulez-vous parler? Et c’est quoi même la vérité comme s’en enquit jadis le roi Hérode auprès de Jésus? Si nous restons dans ce contexte, je pense que vous admettrez volontiers avec moi qu’un docteur en théologie connaît mieux, et de loin, la parole divine qu’un simple illetré.
Enfin, il y a une idée que vous n’avez pas voulu exprimer clairement mais qui se déduit, compte tenu de votre prise de position dans vos commentaires antérieurs sur ce site, par rapport aux différentes crises qui ont secoué et continuent toujours de secouer notre pays. Je vous invite, par conséquent, dans votre recherche de vérité, à vous renseigner sur ce que certains habitants de la colline Matayinyana (où est né le Professeur Joseph Katihabwa) ont vécu comme tragédie en Octobre 1993. Vous serez édifiée.
Chers amis,
Immense respect et admiration pour le professeur Joseph Gatihabwa. Mille fois d’accord avec son analyse et ses recommandations à la jeunesse burundaise, en particulier.
Pour compléter l’information des lecteurs du journal Iwacu, permettez-moi d’ajouter au témoignage de Joseph Gatihabwa, un fait historique, souvent ignoré, qui s’inscrit dans la genèse de l’Université du Burundi.
M. Valentin Bankumuhari, Ancien Secrétaire du Conseil Supérieur du Pays, indique dans son livre » Le Conseil Supérieur du Pays du Burundi, Promoteur de l’Indépendance Nationale », la raison pour laquelle les Pères Jésuites, qui géraient déjà, le Collège Interracial de Bujumbura, ont été sollicités pour créer, en octobre 1960, les deux Facultés, de Philosophie et Lettres et des Sciences Économiques et Sociales qui allaient constituer le socle de l’Université Officielle de Bujumbura.
Pour prouver « sa bonne foi » à la Tutelle belge qui l’accusait d’être communiste, accusation gravissime à l’époque de la lutte pour l’indépendance, le Conseil Supérieur du Pays a suggéré à Louis Rwagasore, de demander aux autorités religieuses de l’époque de créer une université au Burundi.
Cette demande constituait, en quelque sorte, un gage qui prouvait que le Prince respectait l’Église catholique et ses institutions. Car, pour discréditer sa lutte pour l’indépendance, une opinion montée et entretenue par des missionnaires belges hostiles à la revendication de l’indépendance, insinuait qu’il était effectivement communiste puisque, semble-t-il, il communiait « debout » pendant la messe.
Une brochure publiée à la rentrée académique 1966-1967 de l’Université Officielle de Bujumbura, Rumuri, nous était distribuée lors de ma première rentrée universitaire. Elle contenait le programme des cours et rappelait succinctement « l’Historique » de cette prestigieuse institution naguère.
» Dès 1957, les Pouvoirs publics avaient ouvert à Astrida une Pré-universitaire et en 1958 la Faculté d’Agronomie de l’Université officielle du Congo belge et du Ruanda-Urundi. A l’indépendance du Congo, en 1960, cette Faculté fut transformée en Institut agronomique du Ruanda-Urundi et transférée à Bujumbura.
De son côté, la Compagnie de Jésus, répondant aux instances du Conseil du Pays du Burundi et aux vœux des autorités religieuses, créait, en octobre 1960, à Bujumbura, les Facultés de Philosophie et Lettres et des Sciences économiques et sociales. Par le décret du 31 mai 1960, l’Institut facultaire des Révérends Pères Jésuites était assimilé à l’Université officielle du Congo belge et du Ruanda-Urundi et à l’Université de Lovanium.
En octobre 1961, l’Institut facultaire et l’Institut agronomique s’associaient pour gérer en commun la « Faculté des Sciences à Usumbura », assimilée aux universités par les ordonnances législatives du 3 mai 1961 et du 30 juin 1962. Son conseil exécutif, de composition paritaire, étendit progressivement sa juridiction sur l’ensemble des facultés.
Réunies aujourd’hui en une seule personne morale, ces institutions constituent désormais l’Université officielle de Bujumbura. Ainsi se poursuit, sous le signe de la collaboration, l’œuvre d’enseignement supérieur entreprise, voici plusieurs années déjà, pour la formation des cadres nécessaires au Burundi et à l’Afrique. »
Rumuri, le Flambeau qui éclaire la nation, constituait un très beau nom et une superbe ambition pour l’Université nationale du Burundi. A présent, sa flamme semble vaciller et risque de s’éteindre si l’excellence ne redevient pas rapidement la référence unique de cette institution indispensable.
Le Burundi se relèvera-t-il jamais de cette « deuxième nuit, ubwira-kabiri de l’esprit » qui couvre le pays à présent ?
Athanase Karayenga
Personnellement j’ose espérer que cette riche documentation aura la même ferveur quand vous nous parlerez du massacre intervenu dans les rangs de vos collègues de promotion dans la vie professionnelle et à l’Université Officielle du Burundi en 1972, pour le professeur Katihabwa. Vous êtes de ceux, parmi nos rares aînés, encore en vie et vous devez beaucoup à -la société honnête- burundaise.
Merci I Wacu de nous ramener de bons vieux souvenirs de notre chère UB (Université du Burundi) ou UOB (Université Officielle de Bujumbura) pour les plus vieux. Je me souviens très bien du Professeur Joseph KATIHABWA et c’est un plaisir de le revoir après autant d’années. Ce chimiste de renom m’a enseigné. Je garde de lui un homme sérieux, déterminé et rigoureux.
Oui, à son époque, l’Université du Burundi était une des meilleures d’Afrique. Pour les spécialisations en Médecine par exemple, les Facultés de Médecine de France et/ou Belgique où les Médecins formés à la Faculté de Bujumbura allaient continuer leur 3e cycle, ces facultés européennes se les arrachaient tellement qu’ils étaient bons et prêts à commencer sans tarder les gardes et autres services d’urgence. A ce jour, non seulement le 3e cycle des études médicales s’est arrêté pour des raisons que je ne comprendrai jamais mais probablement liées au manque de volonté politique des dirigeants du moment mais même les étudiants de premier et de deuxième cycle manquent de tout.
Un des problèmes majeurs du Burundi est que nos dirigeants, qui manquent cruellement de vision et de leadership dans presque tous les domaines de la vie politique nationale, pensent que l’Université doit être aussi politique, tout comme le sont pratiquement tous les services d’Etat où les gens sont nommés en fonction de leur ethnie ou appartenance politique, le CNDD-FDD se taillant la part de lion évidemment. Mais, en réalité, l’Université doit être celle des meilleurs car tout le monde ne peut faire des études universitaires, loin de là. Qu’on laisse donc les Professeurs travailler sans intervenir politiquement dans leur devoir d’enseigner et de former la crème des crèmes.
Le jour où les dirigeants de ce pays le comprendront et cesseront de se mêler des affaires académiques, ce jour-là sera le meilleur pour l’avenir de nos universités. Néanmoins je doute que ceci puisse arriver car parmi ceux qui nous gouvernement en ce moment très peu ont le niveau intellectuel requis pour comprendre les enjeux. Combien, en effet, parmi eux, ont fait des études universitaires même au niveau d’une petite Licence ? En réalité très peu.
@RUZOBAVAKO ETIENNE
« Combien, en effet, parmi eux, ont fait des études universitaires même au niveau d’une petite Licence ? En réalité très peu. »
Si vous avez eu la chance de faire des études universitaires jusqu’au plus haut niveau (plafond de la terre), vous devriez nous pondre une réflexion du même niveau. Est-ce le cas?
Que les commentateurs nous donnent leurs avis avec un minimum d’objectivité!
Et de votre coté Mr Bakari pour rehausser le débat vous auriez pu apporter un argumentaire avec des statistiques à l’appuie au lieu de vous lancer dans une pseudo-analyse qui n’a rien d’objective.
@Komezamahoro
Avez-vous lu ce que j’ai écrit? Je ne crois pas!
Car je n’ai pas fait d’analyse car incapable de la faire! Encore moins avoir fait des études universitaires de niveau inégalable et inégalé comme votre protégé ou vous-même!
@BAKARI,
Ne fuyez pas le débat, s’il vous plait. Démentez par des arguments ce que j’ai écrit et que je suis prêt à confirmer. Je le répète, il sera très difficile pour les leaders du Gouvernement du CNDD-FDD qui n’ont pas de bagage intellectuel suffisant pour comprendre les enjeux d’investir dans l’Université du Burundi, je pense.
Par ailleurs, le désordre et le recul spéculaires observés à l’Université du Burundi, n’est pas la seule chose à mettre au passif du parti au pouvoir. Ce dernier, a fait du Burundi, non seulement le pays le plus pauvre du monde, mais aussi un des plus corrompus et des plus affamés de la planète terre.
En réalité nous sommes dirigés de force par des gens qui n’ont produit aucun rendement depuis 10 ans et qui n’ont de compte à personne. Le seul rendement qu’ils revendiquent c’est de se maintenir au pouvoir, coûte que coûte, par le mensonge, la tricherie, la violence (y compris viols, enlèvements, disparitions forcées et exécutions extrajudiciaires) contre tous ceux qui ne les soutiennent pas et la manipulation des institutions. Le ridicule ne tue pas.
@RUZOBAVAKO ETIENNE
« Je le répète, il sera très difficile pour les leaders du Gouvernement du CNDD-FDD qui n’ont pas de bagage intellectuel suffisant pour comprendre les enjeux d’investir dans l’Université du Burundi, je pense. »
Je ne suis pas intéressé par le débat qui consiste à défendre ou condamner le bilan du CNDD-FDD. Ses membres sont assez grands pour se défendre. Et ses détracteurs sont suffisamment nombreux.
Par ailleurs, je suis interpellé lorsque vous parler d’un groupe de personnes n’ayant pas « de niveau intellectuel requis ».
Pour quelqu’un qui a fait d’éminentes études comme vous, une telle assertion m’étonne.
Pourriez-vous nous dire d’abord ce que vous comprenez par « intelligence »?