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Port de Bujumbura : quand le gouvernement se met à violer des lois…

05/05/2013 Commentaires fermés sur Port de Bujumbura : quand le gouvernement se met à violer des lois…

Le processus de sélection du nouveau concessionnaire du port de Bujumbura a été décrié par les activistes de la société civile. Cependant, depuis le 27 novembre 2012, est sorti un décret présidentiel autorisant la participation de l’Etat du Burundi au capital de la société Global Port services Burundi, société concessionnaire de l’exploitation du port de Bujumbura à partir du 25 décembre.

<doc6513|left>« C’est une décision irréversible », confirme le ministre des Transports, des Travaux publics et de l’Equipement. Le capital de la société est de 10 271 744 000 Fbu qui représentent 1000 actions d’une valeur de 10.271.744.000 Fbu chacune et jouissant des droits et avantages définis par la loi sur les sociétés privées et à participation publique. Les apports de l’Etat du Burundi dans le capital de la société ne peuvent pas excéder dix pour cent (10%) l’autre partie étant réservée aux privés.

D’après les informations recueillies auprès de l’Olucome, les presque trois milliards de Fbu sont les actions d’un commerçant de Ngozi, et 719.022.080 à un certain Thomas Ndayisaba. Ce qui est incompréhensible pour le président de l’Olucom, ce sont les bases sur lesquelles ces actions ont été calculées. En plus de cela, les autres biens de l’ancienne société EPB avaient été expropriés. C’est pourquoi il fallait d’abord faire un audit pour évaluer tout le patrimoine du port de Bujumbura. « Ce qui n’a malheureusement pas été fait », regrette-t-il. Ce qui est étonnant est que cette affaire est du ressort du ministère de la bonne gouvernance. La loi montre clairement les prérogatives du ministre dans cette affaire. « Pourtant, il a été écarté. » déplore Gabriel Rufyiri.

La société « Global Port Services » Burundi retenue comme étant le nouveau concessionnaire n’a ni postulé ni été sélectionné à cette fin. La même procédure de recrutement du nouveau concessionnaire du port de Bujumbura déjà initiée par les autorités du ministère des transports, aurait été régulière. Ce qui n’est pas le cas. Au moment de la soumission, ses statuts étaient à l’état de projet. Il y a seulement quatre jours 4 décembre 2012, qu’elle a été agréée.

Les irrégularités relevées

Selon la note sur la violation des procédures légales exigées dans le processus de sélection du nouveau concessionnaire du port de Bujumbura faite par le ministère à la présidence chargé de la bonne gouvernance et de la privatisation, les autorités du ministère des Transports ont violé les articles 43, 68 et 79 du code des marchés publics. Premièrement, la violation des pré-qualifications des candidats en matière de délégation de service public.

L’article 79 du code des marchés publics qui rend obligatoire la procédure de pré-qualification des candidats en matière de délégation de service public a été totalement violé. En effet, avant le lancement de l’avis de l’appel d’offre international, la mission de contrôle n’a pas pris connaissance d’une pré- qualification organisée sur ce marché public par les autorités du ministère ayant les transports dans leurs attributions. Cette violation de la procédure sus-évoquée a conduit à l’ouverture d’une offre financière unique, celle de Global groupe of Compagnies, ce qui a faussé, par conséquent, le jeu de la concurrence loyale et décrédibilisé l’offre retenue.

La mission de contrôle n’a pas pu obtenir le procès verbal

Deuxièmement, il y a eu violation de la procédure de modification de document d’appel d’offre. En cas de modification de l’avis d’appel d’offre, l’article 43 du code des marchés publics préconise qu’un procès verbal des modifications y apportées soit dressé et transmis à tous les candidats qui peuvent exiger la prorogation des délais par l’autorité contractante. Cela n’a pas été le cas puisque la mission de contrôle n’a pas pu obtenir d’une part, le procès verbal des modifications apportées au document d’appel d’offre par les autorités du ministère des Transports. La mission de contrôle n’a pas pris connaissance d’autre part, de la réponse donnée à la demande de prolongation du délai de dépôt des offres sollicitées par l’un des deux opérateurs économiques qui avait acheté le document d’appel d’offres, à savoir Spedag Interfreight.

Troisièmement, la violation de l’obligation d’informer les soumissionnaires de l’issue de l’analyse des offres en application de l’article 68 du code des marchés publics. La mission de contrôle n’a pas pu obtenir le procès verbal d’analyse des offres techniques des deux candidats qui avaient déposé leurs offres dans les délais à savoir Global Group of Companies et Spedag Interfreight. Pourtant, ce procès verbal est exigé par l’article 68 du code des marchés publics. La mission de contrôle a tiré la conclusion que l’analyse financière de la seule offre Global Group of Compagnies qui a été techniquement retenue, pourrait ne pas permettre de choisir le soumissionnaire le mieux disant étant donné l’absence de comparaison des offres d’autres candidats.

La loi applicable à la concession du port de Bujumbura

Le port de Bujumbura a deux qualifications juridiques. D’une part, c’est un ouvrage public appartenant à l’Etat du Burundi. D’autre part, c’est un ouvrage public affecté par l’Etat du Burundi au service public commercial dans le cadre d’une convention de concession de l’exploitation du port de Bujumbura signée entre le concédant (propriétaire) et le concessionnaire (l’exploitant). Contrairement aux affirmations contenues dans le rapport définitif 548/717/2012 du 31 août 2012 de l’inspection générale de l’Etat relatif à la vérification de la régularité du marché en cours en rapport avec la concession de l’exploitation du port de Bujumbura.

Selon la lexique de termes juridiques, la concession est définie comme un mode de gestion d’un service public consistant à confier la gestion à un concessionnaire recruté contractuellement, agissant à ses risques et rémunéré par des perceptions prélevées sur les usages.
Aux conditions fixées par l’article 2 de la loi n°1/03 du 9 février relative à l’organisation de la privatisation des entreprises à participation publique, des services et ouvrages publics, le gouvernement est autorisé à confier d’une entreprise à participation publique ou d’une partie de son activité, d’un service public ou d’un ouvrage public à un personne privée, physique ou morale, selon les conditions et modalités fixées par contrat.

<doc6511|right>Cette concession ne peut être opérée en dehors du cadre légal

La concession de l’exploitation du port de Bujumbura étant donc une des formes de privatisation de l’exploitation de ce port dans la mesure où elle consiste à confier sa gestion à une personne privée selon les conditions et modalités fixées par contrat, cette concession ne peut être opérée en dehors du cadre légal et réglementaire prescrit par la loi précitée.

Selon le cabinet du ministre à la présidence chargé de la bonne gouvernance et de la privatisation, les dispositions pertinentes à appliquer pour la procédure de recrutement du nouveau concessionnaire de l’exploitation du port de Bujumbura sont notamment les articles 1,2,3,4,11,20 et 21 de la loi n°1/01 du 9 février 2012 portant révision de la loi n°1/03 du 19 février 2009 relative à l’organisation de la privatisation des entreprises à participation publique, des service et ouvrages publics.

La position du cabinet du ministère de la bonne gouvernance et de la privatisation est d’autant fondée que quand le port de Bujumbura a été mis en concession en 2004. Ce sont le président de la République, le ministre de la bonne gouvernance et l’inspection générale de l’Etat qui ont apposé leurs signatures sur la convention de concession de l’exploitation dudit port. Rien ne peut donc légalement justifier le changement de cette procédure en 2012 alors que la législation nationale en la matière en vigueur aujourd’hui confie la conduite d’un tel processus au CIP avec la participation du ministre de tutelle.

Le rapport provisoire donnait 45 jours aux institutions intéressées

La mission de contrôle de l’inspection générale de l’Etat a donc fait une interprétation erronée de la loi n°1/01 du 9 février 2012 relative à l’organisation de la privatisation des entreprises à participation publique, des services et ouvrages publics.

Par ailleurs, en application de l’article 51 du décret n°100/09 du 15 janvier 2010 portant réorganisation de l’inspection générale de l’Etat, qui dispose que « la diffusion du rapport définitif de vérification est assurée par l’inspection générale de l’Etat conformément aux directives du ministre ayant la bonne gouvernance dans ses attributions.»

Il convient de noter que le rapport définitif n°548/717/2012 du 31/08/2012 relatif à la vérification de la régularité du marché de mise en concession de l’exploitation du port de Bujumbura a été diffusé 15 jours après la production du rapport provisoire (le 16/08/2012) et sans attendre les directives du ministre de la bonne gouvernance. Pourtant, le rapport provisoire donnait 45 jours aux institutions intéressées de donner leurs observations éventuelles.

La mission de contrôle de l’inspection générale de l’Etat a donc, non seulement fait une interprétation erronée de la loi n°1 du 9 février 2012 relative à l’organisation de la privatisation des entreprises à participation publique, des services et ouvrages publics, mais aussi violé les dispositions du décret n°100/09 du 15 janvier 2010 portant réorganisation de l’inspection générale de l’état sur la diffusion des rapports définitifs.

La loi relative à l’organisation de la privatisation des entreprises prime sur toutes les autres lois

Le rapport définitif n°548/717/2012 du 31/08/2012 relatif à la vérification de la régularité du marché de mise en concession de l’exploitation du port de Bujumbura ne peut donc pas justifier la poursuite du processus de mise en concession du port de Bujumbura au regard des vices de forme et de fond relevée ci-dessus.

La loi n°1/01 du 9 février 2012 relative à l’organisation de la privatisation des entreprises à participation publique, des services et ouvrages publics prime sur toutes les autres lois applicables à la concession de l’exploitation du port de Bujumbura.

Conformément à l’article 3 de la loi n°1/01 du 9 février 2012 relative à l’organisation de la privatisation des entreprises à participation publique, des services et ouvrages publics, la décision de cession de la gestion de tout ou une partie des services ou ouvrages publics à une personne physique ou morale de droit privé est prise contre paiement du prix, sur base de la liste déterminée à l’article 2 de cette loi, sous réserve de l’article 196 de la loi n°1/13 du 9 août 2011 portant révision du code foncier.

La conduite de mise en concession aurait dû être menée dans le cadre du CIP

Cela implique que le code des marchés publics invoqué par la mission de contrôle de l’inspection générale de l’Etat et la loi n°1/11 du 16 mai 2010 portant code de la navigation et du transport lacustres avancé par les autorités du ministère des Transports ne régissent pas la procédure de recrutement du nouveau concessionnaire du port de Bujumbura.

Au demeurant, le code des marchés publics et la loi n°1/11 du 16 mai 2010 portant code de la navigation et du transport lacustre sont antérieurs à la loi n°1/01 du 9 février relative à l’organisation de la privatisation des entreprises à participation publique, des services et ouvrages publics. Par conséquent, les dispositions antérieures et contraires à cette loi sur la privatisation sus-évoquée sont abrogées.

Enfin, il convient de noter que la loi sur la privatisation prévoit que le ministre de tutelle de la société à participation publique, du service et de l’ouvrage public à privatiser est membre du comité interministériel de privatisation (CIP) pendant tout le processus de privatisation et contresigne l’acte de privatisation, en vertu de l’article 20 de la loi sur la privatisation. « La conduite du processus de mise en concession de l’exploitation du port de Bujumbura aurait dû être menée dans le cadre du CIP avec la participation du ministère des Transports, des Travaux publics et de l’Equipement », conclut la note.

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