Dans ses efforts de reconstruction, la Somalie peine à se relever. Ses institutions se cherchent encore. C’est à l’image de sa police, elle manque de tout. L’Amisom tente de relever le défi en encadrant ce corps.
Nous sommes au poste de commandement de la police de l’Amisom. Des policiers et des militaires dont la plupart sont des Ougandais occupent le secteur près de l’aéroport.
Ils sont aux aguets, ils épient le moindre mouvement suspect: fusils à la main, casques bien posés sur la tête, gilets pare-balles. Une attaque peut surgir de n’importe où et à tout moment.
Il y a beaucoup d’engins militaires. Certains sont rouillés, tout comme les tôles des maisons et des véhicules. Le vent en provenance de l’océan indien contient du sel. Son pouvoir corrosif ronge progressivement tout ce qui est en fer.
A 9 heures, quelques journalistes venus de certains pays pourvoyeurs de troupes en Somalie sont prêts à embarquer dans véhicules blindés. Le port d’un gilet pare-balles et d’un casque est obligatoire. Quelle chaleur ! «On étouffe là-dedans. L’air est chaud. Ça doit être dur pour nos militaires obligés de rester des heures et des heures affublés de tous ces accessoires vitaux», me dis-je.
Les camps de ces policiers sont installés sur de grandes étendues mais il y a aussi des militaires. Arrivés à la guérite surmontée d’un mirador, les policiers en poste n’ouvrent pas notre véhicule. «On est annoncé d’avance, on laisse passer sinon tout véhicule est fouillé de fond en comble».
Avant d’entrer dans ce camp, à quelques encablures de là, un espace bizarre jonché de petits piquets. «C’est le cimetière des militaires somaliens », me confie un policier ghanéen, notre chauffeur.
Dans son véhicule blindé de transport des troupes tout est hermétiquement fermé. Il n’y a que de petits trous pour les canons des fusils.
«On suffoque, la chaleur de la Somalie se moque de la climatisation de notre engin. Tout le monde transpire. De grosses gouttes de sueur dégoulinent de mon front à moitié englouti par le casque».
Certaines routes sont goudronnées. Des militaires somaliens et des policiers assurent la sécurité de certains coins importants. Certains habitants regardent les véhiculent du coin de l’œil. «Quelques-uns sont méfiants mais d’autres lèvent les mains pour nous saluer».
« Merci Amisom »
Le pays dispose déjà d’une police judiciaire. Leurs bureaux de la police judiciaire enregistrent des plaintes. Le commandant de cette police, semble jeune. Il nous fait visiter tout les bureaux.
Constat : pas de personnel suffisant. «La formation continue et nous faisons face à un problème d’équipements. La population a confiance en nous et vient porter plainte», fait savoir le chef.
Il s’exprime essentiellement en somali, une des langues les plus parlée dans ce pays. Fier de voir les journalistes venus des pays contributeurs de troupes, il nous invite à échanger autour de quelques limonades.
En quittant ce camp, nous empruntons une route en terre. Certains jeunes agitent leurs bras, une façon de montrer au chauffeur le chemin à prendre. La terre semble avoir été retournée à certains endroits. Le chauffeur hésite et freine. «Non. Demi-tour. Je les suspecte. On n’est pas à l’abri des mines antichars dans les parages», alerte le Ghanéen au volant.
Aussitôt décidé, aussitôt fait. Les yeux écarquillés, les jeunes s’étonnent. Dans le véhicule, personne ne dit mot. Mille pensées noires circulent dans ma tête.
«On s’imagine ce qui allait se produire si c’était réellement une mine. Peut-être que ma petite famille ne me verrait plus… » Mais Dieu merci et merci au chauffeur pour avoir appliqué les consignes de sécurité. «En terrain hostile, sur une route en terre, il faut se méfier des endroits où la terre semble avoir été retournée».
Le hidjab par-dessous le béret
A 3 km de là se trouve un centre de formation des policiers. Le directeur de la police somalienne arrive avec quelques policiers. «Surprise, des Somaliennes policières ! ».
La tradition musulmane est respectée. Pas question de porter un pantalon ou une jupe, encore moins montrer ses cheveux, une des policières porte le hidjab (voile) sous le béret. Leur équipement laisse à désirer. Leur chef le confirme d’ailleurs et remercie l’Amisom. «Nous devons tout cela à l’Amisom».
Après le constat des travaux des policiers de l’Amisom. Il faut aller voir comment la nouvelle police lacunaire applique ce qu’elle apprise.
Vers 19 heures, l’équipe de reporters est invitée à aller voir comment les policiers nouvellement formés par l’Amisom mettent en application les théories.
Il faut sillonner les routes de Mogadiscio. Tout le monde se dit que ce n’est pas indiqué, que c’est dangereux. Mais, nous faisons confiance à nos guides. Premier constant, les routes de la capitale Mogadiscio sont éclairées. Il y a du mouvement, les rues sont animées. Des banques, des universités, de grands magasins voire des supermarchés fonctionnent.
«La Somalie est ressuscitée mes amis», glisse un policier nigérien. Nous sommes dans le même véhicule. Nous passons tout près d’un rond-point, une sorte de jonction des routes, à 200 m du lieu de la récente attaque la plus meurtrière en Somalie. Elle a fait plus 500 personnes tuées le 14 octobre dernier.
Des policiers somaliens font le contrôle de certains véhicules. Ils sont à l’aise mais le font sous l’œil vigilant de leurs formateurs de l’Amisom. «Nos renseignements ne nous indiquent aucun danger aujourd’hui. C’est pourquoi le contrôle n’est pas très rigoureux», affirme un policier nouvellement formé.
Ses collègues dont certains n’ont même pas de tenues adéquates sont de part et d’autre des routes. Ils n’ont que des AK 47, leurs bretelles sont en lambeaux, les chaussures sont usées, ils n’ont pas de bérets.
Tout le monde affirme qu’il se pose un problème de moyens matériels. Même constat pour Christine Olalo, Commandant de la police de l’Amisom.
Cette Ougandaise appelle la Communauté internationale à redoubler d’effort dans ses appuis au relèvement de la Somalie. Elle demande que les effectifs des policiers de l’Amisom soient revus à la hausse pour mieux encadrer leurs collègues somaliens.