Les commissaires Edouard Nibigira, Emmanuel Mbonirema et Zénon Ndabaneze affirment que leur corps a joué pleinement son rôle d’assurer l’ordre social et la sécurité publique. Ces derniers font état de cette évolution.
<doc6167|left>Du chef de ménage à la police nationale actuelle, le Burundi a toujours assuré l’ordre et la sécurité de ses citoyens. Edouard Nibigira, directeur général de la planification et des études stratégiques au ministère de la Sécurité publique, indique que la police n’a pas toujours existé. Avant la constitution de l’Etat burundais, la sécurité est assurée par le chef de famille : « Dans notre tradition, plus on avait de garçons, plus la sécurité était garantie. Ils étaient considérés comme des combattants. »
A la création de l’Etat burundais, il indique que la responsabilité de la sécurité revenait au roi : « Il défend tout le territoire et protège les frontières en collaboration avec les notables qui se chargent de la sécurité intérieure. »
A l’époque de la colonisation, ce sont « les Allemands qui assurent l’ordre public du Burundi et celui du Buha. » Quand ces derniers sont partis, fait-il savoir, les Belges prendront la relève. La présence de la colonie belge au Congo, dit-il, facilitera la gestion du Bushi. M. Nibigira souligne que la Belgique ira jusqu’à faire appel à une force publique congolaise. Elle sera chassée en 1960 pour être remplacée par la gendarmerie.
L’indépendance du Burundi change tout
Le commissaire Emmanuel Mbonirema, chef du Bureau chargé des études de la planification à la direction générale de la police, assure qu’en 1961, des Belges collaborent avec des nationaux : « Ils tentent de créer une police judiciaire des parquets. Un centre de formation est mis en place et accueille en premier lieu des inspecteurs de police judiciaire (IPJ).» Par la suite, des officiers de police judiciaire sont recrutés en 1966. « Ils seront formés pendant deux ans et sont affectés dans les quatre brigades qui correspondaient aux quatre parquets du royaume (Bujumbura, Bururi, Gitega et Ngozi). »
A l’indépendance du Burundi, poursuit le commissaire Mbonirema, on assiste aussi à la naissance de la police des migrations. Selon lui, cette police comporte deux services, celui chargé de la délivrance des documents de voyage sous la tutelle du ministère des Relations extérieures et le service chargé de contrôler les mouvements intérieurs sous l’autorité du ministère de l’intérieur.
Ces polices, indique le directeur général chargé de la planification, sont complémentaires, mais parfois des chevauchements s’observent dans le traitement de certains dossiers. A cet égard, il estime que la constitution d’une seule police s’impose.
Quid du Service National des Renseignements ?
Ce service, indiquent les commissaires, a connu des modifications au niveau de la tutelle comme les autres corps de police. Cependant, les commissaires Zénon Ndabaneze, Emmanuel Mbonirema et Edouard Nibigira considèrent que l’actuel SNR n’est pas une police. Ils soutiennent que c’est un service public qui peut s’acquitter les missions dévolues à la police : « Il est chargé de recueillir des informations dans tous les secteurs de la vie du pays, lesquelles vont servir à différents corps de sécurité pour réaliser des missions leur assignées.» Cependant, ils estiment que le qualifier de police présidentielle est un abus de langage qui peut conduire à la confusion.
Zénon Ndabaneze, président de la Commission Nationale permanente de lutte contre la prolifération des armes légères et de petit calibre, est sans équivoque : « Un service de l’Etat est unique et indivisible. Le chef de l’Etat reste l’autorité suprême à qui tout le monde doit rendre compte. Pourquoi des ministres ne sont pas appelés ministres présidentiels ? Pourtant, ils lui donnent des rapports.»
La police, une institution neutre
M. Nibigira nie toute implication de la gendarmerie et de la police dans les différentes crises qui ont endeuillé le Burundi. Zénon Ndabaneze confirme : « Même si je ne suis pas spécialiste des coups d’Etat, il est très difficile d’associer toute la police. Quelques individus y réfléchissent et embarquent les autres. » M. Mbonirema reconnaît, cependant, qu’à une époque, cette institution a été dominée par l’ethnie tutsi suite aux problèmes de déchirements politiques qu’a connus la région.
Qu’après la consommation des coups d’Etats, des commandants de districts soient nommés pour remplacer des gouverneurs de province, les trois commissaires expliquent : « Cela ne signifient pas qu’ils ont contribué au renversement des institutions. C’est parce que ces commandants maîtrisent la situation sociale pour la gérer au quotidien. »
Ces hauts cadres de la police soulignent, par ailleurs, que la gendarmerie et la police ont prouvé leur sens de responsabilité en assurant le bon déroulement des élections en 1993. En témoigne la confiance du président Melchior Ndadaye envers la gendarmerie pour garder le palais présidentiel. Toutefois, ils estiment que la responsabilité du coup d’Etat du 21 octobre n’incombe pas à la gendarmerie et à la police. « C’est à la justice de faire son travail pour connaître le soi-disant petit groupe « k’inkorabara », concluent-ils.
||Cet article est paru dans le cadre des Conférences pour mémoire||