Le conseil des ministres vient d’adopter, mercredi 11 juillet, un projet de décret portant attribution d’un terrain se trouvant au centre-ville de la province Gitega au parti Cndd-Fdd. Une attribution qui passe mal chez certains politiques.
«Le parti Cndd-Fdd compte y aménager une grande infrastructure qui comprendra un centre de culte, une salle de conférence et qui pourra accueillir d’autres grands événements», a indiqué Philippe Nzobonariba, secrétaire général et porte-parole du gouvernement.
Selon lui, ce projet a été présenté par le ministre des Transports, des Travaux Publics, de l’Equipement et de l’Aménagement du Territoire.
Cette parcelle se trouve dans le quartier Magarama, à proximité du palais présidentiel. Elle a une superficie de plus de 2 ha. «Avant, cette parcelle servait de terrain de football aux enfants du quartier», témoigne les habitants de la ville de Gitega.
«Une preuve que le Cndd-Fdd est devenu un parti-Etat»
«Le Cndd-Fdd s’est approprié beaucoup de biens de l’État. La corruption, l’expropriation de biens de l’État et de la population sont parmi les caractéristiques saillantes du pouvoir Cndd-Fdd», affirme Aimé Magera, porte-parole d’Agathon Rwasa. Et surtout, poursuit M. Magera, ce parti confond les biens publics et les biens individuels.
Et d’ajouter que le parti de l’Aigle rançonne la population en collectant des fonds par force pour financer la construction de leurs permanences :
« Quel autre parti peut oser le faire s’il ne veut pas que l’enfer s’abatte sur ses membres?»
Aimé Magera indique qu’il n’est pas étonné par cette décision : «Sur les places publiques et dans les parcelles privées, le Cndd-Fdd érige des monuments à sa gloire. Aucun autre parti ne peut le faire.» Pour lui, le gouvernement burundais a violé la loi.
Même son de cloche de la part de Léonce Ngendakumana, vice-président du parti Sahwanya Frodebu : «C’est la confirmation que nous sommes dans un système politique de parti-Etat. C’est également une preuve évidente que nous nous acheminons vers une église unique parrainée par le parti Cndd-Fdd.» D’après lui, toutes les décisions, y compris cette attribution, qui sont prises en violation des règles de la bonne gouvernance seront automatiquement annulées par un pouvoir post-Cndd-Fdd.
Bien plus, martèle M. Ngendakumana, le gouvernement n’a pas violé uniquement la loi, mais il est en train également de procéder au détournement des biens publics et aux malversations économiques et financières. D’après le vice-président du Frodebu, les conséquences sont nombreuses, notamment la création des inégalités sociales, le détournement des deniers publics entraînant la non-exécution des programmes vitaux du pays.
«L’Assemblée nationale doit se saisir»
Contacté, Gabriel Rufyiri, président de l’Olucome, abonde dans le même sens. D’après lui, cette décision est anticonstitutionnelle car l’article 69 al.1 de la Constitution burundaise stipule que les biens publics sont sacrés et inviolables.
Au regard de cette décision du conseil des ministres d’attribuer des hectares au parti Cndd-Fdd pour un objet contraire à la mission principale du parti au pouvoir, poursuit M. Rufyiri, cette attribution est un détournement pur et simple du patrimoine publique. «Comment le Cndd-Fdd peut demander une parcelle pour construire un centre de culte, alors qu’il n’est pas une confession religieuse. Si c’est le cas, il faut qu’on le sache.» Et de demander à l’Assemblée nationale de dépêcher soit sa commission gouvernance ou la Cour des comptes pour analyser les lois violées par le conseil des ministres.
«Le code foncier est clair», réplique Jean Bosco Ntunzwenimana, ministre des Transports, des Travaux Publics, de l’Equipement et de l’Aménagement du Territoire. D’après lui, lorsqu’une parcelle dépasse 1 ha, cela doit passer devant le conseil des ministres. «Que cela soit un simple citoyen ou un parti politique. Peut-être qu’ils critiquent cette décision parce que c’est le Cndd-Fdd.»
A la question de savoir si les autres partis politiques peuvent eux aussi introduire une demande et bénéficier d’une parcelle, le ministre répond par l’affirmative. «Si on analyse et qu’on trouve que son dossier est recevable, il n’y a pas de problème.» Iwacu a tenté, à maintes reprises, de joindre le parti Cndd-Fdd, sans succès.