Samedi 23 novembre 2024

Économie

Plus de douze mille caféiculteurs impayés

07/07/2016 3

Trois Sogestal doivent aux caféiculteurs une somme estimée à 1.063.000.000Fbu. Le gouvernement promet une solution d’ici au 31 août cette année.

Dans le nord du pays, certains vergers sont délaissés
Dans le nord du pays, certains vergers sont délaissés

« Depuis fin 2015 jusqu’aujourd’hui, il y a des caféiculteurs qui n’ont pas encore reçu leur argent pour la production de 2015 », affirme Joseph Ntirabampa, président de la Confédération nationale des associations des caféiculteurs du Burundi (Cnac Murima W’Isangi). Il s’agit des stations de Nyange (Sogestal de Kirundo), Gishambusha, Rugerero, Gikingo et Gitega (Sogestals de Muyinga). « Dans ces deux provinces, aucun sou n’a encore été donné », précise M. Ntirabampa. Dans la Sogestal Kayanza, poursuit-il, ceux qui ont écoulé leur production chez les commerçants contractuels avec la Sogestal n’ont pas encore perçu leur argent.

Quid de l’origine de cette dette ? Serges Ndayiragije, ministre de la Bonne gouvernance et de la privatisation, révèle qu’à un certain moment les banques commerciales se sont retrouvées dans l’impossibilité d’accorder des crédits aux sociétés paraétatiques ou privées œuvrant dans le secteur du café. Or, précise-t-il, ces dernières avaient déjà pris des engagements envers les caféiculteurs.

Une situation qui rend la vie du caféiculteur intenable. « C’est un vrai calvaire. Je comptais recevoir au moins 250.000Fbu. Ce qui me permettrait de satisfaire certains besoins familiaux », confie un caféiculteur de la commune Matongo, province Kayanza. Aujourd’hui, il lui est impossible de rembourser un crédit contracté pour envoyer ses enfants au Lycée au début de l’année scolaire 2015-2016. « J’espérais que le paiement allait se faire avant la fin de 2015. » Cela constitue une double punition, se lamente-t-il, car la banque a déjà commencé à calculer des intérêts de retard. Sidéré, ce sexagénaire assure que beaucoup des caféiculteurs ne savent plus à quel saint se vouer. « C’est la désolation totale ! »

Gaspard, un autre producteur de Kayanza, indique que le café n’est plus une source de revenus pour un paysan lambda : « Seuls les commerçants s’enrichissent tandis que nous, les producteurs, tirons le diable par la queue.»
Frustrés, ces caféiculteurs se désintéressent de cette culture d’exportation. Ils ont délaissé leurs caféiers ou les ont arrachés au profit de cultures vivrières. Dans cette région également théicole, d’autres préfèrent désormais s’occuper exclusivement du thé.

M. Ntirabampa souligne que ce retard de paiement a entraîné des conséquences néfastes, dont une diminution sensible de la production. «On s’attendait au moins à une production de 17000 tonnes. Mais, c’est à peine qu’on aura la moitié.» Les caféiculteurs n’ont plus confiance dans les Sogestals. La production est vendue frauduleusement au Rwanda, confie un habitant de Bandaga, commune Matongo. Et d’ajouter aussitôt : « Des policiers sont toujours à nos trousses. Qu’on nous laisse chercher d’autres marchés, sinon nous remplacerons le café par d’autres cultures. »

Une lueur d’espoir

La Confédération nationale des associations des caféiculteurs du Burundi (Cnac Murima W’Isangi) a soumis cette question aux hautes institutions du pays, dont le président de la République. Selon M. Ntirabampa, le chef de l’Etat a donné instruction au 2ème vice-président de la République de vider cette question. Ce qui est confirmé par Déo Guide Rurema, ministre de l’Agriculture et de l’Elevage. Il annonce, par ailleurs, que le gouvernement a accepté d’avaliser les commerçants auprès des banques commerciales afin qu’elles payent toutes les dettes dues aux caféiculteurs. « Cela doit se faire avant le 31 août 2016.» Ces commerçants remettront plus tard l’argent qu’ils doivent à ces banques. Et le gouvernement, fait-il savoir, reviendra sur son aval le moment venu.

« C’est une bonne initiative et nous espérons que cela ne va plus se répéter », réagit M. Ntirabampa. Ainsi, il demande aux caféiculteurs de ne pas délaisser les vergers ou arracher les caféiers. Le président du Cnac Murima w’Isangi apprécie, au demeurant, la mesure du gouvernement de revoir à la baisse le taux d’intérêt (16% à 8%) pour les commerçants du café.


La BM au secours du café burundais

La Banque Mondiale a promis au gouvernement un don de 55 millions de dollars destinés à redynamiser la filière café. Les caféiculteurs s’en réjouissent.

Selon Déo Guide Rurema : « Tout détracteur ou saboteur des activités de redynamisation de la filière café sera sanctionné. »
Selon Déo Guide Rurema : « Tout détracteur ou saboteur des activités de redynamisation de la filière café sera sanctionné. »

« Ce don sera utilisé exclusivement dans ce secteur café pour l’intérêt de la population », a promis Déo Guide Rurema, ministre de l’Agriculture et de l’Elevage. Selon lui, c’est un travail qui sera fait en synergie avec les associations, les coopératives des caféiculteurs, etc. Et il avertit que « tout détracteur ou saboteur sera sanctionné et mis à l’écart.»

Pour Bernard Ndayisenga, président de la Commission chargée de l’Agriculture et de l’Elevage à l’Assemblée nationale, le vieillissement des vergers, la démotivation des caféiculteurs mal rémunérés, l’échec de la privatisation de la filière font partie des causes de la chute de la production du café au Burundi.

Le président de la Cnac Murima W’Isangi affirme qu’ils ont été associés dans le processus de demande de ce don. Selon lui, un recensement fait en 2007 a montré que le Burundi comptait 122.000.000 caféiers. Cette opération a montré, poursuit-il, que 30% devaient être remplacés parce qu’ils sont vieux.

Pour Joseph Ntirabampa, les caféiculteurs devraient garder espoir
Pour Joseph Ntirabampa, les caféiculteurs devraient garder espoir

Il indique que ce don sera orienté dans deux projets principaux : le renouvellement des vieux caféiers après un recensement actualisé des caféiers au Burundi et l’augmentation de la production de 15.000 tonnes à 30.000 tonnes en six ans. Et une partie du budget sera destinée aux jeunes et aux femmes, précise M.Ntirabampa.

Même si le renouvellement des caféiers concerne tout le pays, il y aura six provinces pilotes à savoir Ngozi, Kayanza, Kirundo, Muyinga, Gitega et Karusi. Et de conclure : « En moins de deux semaines, il y aura une signature entre le gouvernement et la Banque Mondiale. »

Forum des lecteurs d'Iwacu

3 réactions
  1. Bundes

    Ngo « tout détracteur ou saboteur des activités de redinamisation de la filière muzomumesa.. » emwe ba DD birabafyuye ! Qui vous sabote par rapport à cela ??uwo binaniye ngo ikirago kiranyerera »Ariko mwagotse mu kunyuruza amahera y´aba paysans!!

  2. Ndakumesa

    Mr Déo Guide songez d´abord à payer ces pauvres paysans , il n´est pas question maintenant de redinamisation de la filière !! Ces 55 millions de dollar « qu´on vous a promis » c´est pour vous !!

    • Vibuzimu

      Ridicule de sacrifier les producteurs qui ont tellement tout donner jusqu’a’ devenir les premiers dans le monde entier au niveau dd la qualite du cafe en 2007. J’ai nomme l’usine de Bwayi.

      Le Burundi a rarement eu des responsables centres sur l’interet de la polulation et d’une vraie culture de business. Je pleure pour ces pauvres qui se font voles et menaces en meme temps. Un langage des temps revolus.

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