A chaque fois qu’Iwacu publie des articles sur l’intolérance politique, il reçoit des remontrances, des reproches, voire des avertissements de la part de certaines autorités. Entre autres reproches : « Vous instrumentalisez le sentiment de violence, vous dramatisez la situation, vous mettez l’huile sur le feu. » Pour me taquiner ou m’attaquer, un dignitaire-ami- m’a lancé une boutade lorsque nous avons dénoncé l’incendie de la permanence du parti CNL à Nyabiraba : « Vous les journalistes, vous adorez les avions qui tombent, les tremblements de terre, les inondations, les crimes.» Pour ces responsables, la situation politico-sécuritaire est calme. Il n’y a pas de messages de haine, les politiques sont de plus en plus responsables… J’ai dit à mon ami que c’est aussi notre souhait !
Toutefois, Iwacu n’invente rien. Il travaille sur des faits. Notre souci, en informant, c’est pour éviter justement que la situation ne dégénère. Faut-il se taire quand à Gashikanwa, sur la colline Gitanga ,un civil blesse à la tête avec une machette un policier? Faut-il justement ne pas interpeler nos dirigeants quand certains policiers obéissent aux ordres des civils de les aider à traquer leurs adversaires politiques ? Faut-il vraiment ne pas informer nos dirigeants sur cette panique de la population de la colline Masasu à Kiremba où les hommes ne passent plus la nuit chez eux ? Faut-il passer sous silence ce qui se passe à Murungurira, commune Ntega où des jeunes vandalisent les maisons de leurs voisins, adversaires politiques?
Le cas de Gitanga à Gashikanwa est emblématique. Les Imbonerakure et les jeunes du parti CNL, Inyankamugayo, vivent à couteaux tirés, s’affrontent, se blessent. Ce qui est nouveau, c’est le renfort des autres Inyankamugayo des collines voisines à leurs « amis de lutte » de Gitanga. La situation risque de dégénérer.
Ce n’est donc pas banal d’informer les autorités sur ce qui se passe dans le Burundi profond. Des cas d’excès de zèle existent, surtout chez les jeunes militants. A quelques mois des élections, il faut les recadrer. J’exhorte aussi les responsables administratifs à rappeler leurs collaborateurs à l’ordre. La police, la justice, l’administration, doivent être au-dessus de ces chicaneries partisanes. Mais favoriser plutôt le « vivre ensemble » des citoyens.
Enfin, durant leur enquête sur terrain dans le nord du pays, à un moment nos collègues ont été privés de leur matériel et interrogés par des autorités méfiantes. Ils ont été contraints de suspendre leur investigation, d’effacer les photos prises. Mais ils n’ont subi aucune violence. Devrions-nous rappeler encore que les journalistes n’enfreignent aucune loi en faisant leur travail ?