Lundi 23 décembre 2024

Politique

Pire que le déni, le mythe du tout va bien

30/09/2022 3
Pire que le déni, le mythe du tout va bien

« Aujourd’hui, nous nous sommes rétablis et le pays marche bien dans la voie vers son développement socio-économique. […]», dixit le président Ndayishimiye, jeudi 22 septembre, lors de la 77e session ordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies. A rebours du fait énoncé par le socio-anthropologue Aloys Misago sur la paupérisation d’un pan de la société burundaise dans la ville de Bujumbura, mercredi 14 septembre, au campus Rohero, lors de la semaine dédiée à l’Université du Burundi : «Les gens de haut standing ne parviennent pas à supporter le poids de la pauvreté de toute la famille élargie. »

Soutenir que « Le Burundi essaie de marcher dans cette ligne, profitant des dividendes de la paix, de la sécurité, de la stabilité […] » interroge sur la réalité du principal dividende : libérer la parole par l’exercice des libertés individuelles (liberté d’opinion…) et des libertés publiques (droit de manifester, droit de grève…). Loin s’en faut pour les collaborateurs des dirigeants, les opposants, les activistes et les syndicalistes pour lesquels le silence devient plus beau que ce qu’ils ont à dire tant le coût de prendre la parole est souvent élevé. Perdre le droit d’être différent ôte le privilège d’être libre.

Quid de « la cohésion sociale retrouvée […]»? A la faveur du récent remaniement ministériel, de hauts cadres se sont lâchés, déplorant des mutations professionnelles sur base ethnique au sein du ministère de l’Intérieur. Le privé n’est pas en reste, en l’occurrence Kira Hospital, jadis une fierté nationale. Son équipe managériale a l’« envie de vouloir renvoyer l’équipe Hutu du service de laboratoire pour les remplacer par des Tutsi », s’indignent des rédacteurs anonymes dans un « Cri d’alarme pour Kira Hospital » remontant au 15 septembre. Info ou intox, l’on persiste à réveiller les vieux démons de l’ethnisme pour disqualifier ou asseoir sa domination, 60 ans après le recouvrement de l’indépendance et 22 ans après l’Accord d’Arusha.

Pas de voie vers le développement socio-économique en terre où sévit une corruption endémique. Recourir à des indicateurs de performance qui ne pointent sur aucune causalité, initier un budget-programme sans essayer de comprendre d’où vient la fièvre, c’est apporter des solutions techniques pour un problème systémique qui entrave le développement socio-économique, entame la confiance et décourage l’investissement. On s’acharne sur le thermomètre pour afficher des indicateurs satisfaisants.

Tenir un langage de vérité sans éprouver le besoin d’attaquer qui que ce soit est la condition pour enrayer la spirale de déclin. Notamment la nécessaire sortie de la dialectique du maître et de l’esclave pour passer le cap de la maturité de la société burundaise. En attendant, les gouvernants répètent à l’envi que les droits de l’Homme, l’Etat de droit et les principes démocratiques sont respectés et les gouvernés font semblant d’y croire, préoccupés qu’ils sont à survivre au moins jusqu’au lendemain.

Forum des lecteurs d'Iwacu

3 réactions
  1. Ririkumutima

    Je ne peux pas réaliser une seule fois que les gens lorsqu’ils sont dans les Bikorane ou dans les mascarades de manifestations organisées, croient à cette autoglorification.
    La mauvaise gouvernance et la corruption crèvent les yeux et le coeur.

  2. Sebarazingiza

    Bravo à Iwacu pour votre courage mais j’ai peur pour vous!!!!
    Reka sinvuge menshi.

  3. Manisha

    Voyons ! Le Président de la République ne peut dire que cela devant cette auguste assemblée.
    Maintenant, les Barundi dans leur majorité jugent cela. Saurons-nous vraiment ce qu’ils en pensent puisque vous dites que : « …Loin s’en faut pour les collaborateurs des dirigeants, les opposants, les activistes et les syndicalistes pour lesquels le silence devient plus beau que ce qu’ils ont à dire tant le coût de prendre la parole est souvent élevé. Perdre le droit d’être différent ôte le privilège d’être libre » ?

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