Samedi 02 novembre 2024

Société

Pierre-Claver Mbonimpa et Antoine Kaburahe : deux hommes « debout »

22/09/2017 8

A la veille de leur grande tournée au Canada, organisée dans le cadre de la parution du livre « Rester debout », qu’Antoine Kaburahe a consacré à Mutama, une journaliste belge tire le portrait de deux personnalités grand format. Portraits croisés.

En apparence, presque tout les sépare. L’âge d’abord. Le premier, Pierre-Claver, roule sur ses 67 ans. Une vie intense, dédiée à la lutte pour les droits de l’Homme. Pour son engagement, il a tout vécu : la prison, les privations, il a frôlé la mort en 2015. Mais pas tout à fait. Des assassins, après l’avoir raté, de peu, se sont vengés et lui ont pris ce qu’il a de plus cher : Welly, son fils de 24 ans, et son beau-fils. C’est sur son lit d’hôpital qu’il a appris le meurtre du premier. Mais tel un sphinx qui renaît de ses cendres, physiquement diminué, son engagement est toujours intact. Après trois mois de soins très lourds, Pierre-Claver reprendra le combat qu’il n’a jamais arrêté. Il dit qu’il ne l’arrêtera qu’à son dernier souffle.

Antoine, la cinquantaine, est le fils d’un journaliste. Il reprendra le flambeau de Kaburahe senior, un des pères de la presse burundaise. Rédacteur en chef du journal Ndongozi, Damien Kaburahe, était un des compagnons de lutte du Prince Rwagasore. Dans ses Mémoires, le dernier résident belge. M. Harroy, est très virulent contre ce journaliste. Ce qui fait sourire Kaburahe junior : « la fureur de Harroy contre l’action de mon père dans la lutte pour l’indépendance est le plus bel hommage que j’ai lu ».

« Au bout de la nuit, le jour »

Pierre-Claver et Antoine ont ceci de commun que ce sont deux altruistes brûlant de la même flamme. Ils sont entiers, déterminés dans leurs combats. Ce sont deux forces de la nature. « Au bout de la nuit, le jour », écrira Mutama. En 1996, il sort de la prison de Mpimba où il fut injustement incarcéré, torturé, battu pendant deux ans. La prison a été une école pour lui. Une révélation. Choqué par ce qu’il a vu et parce qu’il a vécu, il va désormais se battre pour les droits des prisonniers.

C’est une première au Burundi. Il ne s’arrêtera plus. Après les prisonniers, son combat va s’étendre à toutes violations des droits de l’Homme.  Pierre-Claver est un pionnier. A l’époque, la société civile n’existe pas. La portée de son combat est reconnue mondialement. Aujourd’hui, après de nombreuses distinctions internationales, il est nominé pour le prestigieux prix Sakharov, créé en 1998 par le Parlement européen pour honorer les défenseurs des libertés fondamentales.

Antoine, lui, fut contraint à l’exil, la mémoire blessée par de tragiques événements qui l’ont affecté personnellement. Mais il retournera au Burundi, en 2008, avec l’âme d’un bâtisseur. Il porte un projet ambitieux : lancer un journal indépendant. La presse écrite est embryonnaire. Les rares journaux sont moribonds. Tout le monde est sceptique.

Les débuts furent difficiles. La petite équipe disposait de trois ordinateurs et d’un appareil photo. Les journalistes se relayaient pour saisir leurs papiers. Mais à force de ténacité, de rigueur, le modeste journal grandit, se professionnalise. Petit à petit, les Burundais découvrent avec plaisir un journal professionnel qui gagnera progressivement une reconnaissance internationale.

Aujourd’hui, Iwacu est un groupe de presse respecté dans le paysage médiatique burundais. Il emploie près de 40 personnes qui vous informent sur le Burundi chaque jour dans une variété de supports : un hebdo en français et kirundi, un magazine mensuel, une web TV, une web radio, une Newsletter quotidienne, un site internet, un portail open data pour documenter le Burundi, et une maison d’édition. En juin 2015, n’eût été la crise, Iwacu allait devenir un journal quotidien et les négociations étaient avancées pour une alliance avec un grand groupe de presse kenyan pour lancer une télévision…

Tournée canadienne

A l’occasion de la publication de « Rester debout », un livre consacré aux combats de Pierre-Claver Mbonimpa sous la plume d’Antoine Kaburahe, entament le samedi 23 septembre une tournée canadienne. Elle débute à Montréal pour se clôturer le 8 octobre, à Toronto. Ils livreront le récit de leur rencontre et de ce travail commun qui les a réunis pendant plusieurs mois. « Rester debout », c’est la vie et l’engagement d’un grand homme. Mais c’est aussi un livre d’histoire car à travers la vie de Mutama, c’est tout le Burundi qui défile dans ce qu’il a de plus beau et de plus tragique. Depuis la monarchie, les différentes républiques, l’avènement de la démocratie, la guerre, l’arrivée du CNDD-FDD au pouvoir, le troisième mandat, les manifestations, la répression…

Il faut lire « Rester debout », où des situations complexes sont racontées simplement, avec tout le talent d’Antoine Kaburahe, un homme de presse mais aussi de (belles) lettres. La diaspora du Canada a eu l’excellente idée de les inviter. Ils étaient venus présenter leur livre à Bruxelles en juillet dernier, ce fut un grand moment, très émouvant aussi, les deux hommes forcent le respect. Malgré tout ce qu’il a enduré, Pierre-Claver Mbonimpa n’a jamais transigé sur cette valeur essentielle aux Burundais : l’Ubuntu, l’humanisme. Aucune rancœur, mais un désir de justice. Rester debout, c’est une leçon de vie et de courage : ce qui ne tue pas rend plus fort.

Retrouvez sur cette page tous les détails de la tournée de Pierre-Claver Mbonimpa et d’Antoine Kaburahe au Canada

Réservez ou commandez votre exemplaire de « Rester debout »

Forum des lecteurs d'Iwacu

8 réactions
  1. Gig

    Je ne suis pas du genre optimiste, mais voir Antoine et le Vieux me donne encore la force de prier.

  2. Kagura D

    Debout jusqu’au bout chér Antoine….Ils ne pourront jamais voler notre liberté et notre espoir en un Burundi sans ethnies predatrices….
    “Il n’y a pas de répression de l’espoir ; à moins de l’étouffer soi-même.”
    De Albert Camus / Le mythe de Sisyphe

  3. Nahayo

    Deux hommes débout? Façon de dire. Il s’en est fallu de peu que le Mutama parte couché dans un cercueil les pieds devant et mon ami de l’Athénée Antoine a failli se faire allonger à Mpimba. Je propose un titre alternatif « Deux rescapés »

    • j’adore votre humour (noir), disons que pour le moment on est encore debout -)

      AK

      • Nahayo

        Merci frère

  4. Rurihose

    Muri abagabo naho i Gihugu gisigaye kirimwo ba Nkundikije, Nkundinda, ba Mpemuke Ndamuke.
    Stand beloved gentlmen, like a « Roseau » in the wind

  5. MANGA

    J’espère qu’un jour vous rentrerez au Burundi pour donner le meilleur de vous même sur place.
    Mais mais le médiateur qui devrait convaincre nos dirigeants pour une meilleure gouvernance n’est pas un bon exemple. Nous sommes encore une fois mal partis.
    http://www.jeuneafrique.com/476053/politique/ouganda-manifestations-etudiantes-contre-une-reforme-de-la-constitution-sur-mesure-pour-museveni/?utm_source=Newsletter_JA_Actu&utm_medium=Email&utm_campaign=Newsletter_JA_Actu_22_09_17

  6. Nyamaga

    LOVE U GUYS. Courage, and may God bless!

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