Qui est Pierre Claver Kabirigi, le nouveau rebelle ? A-t-il des relations avec l’opposition interne comme certains pourraient le penser ou le faire croire ? Quelles chances la luette du FRD-Abanyagihugu a-t-il d’aboutir dans le contexte géopolitique actuel ? Iwacu fait le point. Qui est Pierre Claver Kabirigi ? <doc2205|left>De son vrai nom Pierre Claver Kamanzi, le nouveau « chef » rebelle est né en 1972, à Monge, sous-colline Rwiri, de la zone et commune Ntega (Kirundo). Fils de Melchior Ihimbare et Barizira Imelda, Pierre Claver Kabirigi fait ses études primaires à Sasa (Kirundo). Il n’ira pas loin ; car il ne fera pas l’école secondaire. En 1988, suite à la crise de Ntega et Marangara (Kirundo), il se réfugie au Rwanda où il entre au mouvement Palipehutu. Là, d’après Godefroid Niyombare, chef d’Etat major de l’armée burundaise, il se procure un diplôme de technicien niveau A2 sous le nom de Patrick Kwizera. Il utilisera ce document pendant toute sa vie professionnelle, indiquent des sources policières. 1991, retour au pays. Des sources affirment qu’il aurait servi l’Eglise catholique en tant que catéchiste à Sasa même. Suite à la crise d’octobre 1993, il se réfugie en Tanzanie. Il est engagé dans un centre de santé du district de Rukore et travaille comme aide-infirmier. Cependant, nos sources ignorent si Pierre Claver Kabirigi aurait suivi ou pas une formation dans ce domaine. En 2003, il rentre au pays et adhère au mouvement CNDD-FDD encore au maquis. Avant l’agrément de cette formation comme parti politique, Pierre Claver Kabirigi est enregistré sur la liste des hommes en tenue de ce mouvement. A la victoire du CNDD-FDD, aux élections de 2005, il sera promu chef de poste adjoint de la police à Muyinga (Butihinda, Gasorwe) et chef de poste à Isale (province Bujumbura). En 2007, juste après l’emprisonnement d’Hussein Radjabu, son ami et ancien homme fort du parti présidentiel, Kabirigi se révolte et déserte la police. Il sera arrêté puis emprisonné à Mpimba. Gaffeur né, Kabirigi restera gravé dans la mémoire de la hiérarchie policière. Et pour cause ! En 2010, il arrive à s’évader de la prison de Mpimba. Après deux tentatives, il rejoint les combattants d’Agathon Rwasa en République Démocratique du Congo. Là, il aurait été alors chargé de contrôler la région est du Burundi (Ruyigi et Cankuzo). L’histoire tourne mal quand il essaie de convaincre les fidèles de Rwasa qu’il est l’envoyé spécial de leur chef alors qu’il serait financé par son ami intime (Hussein Radjabu). Vers fin juillet 2011, Pierre Claver Kabirigi et son groupe lancent les premières attaques à Gisuru (Ruyigi). Interrogés, Emmanuel Miburo, le président reconnu par le ministère de l’Intérieur comme président du parti FNL, et des sources proches d’Agathon Rwasa ne le reconnaissent pas Kabirigi dans leurs rangs. <doc2203|left>L’UPD dans le collimateur Coïncidence ou imprudence ? Les couleurs du logo du mouvement Forces pour la Restauration de la Démocratie (FRD-Abanyagihugu) de Pierre Claver Kabirigi sont les mêmes que celles du parti UPD Zigamibanga : rouge, jaune et vert. Lundi, 28 novembre 2011, trois jours après la sortie du communiqué de ce mouvement, commencent alors les arrestations. Emmanuel Ndereyimana, secrétaire exécutif du parti UPD en Mairie de Bujumbura et ancien chef du Protocole au Sénat, ainsi que Karim Nibohe, cadre du Sénat et militant du même parti, sont arrêtés par le Service national de renseignement (SNR). Dans la foulée, Hassan Ruvakuki, journaliste à la Radio Bonesha FM et correspondant du service swahili de Radio France Internationale, est arrêté, lundi 28 novembre 2011, par des policiers accompagnés d’agents du SNR. Avant d’être conduit dans un cachot inconnu, ces éléments font une fouille perquisition au domicile de ce journaliste soupçonné de collaborer avec une ’’rébellion naissante’’. Quelques documents ont été emportés par ces agents. Puis il est embarqué pour la province Cankuzo (est du pays), à plus de 100 km de Bujumbura. Deux jours après, le porte-parole de la Cour suprême dira aux médias que Hassan Ruvakuki a été arrêté sur un mandat délivré par le procureur de la République à Cankuzo et qu’il est accusé d’actes terroristes. « J’ai été très surpris » Zedi Feruzi, président de l’UPD Zigamibanga est direct : « Nous ne connaissons pas M. Kabirigi à l’UPD. Il n’est même pas sur la liste des militants de ma formation politique. » D’ailleurs, indique-t-il, il a entendu ce nom pour la première fois à travers la radio. En outre, les deux militants emprisonnés étaient, pour Zedi Feruzi, des citoyens paisibles pour collaborer avec une rébellion. Il demande à la justice de bien mener ses enquêtes : « Avant d’être membre de tel ou tel autre parti politique, nous sommes avant tout des Burundais. Nous ne pouvons pas prôner la paix et mener la guerre. » ________________________ > [ Le FRD, une menace, mine de rien->http://www.iwacu-burundi.org/spip.php?article1474] _____________________________ Que le logo du FRD ait les mêmes couleurs que ceux de l’UPD, Zedi Feruzi trouve que c’est tout à fait normal : « Cela dépend de celui qui interprète et où il veut en arriver. » « Notre lutte n’est pas armée » Pour Chauvineau Mugwengezo, porte-parole de l’UPD-Zigamibanga (camp considéré par une certaine opinion comme Hussein Radjabu et brouillé depuis quelques mois avec Zedi Feruzi), ceux qui soupçonnent son parti ont tort : « Sincèrement, l’UPD n’est pas impliqué ni de près ni de loin dans cette rébellion. » Concernant les membres de ce parti arrêtés après les déclarations de Kabirigi, M. Mugwengezo explique que le mobile de leur arrestation ne lui a pas été communiqué : « Nous pensons que c’est une façon de les intimider afin qu’ils se convertissent au partir présidentiel. » Pour le porte-parole de l’UPD-Zigamibanga, celui qui veut user de la force le fera indépendamment du parti. « Nous sommes engagés à continuer notre politique sans verser le sang », rappelle-t-il. Par ailleurs, poursuit Chauvineau Mugwengezo, Kabirigi est fondamentalement membre du parti au pouvoir : « S’il a osé entreprendre cette démarche et décliner son identité, cela n’engage que lui. » Les deux versions différentes du logo N’empêche. Le site {www.burunditransparence}, réputé proche du parti UPD, avait, dès le premier jour de l’annonce de Kabirigi, posté le mémorandum du FRD-Abanyagihugu, avec un logo avec des couleurs semblables à celles de l’UPD. Mais il a, depuis ce mardi, mis une version avec un autre logo : reste seulement la couleur jaune, le rouge et le vert ont été supprimés, comme par enchantement. Un logo différent de celui que le nouveau chef rebelle avait envoyé aux médias. Serait-ce la conséquence de l’arrestation de membres ou de la protestation de l’UPD ? <doc2202|right>Une façon aussi d’impliquer l’ADC Ikibiri ? Léonce Ngendakumana, président en exercice de la coalition de l’opposition ADC-Ikibiri, indique qu’elle ne soutient pas l’option de la lutte armée prise par Pierre Claver Kabirigi. Cependant, il estime que les déclarations de Kabirigi s’inscrivent dans la ligne des inquiétudes de l’ADC : « Violations des droits de l’homme au quotidien, tueries, situation politique, économique et sécuritaire désastreuse, etc.» Sans toutefois écarter l’hypothèse d’un montage M. Ngendakumana trouve que Kabirigi est l’une de ces personnalités déçues et frustrées par la mauvaise gestion du pays. Et si le pouvoir continue sur cette lancée, ajoute M. Ngendakumana, certainement que d’autres personnes vont opter pour la voie de la guerre. Léonce Ngendakumana balaie d’un revers de la main la version selon laquelle le parti UPD, membre de la coalition, serait de mèche avec cette nouvelle rébellion : « J’échange souvent avec certains militants de l’UPD. Aucune idée de recourir à la guerre. La lutte est politique. » Pour lui, que l’on incrimine certains membres de l’UPD pour mettre la main sur l’ADC, cela est possible. Toutefois, le président de l’ADC estime que tout parti membre de la coalition qui préconise une lutte armée comme solution perd automatiquement cette qualité: « L’acte d’engagement et le règlement d’ordre intérieur que nous avons signés sont clairs. » « Le gouvernement doit faire respecter les droits du citoyen » Dans une correspondance adressée au ministre de la Communication, ce 1er décembre, six organisations des professionnelles des médias protestent contre la séquestration et le traitement inhumain du journaliste de la RSF Bonesha FM: « Hassani Ruvakuki est dans l’isolement total. Ni sa famille, ni son employeur, ni ses confrères, ni les associations de défense des droits de l’homme ne sont autorisés à lui rendre visite depuis qu’il a été conduit au camp Mutukura, en province Cankuzo, puis au cachot de police de la même province. » Pour ces associations, cet acte totalement illégal vient s’ajouter à un chapelet d’autres atteintes à la constitution. Elles appellent le gouvernement burundais à faire respecter les droits du citoyen, fondement même de sa légitimité. Pour ces associations, le silence du gouvernement face à ces violations commises par ses agents constitue une menace de plus en plus lourde sur la paix et la stabilité du pays. « Ces procédés visent à intimider les journalistes » Pour Patrick Nduwimana, directeur a.i de la radio Bonesha FM, le gouvernement doit considérer les journalistes comme des partenaires et non comme des adversaires. Reporters sans frontières se dit scandalisée par ces procédés qui visent à intimider les journalistes et la profession toute entière : « Après le harcèlement infligé aux médias privés, voilà qu’un journaliste se fait arrêter brutalement et sans mandat », déclare Ambroise Pierre. de cette organisation de défense des droits de la liberté de la presse.