Pierre Buyoya n’est pas dans les organes du parti mais sa voix reste très écoutée. Pour avoir assumé de hautes responsabilités au niveau de l’Etat au nom de ce parti, il estime qu’aujourd’hui il ne peut pas se taire. Il propose quelques pistes pour sortir le parti de la crise. Rencontre. <doc2732|left>{ Iwacu : Comment voyez-vous la situation à l’Uprona ?} Pierre Buyoya : Il y a au sein de l’Uprona une crise interne depuis un certain temps. Un conflit entre deux groupes. Le premier, autour du président du parti dont fait partie le premier vice -président de la République et d’autres. Le second, c’est celui qui s’appelle le groupe pour la réhabilitation du parti. Il y a eu déjà plusieurs médiations pour conseiller les uns et les autres afin de trouver une solution. Mais aujourd’hui c’est plutôt l’escalade marquée en particulier par l’incident qui a eu lieu début décembre au siège du parti à Mugumya. Une bagarre entre deux groupes a occasionné la mort d’un homme. Il y a eu l’emprisonnement de monsieur Manwangari et quelques autres. Les propositions pour enlever l’immunité parlementaire à certains des élus du parti Uprona, des écrits dans tous les sens, des déclarations… {Et que proposez-vous pour sortir de la crise ?} D’abord, il faut arrêter l’escalade. Il faut un apaisement. Il faudrait bien gérer cet incident du début décembre. S’il y a des gens qui ont des responsabilités dans le décès qui a eu lieu, il faut que la justice fasse son travail. Mais personnellement je ne vois pas pourquoi quelqu’un qui n’est pas accusé d’avoir tué ou planifié ou encouragé d’une façon évidente, devrait être emprisonné {Là vous parlez de Manwangari ?} Oui, je parle de Manwangari. Je pense que si Manwangari a des responsabilités dans cette affaire, je ne veux pas dire qu’il ne devrait pas être poursuivi, mais il pourrait l’être étant chez lui. C’est tout à fait possible. {Ensuite ?} Cette histoire d’enlever l’immunité parlementaire. Dans un conflit interne du parti, le problème devrait être rester interne sauf, encore une fois, s’il y a des responsabilités évidentes que quelqu’un a commis un crime. Sinon parmi ces députés, s’il y en a qui ont des responsabilités, il pourront répondre sans nécessairement qu’on leur enlève l’immunité. On enlève l’immunité en cas d’infraction d’une extrême gravité ou de flagrant délit. On ne devrait pas en être là. C’est ce que j’appelle mesure d’apaisement. {La question de la médiation des Bashingantahe est très controversée.} Il y a eu toute la polémique autour du rôle des Bashingantahe. J’estime qu’aucune des parties ne devrait refuser le rôle des Bashingantahe. Les Bashingantahe jouent un rôle de médiation, c’est bien connu. C’est conforme à la culture et à la tradition burundaise. Bien sûr, dans le rôle de médiation, les Bashingantahe devraient être acceptés par les deux parties. Si une partie estime que tel Mushingantahe n’est pas neutre, ils ont le droit de le récuser. Concrètement : que chaque partie désigne deux ou trois Bashingantahe qui rassurent que les quatre ou les six se rencontrent pour trouver une voie de solution. {A côté de cette médiation, il y aurait des gestes concrets d’apaisement ?} Oui, il faudrait poser des gestes concrets d’apaisement. Premier geste : il faut que les gens cessent le manœuvres tendant à délégitimer le Président du parti. Le Président du parti a été élu par les Badasigana au sein d’un congrès, d’une façon libre, démocratique. Il devrait terminer son mandat qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas. Et d’ailleurs la période qui reste n’est pas très longue. Deuxièmement, il faut que les gens cessent de déstabiliser les mandataires qu’ils ont envoyés dans l’exécutif, ceux qui représente le parti, je veux dire le premier vice- Président, les ministres, tous ceux qui sont dans l’exercice. A la base du conflit c’est l’insécurisation des individus. Troisièmement, il faut que les gens qui ont été suspendus des instances du parti, du comité exécutif et d’autres niveaux, soient réinstallés dans leur rôle. Encore une fois, dans un parti démocratique, il y a des procédures pour sanctionner les gens. Je pense que le fond du conflit c’est celui là. {A l’Uprona les règles ne sont pas claires ?} Aujourd’hui, c’est assez flou. Il faut que les règles du jeu soient clarifiées. Et le prochain congrès, à mon avis, devrait avancer des propositions. Dans l’avenir, il faudrait que les règles de jeux soient claires : comment on élit le président du parti, comment on l’enlève s’il a commis des fautes, comment il cesse ses fonctions, il faut que tout cela soit claire et que plus jamais on se trouve dans une situation où on réunit quelques signatures en disant voilà il y a autant de personnes, la personne doit partir. {Quelle est votre position par rapport à la tenue d’un congrès extraordinaire ?} Personnellement, je ne soutiens pas ceux qui parlent de congrès extraordinaire. Le parti devrait préparer le prochain congrès dans les délais et élire une direction du parti suivant les règles démocratiques reconnues au sein du parti. Si nous voulons réellement un parti uni, démocratique, les uns et les autres devraient accepter que le jeu démocratique fonctionne. Voilà mes propositions et, je pense, ce sont des choses qui ne sont pas au-delà des possibilités du parti. {Est-ce que le congre extraordinaire ne permettrait pas de crever l’abcès ?} Ma crainte c’est que le congrès extraordinaire soit une occasion, encore une fois, de diviser le parti. Je propose la voie de la légalité. Je pense que qu’on devrait se faire violence pour qu’on accepte ces compromis et qu’on avance. Et que dans le prochain congrès le jeu démocratique joue et que le plus fort gagne.