Les pharmaciens du secteur privé s’insurgent contre la décision leur interdisant l’approvisionnement et la vente de l’Artesunate Amodiaquine. Pour cause de la politique de la gratuité des soins, le ministère de la Santé a décidé de le donner gratuitement.
Dans cinq pharmacies que le Journal Iwacu a visitées, il n’y avait pas d’Artesunate Amodiaquine. « Il y a deux ans, le ministère décide de donner le monopole de vente de l’Artesunate Amodiaquine, qui traite le paludisme simple, aux pharmacies publiques. Pour le secteur privé, il n’a le droit de vendre que la quinine pour guérir le paludisme grave (l’état clinique ne s’améliorant pas après deux jours de traitement) », s’étonne Cassien Ntadambanya, président de l’Ordre national des pharmaciens du Burundi. Selon lui, le ministère de la Santé avance l’argument qu’ils sont incapables de faire le suivi sur un patient qui souffre d’un paludisme simple. « C’est paradoxal ! C’est plutôt avec le paludisme grave qu’il faut faire un suivi rigoureux à cause d’une mortalité élevée qui s’observe (insuffisance rénale…). »
« Beaucoup de patients viennent nous demander l’Artesunate Amodiaquine et repartent bredouille. D’autres, cherchent le coartem prescrit par leurs médecins. Sinon le reste se rabat sur la quinine d’où certaines résistances. » Cela montre, constate le président de l’Ordre des pharmaciens, qu’il n’y a même pas eu assez de sensibilisation chez les médecins qui prescrivent le coartem (équivalent l’Artesunate Amodiaquine) non admis dans le protocole de prise en charge de la malaria. « Mais certains pharmaciens sont obligés de recourir à ce dernier qui est autorisé dans les pays voisins d’où l’automédication et une utilisation à tort et à travers. » Du coup, observe le pharmacien, le contrôle de la qualité n’est plus assuré puisque la traçabilité n’est pas évidente. « Nous sommes déroutés dans notre travail quotidien. » Il demande au ministère de laisser le secteur privé vendre ce médicament.
Pour le département de la Pharmacie, des Médicaments et Laboratoires au ministère de la Santé, l’ordre des pharmaciens est en train de simplifier la question. « Les pharmaciens privés demandent qu’on leur laisse vendre l’Artesunate Amodiaquine alors qu’il est subventionné par l’Etat. Est-ce qu’ils vont accepter de le donner gratuitement ? », s’interroge M. Emmanuel Bamenyekanye, le directeur du département. Et d’ajouter : « Nous ne voulons pas aussi que les centres de santé soient tentés de vendre ces médicaments subventionnés aux privés. » Ensuite, poursuit-il, le prix a été déterminant pour que le coartem ne soit pas accepté dans le protocole élaboré par notre département en concertation avec le programme de lutte contre la malaria et l’OMS. Il rassure qu’un débat avec tous les partenaires dans le domaine a déjà été engagé pour trouver une solution à ce problème. Et de signaler qu’une liste de médicaments, qui doivent être donnés sous ordonnance, est en train d’être dressée.