Les militants du CNL, particulièrement les représentants, en commune Gasorwe de la province Muyinga vivent la peur au ventre. Ils accusent l’administration et les responsables du parti Cndd-Fdd en cette commune de les priver de leur liberté politique, de circulation, d’exercice des activités génératrices de revenus, etc. «Ils mentent », répliquent les accusés.
Tout part d’une réunion, organisée le 5 juillet dernier par l’administrateur communal, Jean Claude Barutwanayo, à l’intention des représentants au niveau local des différents partis politiques.
Officiellement, l’objectif est que ces derniers soient connus, reconnus au niveau de l’administration. Sauf que, dénoncent des militants du CNL, la suite a révélé un autre agenda : «Il semble que c’était une stratégie pour connaître nos représentants, afin de les traquer. Car, depuis, ils sont intimidés».
A Kiryama, en zone Gasorwe, les gens sont avertis. Toute proximité, toute conversation avec Joachim Murekerisoni, le représentant du CNL sur cette colline, est interdite.
«Celui qui sera appréhendé, il sera exemplairement corrigé», auraient menacé Révocat Barutwanayo, président du Cndd-Fdd sur la colline Kiryama et Amissi Mbonihankuye, le président du Cndd-Fdd en zone Gasorwe.
Après moult menaces, Joachim Murekerisoni se verra contraint de fermer son cabaret. Car, raconte-t-il, Idrissa Miburo, un habitant de la localité qui a outrepassé la mise en garde en étanchant sa soif dans ce cabaret, s’est vu tabasser par des Imbonerakure. Le prétexte : ce cabaret abriterait des réunions clandestines des militants du CNL.
Sur la colline Bihogo, la situation est identique. Damas Kwizerimana, le représentant du CNL sur cette colline, subira le même type de menaces. Sa boutique est fermée, le 8 juillet dernier, par des Imbonerakure pilotés par Dismas Ntandikiriye, le président du Cndd-Fdd sur la colline Bihogo. Ils avaient sur eux, rapportent les témoignages, une correspondance de l’administrateur communal. Cette dernière exigeait la ‘‘fermeture des boutiques de ce centre pour des raisons de sécurité’’.
Hormis ceux-là, Joseph Niyonkuru et Joël Karimunda, représentants du CNL respectivement sur les collines Rusimbuko et Kinama, disent passer des nuits blanches, ces derniers jours. Des Imbonerakure, dont un certain Onesphore Nduwimana, le président du Cndd-Fdd à Rusimbuko, les auraient menacés de mort s’ils poursuivent leur activité politique dans le parti d’Agathon Rwasa.
D’après ces témoignages recueillis, tous ces Inyankamugayo se sont confiés à l’administration, y compris à l’administrateur communal.
Néanmoins, aucune suite n’a été apportée à leurs plaintes. «Quand je me suis plaint chez l’administrateur, il m’a répondu que si je ne regagne pas le Cndd-Fdd, ils pourront même m’éliminer», dénonce l’un d’eux.
Au niveau des représentants zonaux du CNL en cette commune, l’intolérance politique en est à son comble après la réunion du 5 juillet. Selon des sources concordantes, le représentant du CNL en zone Gasorwe, un certain Hassan Nzeyimana, est presque mis en quarantaine.
Outre qu’il ne peut plus tenir des conversations avec quiconque, les gens, de quelque parti que ce soit, ne peuvent plus aller travailler chez lui, dans ses champs. «Travailler chez lui, chercher de l’argent chez lui, c’est comme un crime», s’accordent des habitants de Gasorwe. «Car si vous êtes vus chez lui, vous êtes pris pour un militant du CNL, et vous devez en payer les frais».
«Rentrer avant 18h, un devoir pour tout militant du CNL»
Et à la colline Nyungu, où vit Jean Nibizi, le représentant du CNL en zone Bwasare, c’est la panique, depuis le 14 juillet. Ce jour-là, racontent des habitants de Nyungu, Nibizi avait reçu des visiteurs.
Des fidèles de son église étaient venus rendre visite à sa femme, qui n’avait pas été à la prière par cause de maladie. Des hommes et des femmes de différents partis politiques, venus de différentes collines.
De retour chez eux, vers le soir, poursuivent nos sources, ils ont rencontré un groupe de jeunes affiliés au parti au pouvoir conduit par leur représentant, un certain Nzeyimana. Ces derniers les ont ensuite tabassés avant de les relâcher. Il les accusait de revenir d’une réunion illégale.
Quelques heures après, Jean Nibizi est allé voir ce qui arrivait à ses visiteurs. Il a été arrêté, tabassé et conduit manu-militari au cachot de la commune Gasorwe. Il restera emprisonné pendant trois jours, accusé de tenir une réunion illégale.
Depuis cette tragédie, le domicile de Jean Niragira ne connaît plus de visiteurs. «Les gens ont peur ici. Ils savent que tout mouvement est surveillé».
A Gasorwe, les menaces de fermeture des cabarets, des boutiques,… ne concernent pas que les militants du CNL. «Le 14 juillet, Amissi Mbonihankuye, le président du Cndd-Fdd en zone Gasorwe, a interdit publiquement, lors d’une réunion à l’intention des cabaretiers du chef-lieu communal, de donner de la bière aux Inyankamugayo, spécifiquement aux représentants du CNL, sous risque d’arrêt de leur commerce», confient des sources.
Suite aux intimidations tous azimuts, à la peur généralisée en cette commune, les militants se sont imposés une forme de couvre-feu. «C’est un consigne. Tout Inyankamugayo doit regagner son ménage avant 18h», confie un responsable du CNL. Avant d’ajouter : «Juste pour nous éviter des confrontations avec les Imbonerakure. Nous savons qu’ils ont un plan de nous provoquer pour que, si une fois nous réagissons, ils commettent leurs forfaits».
Des habitants de Gasorwe accusent François Mpitabavuma, un député élu dans la circonscription de Muyinga et natif de cette commune, d’être l’instigateur de ces agressions. «Il ne digère pas que quelqu’un de Gasorwe soit d’un autre parti que le Cndd-Fdd. Il parle haut et fort que nous sommes des ennemis du pays», dénonce un Inyankamugayo de la colline Kiryama.
Les accusés rejettent les allégations
Interrogé sur les propos lui reprochés, Amissi Mbonihankuye, président du Cndd-Fdd en zone Gasorwe, s’est voulu d’un langage dur. «Celui qui vous a dit cela est tout simplement fou», nous a-t-il sèchement répondu, avant de nous raccrocher au nez.
Jean-Marie Barekebavuge, le président des jeunes Imbonerakure en commune Gasorwe, n’a pas voulu réagir aux accusations. «Il y a de la hiérarchie dans les organes du parti. Demandez à mes supérieurs hiérarchiques», nous a-t-il laconiquement rétorqués. Et d’ajouter toutefois : «De toutes les façons, moi je n’en sais rien».
Quant au président du Cndd-Fdd en commune Gasorwe, il soutient ne pas être au courant de ces cas d’agression politique. «A ce que je sache, il n’y en a vraiment pas là où j’habite». Pour lui, si jamais une telle situation s’était produite, le représentant du CNL à Gasorwe lui en aurait parlé. «C’est ce qu’il fait normalement. Mais pour ces cas, il m’en a jamais parlé».
Pour sa part, le député François Mpitabavuma a rejeté en bloc les allégations. «Moi, je suis représentant de tout le peuple, la Constitution le clarifie très bien. Je ne dirige aucun parti politique». Il appelle plutôt ceux qui se disent malmenés à lui confier leurs plaintes afin qu’il plaide pour eux.
Joint par téléphone, Claude Barutwanayo, administrateur de la commune Gasorwe, n’a pas voulu y apporter tout commentaire. « Venez à mon bureau, on va en discuter.» Il se fait que ce mardi, ce même administrateur avait refusé de nous recevoir. Or, dans la soirée de lundi, il nous avait promis un entretien dans l’avant-midi de mardi.
Par Edouard Nkurunziza et Rénovat Ndabashinze