Mardi 03 décembre 2024

Sécurité

Peur sur Bururi

27/05/2023 , et Commentaires fermés sur Peur sur Bururi
Peur sur Bururi
Les travailleurs domestiques refoulés de Bururi

Des gens sont massacrés à la machette dans la ville de Bururi. Quatre personnes sont déjà mortes et six autres blessées. Des arrestations ont déjà eu lieu pour identifier les auteurs, les commanditaires et le mobile. Mais le mystère reste presque total. Une équipe d’Iwacu a tenté de comprendre ce qui se passe dans cette ville traumatisée.

Nous sommes au centre urbain de Bururi, le centre dominé par la montagne connue sous le nom de Magufa. Il fait froid. Une forêt verdoyante rafraîchit la ville qui s’étend de plus en plus. Cette aire protégée de Bururi abrite les rares chimpanzés du pays.

Mais ce paysage poétique est aujourd’hui dominé par une question lancinante : les assassinats. On murmure sur ces tueurs « à la machette ». La peur règne sur Bururi.

Contrairement aux habitudes, la ville de Bururi n’est plus la même le soir. Après le coucher du soleil, les gens se précipitent pour rentrer. Les rues, les bars, les petites boutiques se vident. La nuit tombée, seuls les éléments des forces de l’ordre et de sécurité restent très visibles dans les rues.

Mêmes les femmes qui n’avaient pas l’habitude de rappeler leurs époux l’heure de rentrer s’inquiètent : » Aujourd’hui, dès 20 heures, mon épouse me somme de rentrer car elle craint pour ma sécurité » raconte un fonctionnaire de Bururi, sous anonymat.

D’après lui, les attaques meurtrières de ces derniers jours ont traumatisé les gens :  » Aujourd’hui, quand la nuit tombe, c’est la peur. Bururi devient une ville morte « , indique-t-il.

Notre source ne comprend pas comment une personne peut découper à la machette un passant ou une passante. « C’est la malédiction. » D’après lui, c’est de la pire sauvagerie qui n’a pas d’explication : « Ces terroristes s’attaquent à tout le monde sans distinction d’ethnies, de partis politiques, de sexe ni d’âges. »

Les gens ont peur à cause de ces assassinats qui terrorisent la ville « Quelqu’un quitte sa maison mais il ne sait s’il va rentrer sain et sauf. Ces gens attaquent à la machette sans raison apparente. Ce qui est étonnant, il semblerait que ces tueurs ne sont pas de la localité. On ne voit ce qui peut expliquer ces atrocités », confie Pierre Claver, un habitant du chef-lieu de Bururi.

Des mesures commencent à tomber

61 ouvriers ressortissants des provinces de Rutana, Mwaro, Gitega, Karusi, Ngozi, Kayanza et Muramvya viennent d’être refoulés par les autorités provinciales de Bururi, a indiqué Juvent Ndayikeza, chef de cabinet du gouverneur de la province de Bururi.

Ces personnes étaient des travailleurs domestiques. Elles venaient de passer des jours dans les mains de la police pour des raisons d’enquête  sur ces cas d’assassinats à la machette dans certaines localités de Bururi.

Selon M. Ndayikeza, elles ont été embarquées dans des camions de la police jusqu’au chef-lieu de la province de Gitega.

« Ils vont revenir à Bururi munis d’une attestation de reconnaissance signée par le chef de colline, l’administrateur communal et le président du Tribunal de résidence de leur circonscription d’origine les reconnaissant qu’ils sont intègres. » Cette autorité provinciale a précisé que c’est une des mesures pour renforcer la sécurité.

L’histoire macabre de Bururi

Une des victimes des attaques à la machette

Félix Niyongabo, administrateur de la commune de Bururi, indique que 4 personnes ont été tuées et 6 ont été blessées à la machette au cours d’une période de moins d’un mois.

La colline de Mugozi a été la plus frappée par cette barbarie où une femme a été tuée et deux autres personnes blessées.

La même source précise qu’un certain Egide Nkuriyingoma, cuisinier au Lycée de Bururi, a été tué à la machette à la sous-colline Nanira colline Nyavyamo au début de ce mois alors qu’il rentrait chez lui.

Sur la colline Muzima de cette commune de Bururi, un corps sans vie décapité et non identifié a été découvert dans un petit bois au début du mois de mai. Les auteurs n’ont pas été identifiés indique l’administrateur communal.

En date du 12 mai, un professeur du Lycée de Bururi du nom de Félix Ndikumana portant le sobriquet de « Vingt » a été tué à la machette par des personnes embusquées sur le chemin menant chez lui dans le quartier « des professeurs » du Lycée de Bururi, précise la même source.

En date du 22 mai, un corps d’un évangéliste de l’Eglise de pentecôte du nom de Joseph Niyonkuru a été retrouvé mort dans le ruisseau Burunga sur la colline Burunga en zone de Gasanda dans cette commune de Bururi.

Certaines sources sur place indiquent qu’il aurait été tué à la machette vu ses blessures au niveau de sa tête.

L’administrateur de la commune de Bururi indique qu’une vingtaine de personnes ont été déjà arrêtées pour des raisons d’enquête dont 5 présumés auteurs qui ont été cités ou attrapés après avoir commis des forfaits sur certaines collines.

Félix Niyongabo confirme l’arrestation d’un présumé commerçant du nom de Joël Ngagije (Yoweri) arrêté lundi de cette semaine.

De quoi s’agit-il ?

Il est très difficile de comprendre ce qui se passe. Un des suspects a été attrapé « les mains dans le sac. Il a avoué. Il a dit qu’il ne connaissait pas la victime. Mais il a reconnu qu’il a été envoyé par un certain Yoweri. Sur lui, il avait 100 mille BIF. D’après lui, ils recevaient une avance de 100 mille BIF sur une somme de 300 mille BIF promise. », raconte Sylvestre, un habitant du chef-lieu de Bururi.

Un autre problème, c’est le manque de solidarité par les gens de Bururi qui brillent par la non-assistance à personne en danger. « Au lieu d’aller aider les victimes, ils barricadent leurs portes. C’est ce qui est arrivé à la victime de Kirimba. »

Qui est ce « Yoweri » ?

L’homme en question fait du commerce apparemment, un adepte d’une Eglise protestante aussi. « On dit beaucoup de choses sur  le dénommé Yoweri. De la sorcellerie. Depuis longtemps, on ne sait pas où ils trouvent ses marchandises. Lorsque son magasin a pris feu, il nous a empêché d’aller l’aider à l’éteindre. On ne comprenait pas. Il nous disait de laisser le magasin brûler », confie Anne Marie. Mais personne ne peut le prouver. Ce sont des racontars. « C’est un membre  pratiquant d’une Eglise pentecôte  de Kiremba. Il est respecté. On est tombé des nues en entendant les accusations. »

Son arrestation a fait la Une des échanges à Bururi. Les gens le soupçonnent d’être derrière ces attaques à la machette. En effet, justifient nos sources, il a été dénoncé par un des malfaiteurs attrapés à Kiremba, après avoir blessé une personne à la machette. Maîtrisé par une foule très en colère qui voulait même le lyncher, ce ‘’ criminel’’ a été sauvé par la police, racontent nos sources. Comme les gens étaient très fâchés, ils voulaient le lyncher mais le présumé criminel leur a montré 100.000BIF qu’il avait sur lui. Et il a dévoilé le nom du commanditaire : « C’est Yoweri (Joël) qui nous paie après le forfait. »

Il a même ajouté qu’il n’est pas seul et que s’il parvenait à tuer cette personne, il allait encaisser encore 200 mille BIF.
« C’est à ce moment que les informations sur l’implication de Yoweri ont commencé à circuler ». Les forces de l’ordre sont vite partis le chercher et il n’était pas à la maison. « C’est par après que nous avons entendu qu’il aurait été arrêté au port de Rumonge alors qu’il s’apprêterait à embarquer vers la RDC. »

Néanmoins, des sources au port de Rumonge disent n’avoir pas vu ce monsieur à ce port. Et à Bururi, d’autres sources disent qu’il aurait été arrêté à Bujumbura et se trouverait dans les mains de la police.

Nous avons tenté d’avoir la version officielle sur cette arrestation, en vain. Seulement, on apprendra de la part d’une source judiciaire à Bururi que plusieurs personnes sont déjà arrêtées sur ce dossier et qu’il y en a qui sont déjà en prison.

Revenant sur le cas Yoweri, à Bururi, on se rappelle que dans un passé pas très lointain, deux de ses travailleurs ont été assassinés lors des attaques à la machette. Le premier travaillait dans sa boutique et a été tué à l’aide d’une machette vers 7 heures du matin, et son veilleur aussi est tombé sous les coups d’une machette, se souviennent nos sources : « A cette époque, on pensait que c’était du simple banditisme et les proches des victimes n’ont rien reçu. Jusqu’aujourd’hui, les auteurs restent inconnus. »

Réunions de sécurité

Léonidas Bandezamaso : « C’est un groupe qui reçoit un commandement de quelque part »

Mardi le 16 mai, une réunion de sécurité a été tenue au chef-lieu de la province de Bururi par l’assistant du ministre de l’Intérieur du Développement communautaire et de la Sécurité publique le général de Brigade Célestin Nibonabonasize en compagnie de l’Inspecteur général de la police, le Général de brigade Budomo Frédéric.

Cette réunion regroupait les chefs de collines et les policiers opérant dans les communes de Bururi, Songa et Vyanda.

Dans son mot d’accueil, Léonidas Bandezamaso, le gouverneur de Bururi, a indiqué que les personnes qui tuent à la machette dans sa province appartiennent à un groupe organisé qui reçoit « un commandement de quelque part. »

Il a qualifié ces personnes de faire partie d’un groupe des « Terroristes » qu’il faut combattre avec toute l’énergie.

Il a indiqué qu’il ne connaît pas pour qui roule ce groupe de terroristes et pour quels mobiles. L’assistant du ministre a indiqué que l’objectif de la réunion était d’arrêter des stratégies pour combattre cette criminalité au chef-lieu de la province de Bururi. Il a invité les chefs de collines à s’exprimer et à donner par écrit ou par voie orale des informations dont ils disposent sur cette insécurité.

Le 18 mai une autre réunion de sécurité a été tenue dans cette province par le secrétaire permanent au ministère de l’Intérieur, le Lieutenant Général André Ndayambaje et regroupait les chefs de collines et les policiers opérant dans les communes de Matana, Mugamba et Rutovu. Encore une fois, l’objectif était d’arrêter des stratégies pour renforcer la sécurité en combattant toute forme de criminalité.

Qui sont ces hommes qui circulent la nuit avec des machettes ? Et qui serait derrière ?

Résultat de la distraction de la quadrilogie

Martin Niteretse : « Bururi n’est pas un îlot »

« C’est vrai, à Bururi, il y a un problème de sécurité avec des gens qui circulent avec des machettes et des gourdins pour s’attaquer aux passants. Nous avons pris toutes les mesures nécessaires », a déclaré Martin Niteretse, ministre de l’Intérieur, du développement communautaire et de la sécurité publique, ce lundi, 22 mai, à Bujumbura, lors d’une conférence de presse.

D’après lui, ce qui ce qui passe à Bururi est déplorable. « C’est un crime odieux que les auteurs sont en train de commettre pour les Burundais. Imaginez un citoyen paisible qui rentre chez lui et qui tombe dans les mains des malfaiteurs qui se cachent dans la forêt ou qui le croise chez lui et le blesse à la machette ? »

Face à cette situation, le ministre Niteretse a indiqué que toutes les mesures qui s’imposent ont été prises : « Nous pensons que cela ne se répètera plus. Nous avons tenu des réunions nécessaires avec l’administration, les forces de l’ordre et de sécurité et même la quadrilogie et les comités mixtes de sécurité. Il y a une réunion qui s’est tenue aujourd’hui pour voir comment s’organiser. »

M.Niteretse estime que cette criminalité doit cesser : « Bururi n’est pas un îlot. La population doit vivre comme tous les Burundais des autres provinces et communes. »

Sur les causes, il a souligné qu’il y a eu une petite distraction surtout du côté la quadrilogie, c’est-à-dire l’administration, justice, force de l’ordre et de sécurité et la population : « Il y a eu un manquement parce que nous avons constaté que la collaboration n’était pas bonne. »
Et de donner un message d’espoir : « Pour le moment, les choses vont aller dans l’ordre parce qu’il y a eu des sensibilisations et si nécessaire d’autres mesures seront prises pour décourager cette criminalité. »

A nos chers lecteurs

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, mais une information rigoureuse, vérifiée et de qualité n'est pas gratuite. Nous avons besoin de votre soutien pour continuer à vous proposer un journalisme ouvert, pluraliste et indépendant.

Chaque contribution, grande ou petite, permet de nous assurer notre avenir à long terme.

Soutenez Iwacu à partir de seulement 1 euro ou 1 dollar, cela ne prend qu'une minute. Vous pouvez aussi devenir membre du Club des amis d'Iwacu, ce qui vous ouvre un accès illimité à toutes nos archives ainsi qu'à notre magazine dès sa parution au Burundi.

Editorial de la semaine

Pitié

Avant que ne s’élèvent à l’unisson les voix des associations des parents et des organisations de promotion des droits des jeunes filles, des femmes, des minorités et des droits de la personne humaine en général, mobilisées suite au renvoi, pour (…)

Online Users

Total 2 168 users online