Plus d’un mois vient de s’écouler après que le petit marché de Mutanga-nord, en mairie de Bujumbura ait été réduit en cendres. Au lendemain du drame, le maire de la ville, Jimmy Hatungimana a interdit la reprise des activités avant l’issue des enquêtes pour déterminer l’origine de l’incendie. Mais entretemps, les anciens exploitants désemparés réclament à cor et à cri sa reconstruction.
Arrivé sur l’ancien marché dénommé « Kukabasazi » situé tout près de la rivière Ntahangwa dans le quartier Mutanga-nord ravagé par un gigantesque incendie dans la nuit du 14 au 15 septembre 2024, le spectacle est désolant.
Réduit en cendres, l’espace, jadis réputé pour abriter plusieurs ateliers de menuiserie, ressemble à un « no man’s land ». Un calme total. Seuls des oiseaux, de toutes sortes, les uns sur le sol, les autres perchés sur les arbres séchés par le feu, y font des navettes. Ils cherchent de quoi manger sous les débris. Des mouches et autres insectes pullulent.
Un mois après la catastrophe, la reprise des activités ne semble pas pointer à l’horizon. Les anciens exploitants, propriétaires et locataires des ateliers de menuiserie, de kiosques de vivres, des tenanciers de restaurants ou de magasins de matériels, ouvriers… sont dans la désolation totale. Ils sont dans une pauvreté sans nom. Ils réclament la reprise des activités pour qu’ils puissent avoir de quoi mettre sous la dent.
« Je suis parvenu à avoir le matériel scolaire pour mes enfants mais, il m’est difficile aujourd’hui de payer le loyer de la maison. Je cours le risque d’y être expulsé demain ou après-demain », fait savoir J.K, un ancien propriétaire d’un magasin des matériaux de construction qui dit n’avoir rien sauvé de son magasin.
Rentable et stratégique
Des centaines de menuisiers évoluant dans ce marché n’ont rien sauvé. Leurs machines, planches, chaises, tables, armoires, lits et d’autres meubles, tout a été calciné. Selon eux, l’espace était rentable et stratégique de par son emplacement. L’endroit était le seul gage pour la survie de leurs familles.
Malgré le calvaire qu’ils endurent, ils disent qu’ils peuvent s’associer pour redémarrer leurs activités avec un petit capital une fois que l’interdiction du maire de la ville venait à être levée.
« Plusieurs parmi nos clients avaient fait des commandes. Mais, tout a été ravagé par le feu. Malgré cette situation douloureuse, ils ne cessent de réclamer leurs meubles, et à défaut, le remboursement de leurs avances. Des conflits sont déjà sur la table. Nous sommes dans l’impasse », désespèrent-ils.
Ces anciens menuisiers disent qu’il leur est difficile de trouver un autre endroit où ils peuvent installer des ateliers. Ils trouvent que la reconstruction du marché leur serait d’une grande utilité malgré que tout est à reconstruire.
Par ailleurs, ils attendent impatiemment les résultats des enquêtes que le maire dit avoir commanditées. « Que l’on dise l’origine de l’incendie afin que dans l’avenir, lorsque les activités reprendront l’on puisse prendre des mesures préventives », réclament-ils.
Des jeunes désœuvrés
Les exploitants de ce marché ne sont pas les seuls à réclamer la reprise des activités. Beaucoup de jeunes qui travaillaient dans les restaurants, kiosques et ateliers n’ont pas, en effet, été épargnés par ce malheur. Ils sont désœuvrés et surtout affamés car ils vivaient de petits métiers qu’ils y exerçaient au jour le jour.
Ils sont nombreux à roder autour du marché. Ils réclament un réaménagement rapide de cet espace pour reprendre le service.
« C’est là où je tirais mon seul gagne-pain. Je ne sais plus à quel saint me vouer », confie désespérément un jeune prénommé Marc rencontré sur place qui travaillait dans un kiosque de quincaillerie.
Pour le prénommé Jonas, un ouvrier qui déchargeait et transportait les planches, la vie devient de plus en plus intenable. « L’endroit était le seul espoir pour ma survie. Je ne vois pas quoi faire. Qu’on laisse à ceux qui le peuvent reconstruire et redémarrer les activités », réclame-t-il avec un visage attristé.
Au bord de l’avenue qui sépare le quartier Mutanga-nord et le marché brûlé, des femmes, éparpillées ici et là, commencent timidement à y vendre des amarantes, des fruits, des feuilles de manioc. Les marchandises sont exposées au soleil. Et quand il pleut, ces femmes ont du mal à trouver où s’abriter.
A propos de ces réclamations et lamentations des anciens exploitants du marché de Mutanga-nord, Iwacu a essayé de contacter le maire de la ville de Bujumbura mais sans succès.
Effectivement, la situation interpelle. Mais dans le plan de construction de Mutanga Nord, cet espace vert est destiné à préserver les rives de la rivière Ntahangwa et à protéger le pont, et ce n’est pas une précaution anodine. Dans ces conditions, les décideurs devront répondre à la fois à l’appel pressant des commerçants et commerçantes victimes de l’incendie et aux impératifs de protection de l’environnement. Et ce n’est pas un choix facile