Bien que des défis demeurent, les personnes à mobilité réduite mènent une vie épanouie comme tout autre individu. Beaucoup de gens témoignent de cette réalité. Elles peuvent étudier, travailler et mener une carrière professionnelle. L’administration, pour sa part, incite la population à mettre un terme à la discrimination à l’égard des personnes vivant avec handicap.
Nous nous trouvons au centre des personnes vivant avec handicap de la commune Kiganda dans la province de Muramvya. À l’entrée, des sourires et des éclats de rire vous accueillent devant les portes. Ces enfants semblent épanouis malgré leur mobilité réduite. On y rencontre aussi de nombreuses personnes valides, qu’il s’agisse d’élèves ou de travailleurs, qui viennent en aide à celles en situation de handicap, explique l’un des responsables du centre. Selon un frère œuvrant dans cette structure, ces enfants sont ouverts à la vie en grande partie grâce aux séances de sensibilisation et à l’inclusion dont ils bénéficient.
Un témoignage de résilience
Médiatrice Nduwimana est une mère de deux enfants rencontrée au centre. Elle partage son expérience de vie avec le handicap. Selon elle, grandir dans une famille qui la discriminait et la poussait à mendier dans les rues a été extrêmement difficile. « Parfois, je refusais mais, cela m’exposait aux insultes et moqueries de la part de ma propre famille. Cette expérience était profondément humiliante », confie-t-elle la voix tremblante. Aujourd’hui, elle exerce la vannerie et vit confortablement malgré une jambe amputée et des doigts manquants.
Les femmes handicapées sont plus vulnérables
Mme Nduwimana raconte que c’est un bienfaiteur qui l’a amenée dans ce centre de réhabilitation à l’âge de 12 ans. Là, elle a appris à fabriquer des objets à partir de fibres végétales. Elle a fini par être employée dans ce même centre. « Aujourd’hui, je peux nourrir ma famille et couvrir les besoins fondamentaux. Ma vie est assez normale », se réjouit-elle. Cependant, elle souligne que les femmes vivant avec handicap sont plus vulnérables que les hommes. Certaines sont victimes de violences sexuelles et de grossesses non désirées alors qu’elles peinent déjà à se déplacer. De plus, elles font face à des besoins spécifiques comme la nécessité de serviettes hygiéniques mensuelles, un besoin difficile à satisfaire en raison du coût élevé.
Un modèle de persévérance
Rénovat Sindayihebura, un autre travailleur du centre, témoigne également de la force des personnes en situation de handicap. Il se donne en exemple expliquant qu’il a atteint un niveau de succès que beaucoup de personnes dites « valides » n’ont pas encore atteint. « Je suis doué pour la vannerie. C’est ainsi que j’ai été recruté par ce centre à Muramvya pour enseigner cette connaissance et compétence aux autres. J’ai aussi évolué dans le centre des personnes vivant avec handicap de Gitega », précise-t-il, ajoutant qu’il pratique aussi la couture et la broderie. M. Sindayihebura raconte que sa famille vit désormais dans des conditions décentes et que son voisinage est impressionné par ses réalisations. « Aujourd’hui, ils portent un regard différent sur les personnes à mobilité réduite », conclut-il fièrement.
Des capacités exceptionnelles
Selon Sindayihebura, les personnes vivant avec handicap possèdent des capacités exceptionnelles. « En général, les enfants vivant avec handicap passent par des unités spécialisées à l’école. Les enseignants devraient les intégrer plus facilement et leur accorder une attention particulière », estime-t-il.
Lui-même a souffert de discrimination dans son enfance. Il a une mobilité réduite des jambes et du bras gauche. « Je ne suis pas né avec ce handicap. Jusqu’à dix ans, j’étais un garçon plein de vie. Puis, mes jambes et mon bras gauche ont gonflé subitement. Après plus d’un an d’hospitalisation et dans le désespoir de ne jamais me voir rétabli, mes parents m’ont ramené à la maison alors que j’étais encore convalescent. Je me déplaçais sur mes fesses », raconte-t-il. Il a finalement été inscrit dans le centre de réhabilitation à Gitega grâce à la bienveillance d’un inconnu.
Originaire de Karusi, Sindayihebura souligne l’évolution positive de la mentalité vis-à-vis des personnes vivant avec handicap, tout en appelant les autorités à intensifier leurs efforts pour atteindre les populations rurales. « Dans les collines, de nombreux enfants vivant avec handicap restent sans prise en charge. Ils ont besoin de soutien », fait-il observer.
Des initiatives louables de la part de l’administration locale
Le directeur communal de l’Education de Kiganda, Jean-Claude Bigirimana, présente les stratégies mises en place pour promouvoir l’éducation inclusive. Il évoque l’existence d’un département spécifique au sein du ministère de l’Éducation nationale pour soutenir ces efforts. « En tant qu’autorité scolaire locale, nous sensibilisons la communauté pour qu’elle fasse inscrire les enfants aux besoins spéciaux. Nous identifions aussi ceux qui vivent loin de chez eux et nous plaidons pour leur inscription au centre des personnes vivant avec handicap de Kiganda, qui est situé à proximité des écoles fondamentales », explique-t-il.
D’après M. Bigirimana, l’administration scolaire met tout en œuvre pour favoriser l’épanouissement des élèves vivant avec handicap. « L’année dernière, en classe de 9e, un élève écrivait avec ses pieds. Nous avons alerté la commission en charge des examens afin de prévoir une surveillance spéciale pour cet élève, qui écrivait à un rythme plus lent que celui des autres », précise-t-il. Il ajoute que plusieurs mesures ont été prises pour améliorer l’accessibilité, comme la construction de latrines adaptées et de passages permettant un meilleur déplacement des élèves. Actuellement, 91 élèves vivant handicap, dont 62 filles et 29 garçons, sont recensés dans les écoles de Kiganda.
La sensibilisation et l’assistance : des priorités pour la province
Le gouverneur de la province de Muramvya, Éphraïm Ndikumasabo insiste sur l’importance de la sensibilisation pour promouvoir l’intégration des personnes en situation de handicap. « Grâce à l’aide d’un partenaire au développement, nous avons désormais les données nécessaires pour mieux comprendre les besoins de cette population vulnérable », souligne-t-il. Il trouve que la communauté doit accueillir, soutenir et intégrer cette catégorie de personnes car, elles n’ont pas choisi leurs conditions de naissance. Il précise que des aides matérielles comme des béquilles et des fauteuils roulants sont fournies.
« Le projet a aussi soutenu les familles les plus démunies en investissant dans l’éducation des enfants vivant avec handicap. À la fin de leur formation, un kit de démarrage leur est offert. Beaucoup démarrent leurs propres entreprises et je vois souvent des couturiers talentueux, vivant avec handicap », ajoute-t-il.
Des défis persistants
Cependant, le gouverneur souligne que des défis demeurent. Les infrastructures restent insuffisamment adaptées tant au niveau de l’administration, de la santé que de l’éducation. « L’un des plus grands défis reste la prise en charge de ces personnes qui nécessite beaucoup de moyens et d’attention », admet-il. Il appelle le gouvernement à investir davantage dans les infrastructures et les services pour les personnes à mobilité réduite afin de leur garantir une vie digne.
Il rappelle également que le gouvernement du Burundi a la capacité d’imposer aux entreprises et aux sociétés d’intégrer des personnes vivant avec handicap dans leurs effectifs. « Si ces personnes ont pu réussir à l’école, elles ont les compétences nécessaires pour travailler. Il reste encore beaucoup à faire, mais je suis confiant qu’avec la vision du Burundi, pays émergent, nous y parviendrons », conclut-il.
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