Dans plusieurs quartiers de la capitale économique Bujumbura, la pénurie d’eau est quasi permanente. Face à cette situation, la population se retrouve « entre le marteau et l’enclume » après l’annonce du ministère de la Santé publique et de la lutte contre le sida d’une nouvelle épidémie appelée variole du singe qui est très exigeante en matière d’hygiène.
Dans un contexte où, dans certains quartiers de la capitale économique, les habitants déplorent une pénurie permanente d’eau, le ministère de la Santé publique et de la lutte contre le sida a sorti le 22 juillet 2024 un communiqué relatif à la présence du virus Monkey pox, (variole du singe), un virus qui nécessite un lavage régulier des mains à l’eau propre et au savon.
Selon les habitants, si rien n’est fait dans le sens de garantir l’eau potable et que la pénurie persiste, l’hygiène dont recommande le ministère pour lutter contre la propagation de cette maladie risque d’être un vain mot. La maladie risque alors de s’étendre rapidement sur une grande échelle.
Au nord de la capitale économique, dans les zones urbaines de Cibitoke, Kinama, Ngagara, Kamenge et Gihosha, la pénurie d’eau potable est devenue un casse-tête pour les habitants de certains quartiers de ces zones. Ils passent plusieurs jours sans voir une seule goutte d’eau dans leurs robinets. Ils sont obligés d’acheter à ceux qui sont capables de parcourir des distances.
Dans le quartier Muyaga de la zone urbaine de Gihosha, au moment où nous mettons le papier sous presse, les habitants viennent de passer cinq jours sans voir aucune goutte d’eau. Un habitant de ce quartier indique qu’il vit la peur au ventre après le communiqué annonçant des cas de la variole du singe sur le territoire burundais. « Parmi les mesures de prévention figure le lavage des mains. Alors, à part que nous n’avons pas de l’eau pour nous préparer à manger où allons-nous trouver celle pour l’hygiène ? », se demande-t-il.
Il fait savoir que même pour assurer certaines tâches comme la cuisson, ils sont obligés de dépenser beaucoup d’argent : « Avant un bidon de 20L coûtait 500 BIF, mais maintenant ça a monté jusqu’à 1 000 BIF et à côté de cela, nous craignons que les gens qui font ce travail risquent d’aller nous la puiser dans la rivière Nyabagere, laquelle personne n’ignore ce qui s’y déverse », témoigne-t-il.
Pour cet habitant, seule l’eau minérale est la plus sûre pour la cuisson. Mais son prix n’est pas accessible et à la portée de tout le monde. Il appelle la Regideso à revoir sa politique d’approvisionnement de la capitale économique en eau potable.
Les mêmes maux dans le sud de la capitale
Dans la zone urbaine de Musaga, les habitants disent qu’ils ont beau crié depuis longtemps, mais personne n’a daigné s’occuper de la question pour les alimenter en eau potable. Les quelques gouttes d’eau que se partagent plusieurs ménages viennent de deux robinets publics situés à la 1ère avenue.
La prénommée Diane qui habite à la 2e avenue fait savoir qu’elle passe souvent des heures et des heures à attendre que son tour arrive pour pouvoir puiser de l’eau. Les bousculades, les injures accompagnées de plusieurs jurons sont les maîtres mots sur les lieux où se trouvent les robinets publics. « Je ne peux pas venir ici avec un enfant. Les gros mots qui fusent de partout font honte. Ceux qui y envoient les enfants sont ceux qui n’ont pas d’autres choix », déclare-t-elle.
En ce qui concerne les mesures d’hygiène, cette dame dit que le jour où cette variole du singe prendra réellement place, ce ne sera pas seulement les habitants de sa localité qui seront décimés mais toute la capitale. « Les risques sont grands. Mais, on n’a pas de choix.
Bien plus, nous ne sommes pas les seuls parce que partout dans la capitale économique, les coupures d’eau s’observent. Aussi, les gens de Musaga vont en ville et croisent les personnes d’autres localités. Ils se frottent contre les autres en faisant la queue au centre-ville pour les bus. Si alors des gens de Musaga venaient à être contaminés, ils pourront ainsi contaminer les autres. Raison pour laquelle il faut de l’eau propre à Musaga », insiste-t-elle.
Elle dit plutôt que la Regideso devrait revoir sa politique. Elle ne comprend plus l’utilité des robinets installés par cette société dans les ménages.
Dans la zone urbaine frontalière Kanyosha, c’est le même drame. Mais, ce qui différencie les deux localités, ce sont les robinets publics. Les habitants paient des gens qui ne font que ce boulot avec des vélos. Dans le quartier Busoro de Kanyosha, les habitants dépensent beaucoup pour avoir de l’eau. Deux bidons de 20 l chacun sont montés jusqu’à 1 000 BIF. Or, chaque ménage doit avoir le minimum de cinq bidons par jour pour satisfaire les besoins élémentaires.
« Nous dépensons beaucoup plus que nous devrions payer la facture de la Regideso. Les dépenses en eau par jour couvrent à elles seules ce que nous devrions payer à la Regideso par mois », déplore un habitant de cette localité.
Le centre de la capitale économique n’est pas épargné
Dans le quartier Bwiza au centre de la capitale économique, le quartier le plus populaire, l’eau potable est devenue tellement une denrée rare que ses habitants n’osent même plus en parler. Avec ses nombreux restaurants et bars, les propriétaires peinent à travailler.
Les conditions d’hygiène dans certains restaurants laissent à désirer. « Nous n’avons pas d’eau à gaspiller. L’eau est très précieuse et on ne peut pas se permettre de l’exposer à tous les passants. Pour pouvoir travailler, nous sommes obligés de mobiliser tout notre personnel afin d’aller dans le quartier Nyakabiga chercher de l’eau », se lamente un tenancier d’un restaurant.
Il trouve que les habitants de son quartier fournissent beaucoup de moyens pour avoir de l’eau. « Toutes les autorités administratives à la base et même la Regideso sont au courant de la situation qui ne date pas d’hier », précise-t-il.
L’odeur des toilettes de ces restaurants témoigne de ce manque d’eau. Les eaux sales issues de la vaisselle sont directement versées dans les caniveaux qui passent devant ces restaurants et les odeurs deviennent insupportables.
Un autre habitant du même quartier dit que si une épidémie venait à se déclarer, les premières victimes sortiraient de ce quartier. « Nous allons tous mourir si une épidémie causée par la saleté venait à se manifester dans Bwiza parce que nous sommes nombreux et puis les mouvements des fêtes ici dépassent ceux des autres quartiers », fait-il observer.
Les toilettes modernes condamnées
Dans plusieurs ménages, les toilettes à siège ont été condamnées à être fermées par manque d’eau nécessaire pour la chasse. Dans la zone urbaine de Musaga, plusieurs ménages ont une toilette extérieure qui est devenue le recours pendant la pénurie d’eau. La prénommée Diane, une femme qui habite la zone, affirme que ceux qui n’ont pas de toilettes extérieures sont obligés d’aller chez les voisins qui en ont. « C’est très gênant de se pointer à chaque fois chez le voisin mais ils n’ont pas le choix. S’ils n’acceptent pas de se présenter chez les voisins, ils doivent alors prévoir beaucoup d’eau pour verser dans leurs toilettes », raconte-t-elle.
Dans cette même zone, surtout dans les toilettes utilisées dans des bars, le manque d’eau se remarque par des mouches et les odeurs qui survolent les lieux mais aussi par les sièges et les urinoirs qui ont perdu leur blancheur.
A Bwiza, certains ménages utilisent l’eau de la lessive. « Toute la famille n’aura pas assez d’eau pour verser à chaque fois dans la toilette. Après la lessive, ont fait attention à ne pas verser l’eau dans le caniveau », témoigne un habitant du quartier.
Cet habitant dit que plusieurs ménages ont aujourd’hui adopté les toilettes turquoise parce que, selon lui, elles ne demandent pas beaucoup d’eau.
Dans tous les quartiers où la pénurie d’eau persiste, les ménages qui n’arrivent pas à se ravitailler en quantité suffisante ont condamné leurs toilettes à siège pour éviter que les mauvaises odeurs n’envahissent leurs maisons.
Les autorités rassurent quant à l’hygiène des mains
Jimmy Hatungimana, après une réunion tenue le mercredi 31 juillet 2024 avec les autorités locales et les agents de la santé, conseille aux gens de la ville de Bujumbura d’éviter les contacts physiques, de se laver les mains avec de l’eau et du savon tout en évitant de toucher chaque personne présentant des signes de la variole du singe.
Il promet en outre que bientôt un seau avec de l’eau propre sera installé devant chaque ménage pour permettre à chaque nouvel arrivant de se laver les mains avant d’entrer.
Où est la Regideso dans tout cela ?
Dans une interview accordée aux journalistes le lundi 29 juillet 2024 après avoir montré deux nouvelles pompes d’eau situées à la station de pompage 2, Jean Albert Manigomba, directeur général de la Regideso, a d’abord fait savoir que 95% de l’eau qui alimente la ville de Bujumbura vient du lac Tanganyika et est pompée à partir de cette station.
Le retard dans l’acquisition de ces nouvelles pompes causé par leur coût élevé, à peu près 4 millions d’euros, justifie les pénuries répétitives dans certains quartiers parce que, selon le directeur général, les anciennes pompes étaient vieilles. Heureusement qu’elles seront bientôt remplacées.
A la station de pompage 1 située près du lac Tanganyika, seules 3 pompes sur 6 sont fonctionnelles. D’où le peu de rendement allant jusqu’à la moitié de celui attendu.
Il rassure les Burundais que bientôt il va y avoir une amélioration. « Ces anciennes pompes sont de 1985. Elles avaient une durée allant jusqu’en 2005. Avec les nouvelles pompes qui vont bientôt remplacer les anciennes, je ne peux pas dire que le problème va être totalement résolu, mais les Burundais vont observer un changement », promet-il.
Dans cette perspective, le directeur général fait savoir qu’il y a d’autres projets de ravitaillement en eau des montagnes venant de Matyazo et Isale. Il précise que ces projets ont été retardés par le problème de manque de tuyaux nécessaires.
Avec ces manquements gravissimes, que pensez vous de l’utopie/slogan : Vision 2040/2060?
C est une honte d’avoir le lac Tanganyika et dire après qu’il y a pas d’eau.
Voici une comparaison édifiante.
Kigali doesn’t have the same problem.
pourquoi la Regideso ne distribue pas de l’ eau avec des camions citernes comme dans d’autres pays ?