Samedi 02 novembre 2024

Société

Pension de retraite : A quand la concrétisation de la volonté du chef de l’Etat ?

28/04/2023 3
Pension de retraite : A quand la concrétisation de la volonté du chef de l’Etat ?
Prosper Ntahorwamiye : « Nous espérons que dans les jours à venir ce projet de loi sera ramené au Conseil des ministres. S’il est adopté, la mesure sera exécutée »

Lors de son discours d’investiture du 18 juin 2020, le président de la République avait promis que les retraités percevront une pension égale au salaire du dernier mois avant leur entrée en retraite. Presque trois ans après, les retraités s’impatientent. Qu’est-ce qui bloque ? Les intervenants parlent de textes de lois contradictoires.

« Après l’annonce du chef de l’Etat, j’ai poussé un ouf de soulagement espérant l’amélioration des conditions de vie durant ma retraite. Mais, la volonté du président de la République tarde à se concrétiser », se désole M.N., parti en retraite au mois de janvier 2020.

Mêmes lamentations du côté de David qui est entré en retraite au mois de janvier 2021 : « J’espérais des lendemains qui chantent. Mais, les espoirs d’une retraite décente commencent à s’amenuiser. »

Il interpelle les ministères sectoriels concernés à mettre en application les textes de lois en rapport avec la pension de retraite. « Nous avons dépensé toutes nos forces pour le développement du pays. Nous avons besoin d’une retraite décente ».
De leur côté, les retraités des années antérieures dénoncent le deux poids deux mesures. « La loi parle beaucoup plus des fonctionnaires retraités à partir de 2020. Quid des retraités des années antérieures ? Le décret fixe le seuil de pension à 30 000 BIF. De plus, ledit décret n’aborde pas le cas des employés issus du secteur privé », s’inquiètent-ils.

Des textes de lois contradictoires et discriminatoires

« Je ne pourrais pas dire ce qui bloque la mise en application de la volonté du chef de l’Etat. Mais les textes de lois qui ont déjà été édictés restent contradictoires », fait savoir Ildephonse Muhutu, représentant légal de l’association des retraités du Burundi.

Il fait savoir que la loi du 14 mars 2022 portant modification de certaines dispositions de la loi du 12 mai 2020 portant code de la protection sociale au Burundi n’est pas encore mise en application. Et de préciser que les textes d’application ne sont pas encore disponibles.

Par ailleurs, ajoute-t-il, le décret du 16 novembre 2022 portant modalités de mise en application de la loi du 14 mars 2022 portant modification de certaines dispositions de la loi du 12 mai 2020 portant code de la protection sociale au Burundi reste lacunaire.

Selon lui, les articles 6, 8 et 14 dudit décret sont en contradiction notoire avec l’article 22 de la Constitution qui stipule : « Tous les citoyens sont égaux devant la loi, qui leur assure une protection égale. »

Une loi sélective

Ildephonse Muhutu : « Cette catégorisation des retraités du secteur public est déjà un mauvais précédent »

M. Muhutu épingle une loi qui divise les retraités en deux catégories. Les retraités d’avant 2020 et ceux qui sont entrés en retraite à partir du 1er janvier 2020.

Il en est de même, poursuit-il, de l’article 12 du décret du 16 novembre 2022 qui a lui aussi consacré la catégorisation sélective de deux groupes de retraités au Burundi du secteur public en contredisant aussi l’alinéa 3 de l’article 1 de cette même loi.

Cette loi stipule que « les retraités d’avant 2020 percevront une pension augmentée d’un certain pourcentage ». Mais, fait-il observer, ce pourcentage n’est pas encore déterminé. Et d’ajouter que la date de la première perception de la pension soi-disant augmentée d’un certain pourcentage n’est pas encore précisée. L’ordonnance d’application n’étant pas encore disponible.

« Le décret a été signé plus de 7 mois plus tard après la loi. Maintenant plus de 5 mois viennent de s’écouler sans que l’ordonnance ministérielle conjointe des ministres des Finances et celui des Affaires sociales ne soit pas disponible », déplore-t-il.

Ce défenseur des droits des retraités évoque aussi la problématique de la rétroactivité de la loi du 14 mars 2020 qui dispose que « la présente loi entre en vigueur le jour de sa promulgation avec effet rétroactif en faveur de ceux qui ont été mis à la retraire à partir du 1er janvier 2020 ».

Or, fait-il remarquer, pour les retraités d’avant 2020 le pourcentage et la rétroactivité ne sont pas dévoilés. « Cette catégorisation des retraités du secteur public est déjà un mauvais précédent », observe-t-il.

Cet activiste de la société civile recommande l’harmonisation des textes de lois pour éviter des mécontentements sociaux.
« Il faut que les lacunes et les points de contradiction soulevés soient légalement corrigés dans le sens d’une justice sociale en vue de garantir une qualité de vie minimale à tout retraité en général, et à tout citoyen en particulier, conformément à la Constitution ».

Il propose aussi l’actualisation des valeurs des pensions des retraités d’avant 2020 sur celles de leurs cadets d’après cette date compte tenu de la dépréciation de la monnaie burundaise.

Le gouvernement tranquillise

« Un texte d’application manque toujours pour que les retraités perçoivent une pension équivalente au salaire qu’ils percevaient au dernier mois avant leur départ à la retraite », a indiqué Prosper Ntahorwamiye, secrétaire général et porte-parole du gouvernement, lundi 24 avril, lors de l’émission publique des porte-paroles des institutions animée à partir de Cibitoke.

Il a reconnu que quelques lacunes et des points contradictoires ont été constatés dans le projet de loi : « Le projet de loi a été analysé au Conseil des ministres, mais il y a eu quelques lacunes. Il y a eu quelques points contradictoires sur lesquels ils ne se sont pas entendus. »

Il a rassuré que ces lacunes soulevées seront analysées dans un proche avenir. Et de préciser qu’une commission a été mise sur pied pour donner des éclaircissements afin que la volonté du chef de l’Etat soit mise en application.

« Nous espérons que dans les jours à venir ce projet de loi sera ramené au Conseil des ministres. S’il est adopté, la mesure sera exécutée. L’adoption d’un projet de loi prend un long processus », a-t-il conclu.

Quid du cadre légal ?

Article 1 : La présente loi a pour objet de modifier les articles 75, 82, 83 et 84 de la loi du 12 mai 2020 portant code de la protection sociale au Burundi en ce qui concerne le régime des pensions des fonctionnaires, des magistrats, des mandataires politiques ou publics, des agents de l’ordre judiciaire, des agents ou cadres du secteur public ainsi que des membres des corps de défense et sécurité en vue de la revalorisation de leurs pensions de retraite.
Article 2 : Sans préjudice des dispositions prévues par l’article 72 du code de la protection sociale au Burundi, la présente loi s’applique à :
1° la pension ou l’allocation de vieillesse du fonctionnaire, du magistrat, du mandataire politique ou public, des agents de l’ordre judiciaire, de l’agent ou cadre du secteur public ainsi que des membres du corps de défense et sécurité ou d’une autre entité dont le salaire émarge au budget de l’Etat.
2° la pension ou l’allocation des survivants en cas de décès de l’affilié visé au point 1
3° la pension ou l’allocation d’invalidité dans les conditions prévues par la loi
4° la pension anticipée.
Article 3 : L’article 75 est modifié comme suit :
Un assuré peut demander une retraite anticipée pour convenance personnelle cinq ans avant l’âge de la retraite.
La mise à la retraite anticipée pour convenance personnelle donne droit à la prestation de pension anticipée dont le montant est calculé tel que prévu à l’alinéa 1 de l’article 6.
La mise à la retraite anticipée pour convenance personnelle est soumise à l’appréciation de l’employeur qui peut l’accepter ou la refuser pour l’intérêt du service.
La pension anticipée ne se cumule pas avec le salaire.
Article 6 : Au sens de la présente loi, on entend par salaire net mensuel, le salaire brut, déduction faite des charges fiscales, des cotisations sociales et éventuellement de l’indemnité d’intérim.
Article 7 : L’article 84 est modifié comme suit :
Le montant mensuel de la pension de vieillesse, d’invalidité ou de la pension anticipée du fonctionnaire, du magistrat, du mandataire politique ou public, des agents de l’ordre judiciaire, de l’agent ou cadre du secteur public ainsi que des membres du corps de défense et sécurité est calculé de telle manière qu’il est égal au dernier salaire net du mois précédant celui de sa mise à la retraite pour limite d’âge, celui du constat d’invalidité ou celui de la mise à la retraite anticipée.
Les dispositions de l’alinéa 1 du présent article ne s’appliquent pas au calcul du montant de la pension de certains membres des corps de défense et de sécurité qui bénéficient déjà d’une base de calcul leur octroyant une pension d’un montant mensuel supérieur au dernier salaire net.
Le montant de l’allocation de vieillesse ou d’invalidité des personnes visées à l’article 1, est égal à autant de fois le salaire net de l’affilié que celui-ci compte de période de douze mois d’assurance.
Article 14 : La présente loi entre en vigueur le jour de sa promulgation avec effet rétroactif en faveur de ceux qui ont été mis à la retraire à partir du 1er janvier 2020.
Source :
Loi du 14 mars 2022 portant modification de certaines dispositions de la loi du 12 mai 2020 portant code de la protection sociale au Burundi.

Forum des lecteurs d'Iwacu

3 réactions
  1. Voltaire Kaziri

    Oui , ils cotisent.
    Mais la gestion de l’argent est à l’image de la gestion du pays.
    Catastrophique.
    Les conséquences, vous les voyez.
    Cela se passe partout de la même façon dans les pays en faillite. (Haiti, Zaïre, Zimbabwe)

    • Jean Pierre Hakizimana

      Merci bcp @Voltaire,

      J’ai tellement des choses à mais je ne sais pas par ou commencer. Il serait vraiment efficace que Iwacu se penche sur ces fonds de pensions car ceci constitue un vol d’une propriété privée(Les fonds des contribuables). Je pense aussi que le language a besoin de changer car pour l’instant on a l’impression que il s’agit d’une aide gouvernemental alors qu’il s’agit de l’argent qui appartient à ces pauvres contribuables. Ceci est important car cela contribuera à bien éduquer la population pour celle ci poursuive des registrations qui les protègeraient. Par ex: Ceci est un exemple. Supposons que Mr Alain G Bunyoni etait le ministre qui gerait ces fonds. Et la loi dit que le ministre de finance doit tout faire pour protéger le bien des contribuables. En Anglais on appelle ceci : Fund trustee. A fund trustee has a duty of care, due diligence, etc… . Si ces fonds disparaissent: Tous les membres du committee de gestion sont poursuivies et leur bien privée sont confisqués. Imaginez vous si on tous les biens de Mr Bunyoni sont remis aux fonds de pensions! Croyez moi, a un certain moment, les gens reflechirent dix fois avant d’accepter certaines postes.

  2. Jean Pierre Hakizimana

    Excusez moi si ma question vous semble un peu débile: Est ce que les travailleurs Burundais cotisent dans un fond ou une caisse de pension? Supposons que ils cotisent car c’est vraiment difficile de croire au contraire même pour un pays comme le Burundi. La deuxième question est: Comment va cette caisse ou ce fond?

    Je remercie d’avance à la personne qui prendra l’effort de me répondre

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