Jusqu’au 25 mars, Maya Van Bellinghen expose à l’occasion de l’ouverture de l’agence du Centenaire de la Banque de Crédit de Bujumbura (BCB). Elle raconte ce qu’elle a vu de l’Afrique.
Une bouteille de Coca Cola dans laquelle elle vient de glisser deux chalumeaux. {« Karibu »} – Bienvenue, dit-elle. Cela rappelle l'{ibakure} – cette courge évidée, fendue en son milieu et dans laquelle on partageait dans le Burundi d’autrefois, le vin de banane. Chez Maya, ce n’est pas seulement la marque de partage. Il y a un souci constant du respect, cette soif de « vouloir aller vers l’autre » qui, parfois, surprend. Tout à l’heure, la peintre présentait son exposition, dédiée à l’Afrique à travers, principalement, une série de portraits. Elle montrait par exemple cette grande toile figurant un guerrier rencontré un 26 janvier 2011, à trois jours de Conakry, capitale de la Guinée. Le jeune homme sortait de la forêt, tout en transes, lors d’une cérémonie initiatique. En peignant ce personnage, le noir est venu du charbon, la toile elle-même des plaques de peau de lapin, avec collage d’objets sacrés offerts par le Guinéen. Nous sommes au coeur du travail de Maya : « L’événement crée la toile. Ou, dans d’autres œuvres, c’est le support qui, en accueillant l’expression, devient du coup le moteur de l’œuvre ». Piment, plumes, des tôles rouillées, des morceaux de monnaie en fer utilisés il y a des siècles en Afrique de l’Ouest, bijoux en os, une sagaie, … Maya n’entend pas créer « en dehors de l’Afrique ». Oubliant la richesse des ateliers européens, elle veut prendre racine en continent noir, tant dans la matière de l’œuvre que dans son objet. Elle se veut solidaire. Attentive. En visite dans le Seregenti (Tanzanie), les guides lui disent : « Regarde, là, un lion ». Elle ne voit rien, et pour cause: « C’est comme si on disait à un homme émergeant d’un coup de la campagne, en pleine ville européenne, de prendre gare aux feux de signalisation! » De ce voyage, où « j’avais l’impression que les guides avaient chacun deux paires d’yeux, quatre oreilles, deux nez », elle en fera un tableau dédiée à « l’impression de dédoublement des sens »… Parfois, l’immersion peut être caricaturale : « Une femme africaine a toujours besoin d’une soeur ou d’une cousine pour lui faire sa coiffure ». C’est pourquoi Maya peindra deux Sénégalaises « mariées à un même homme et vivant une cohabitation impossible ». La coiffure des personnages, mise en exergue, souligne le point de lien entre les deux « ennemies » : leurs cheveux. Peindre, « un combat contre la mort », selon Maya. Un combat qu’elle retrouve en Afrique, où « la vie nous met devant une réalité : dans la rue, avec un rien, les enfants fabriquent des jouets. Le côté créatif n’est pas une croyance en un don tombé du ciel, mais un appel de la vie : on doit y répondre ». Peindre, parce que « c’est un besoin vital. Quand je ne le peux pas, c’est comme une pirogue hors de l’eau : plus d’équilibre ». Voilà, entre autres, pourquoi il faut découvrir l’artiste.