Le constitutionnaliste Pascal Rwankara estime que la loi sur la presse promulguée par le président de la République ne concerne pas les professionnels des médias. Selon lui, elle n’engage que son auteur, par son caractère anticonstitutionnel.
Que pensez-vous de l’acte posé par le président Nkurunziza ?
La mouture améliorée qui a été présentée au gouvernement par la presse en général n’a pas été considérée. Les institutions chargées de voter cette loi se sont livrées à des simagrées de mauvais aloi. La presse avait pressenti que la loi ne serait pas votée dans l’état amélioré. Pire, beaucoup de députés et sénateurs ont ravalé leur parole mettant à mal leur honorabilité. De toutes les procédures viciées, il est stupéfiant de constater que le travail des commissions n’a pas été approuvé par les plénières.
D’après vous, quel est le caractère de cette loi ?
C’est une loi anticonstitutionnelle. L’anticonstitutionnalité tire sa base légale dans l’article 31 de la Constitution qui dit que la liberté d’expression est garantie. De surcroît, la loi donne un pouvoir judiciaire au Conseil National de la Communication alors que dans la législation actuelle, les prérogatives de rendre justice reviennent au cours et tribunaux conformément à l’article 205 de notre Constitution. Des éminents scientifiques avaient déjà esquissé une ébauche de ce qui devait être le projet amélioré de cette loi. J’ai personnellement eu l’occasion d’harmoniser toutes les approches, de décrier toutes les incohérences. Nous avons démontré au secrétaire général du gouvernement que c’est un projet malsain, que c’est un recul démocratique aberrant.
Quid du délai de transmission de ce projet de loi au président de la République ?
Il ressort d’une communication du porte-parole du président de la République que ce texte venait de passer les 48 heures requises pour la transmission. Cependant, d’après mes informations, ce texte serait parvenu au président de la République sept jours plus tard. Dans ce cas, l’adoption de la loi devient caduque. C’est la sanction constitutionnelle.
Comment devraient réagir les professionnels des médias ?
Si le président de la République promulgue une loi irrégulière, elle n’engage que que son auteur. Les professionnels des médias n’ont pas à s’inquiéter parce que cette loi ne les concerne pas.
N’est-ce pas les inciter à la révolte ?
C’est le principe général du droit qui s’applique Ad impossibile nemo tenetun. Autrement dit à l’impossible, nul n’est tenu.