A l’occasion du dernier sommet de la Communauté des Etats d’Afrique centrale tenu au Gabon, Pascal Niyonizigiye, expert en Relations internationales, recommande de prioriser l’appartenance à certaines organisations régionales.
Le XVIIIe sommet de la Communauté économique des Etats d’Afrique centrale (CEEAC) s’est tenu récemment à Libreville. Qu’est-ce que le Burundi tire concrètement de son appartenance à cette organisation ?
Le Burundi a intérêt à appartenir à des organisations régionales qui comprennent des Etats voisins de notre pays, notamment ceux de l’Afrique centrale et l’Afrique orientale. Après tout, le Burundi est à l’interface entre l’Afrique centrale et l’Afrique orientale. Donc, il a intérêt à appartenir à ces deux organisations régionales qui se trouvent dans cette partie de l’Afrique. Et c’est d’autant plus avantageux que le Burundi est un pays francophone mais qui utilise aussi la langue anglaise. Cela fait que le fait d’appartenir à la Communauté économique des Etats d’Afrique centrale qui est majoritairement francophone et d’appartenir en même temps à la Communauté Est africaine qui est essentiellement anglophone, est un avantage sur le plan géopolitique pour notre pays.
Et quel en est l’avantage sur le plan économique ?
Il y a un avantage certain parce que le Burundi a besoin d’échanger, de coopérer avec les pays qui lui sont proches. A titre d’exemple, la RDC qui est un géant dans la sous-région, qui a plein de ressources naturelles et considéré même comme un accident géologique. En temps de stabilité et de sérénité socio-économique, le Burundi pourrait être un carrefour d’échanges entre par exemple la RDC (surtout sa partie orientale, le Sud-Kivu) et l’Afrique orientale. C’est une position géopolitique qui est très utile pour le Burundi. Et le Burundi ne peut pas négliger l’Afrique centrale même s’il y a encore des problèmes d’intégration. Il faut reconnaître que si on essaie d’analyser les avantages que le Burundi peut tirer de la Communauté Est africaine et ceux qu’il peut tirer de l’Afrique centrale, je pense que l’Afrique orientale est beaucoup plus utile. C’est d’ailleurs la région qui est la plus dynamique avec un taux de croissance important. Mais il ne faudrait pas négliger les pays situés à l’ouest du Burundi notamment la RDC. On peut coopérer avec d’autres pays comme le Gabon, le Congo-Brazzaville, le Tchad, la Guinée équatoriale. Notre pays a besoin de diversifier ses partenariats et sa coopération pour sa reconstruction et son développement socio-économique.
CEPGL, CEEAC, COMESA, BAD, CIRGL, OIF, EAC… Le Burundi appartient à moult organisations internationales. Quel en est l’intérêt pour la nation ?
Cette question est pertinente parce que plus d’une fois, on s’est demandé s’il faut appartenir à plusieurs organisations sous-régionales alors que cela nécessite des quotes-parts au budget. Pour l’EAC, par exemple, il faut débourser chaque année 4.200.000 dollars américains. C’est une somme assez consistante. Ce qui fait qu’il y a souvent des problèmes de retards dans les contributions. Pour d’autres organisations, comme la CEEAC, on devrait logiquement y participer même si cette organisation dispose de nombreuses lacunes au niveau organisationnel. On l’a compris même à travers le sommet qui a montré qu’il y a beaucoup de choses à restructurer, notamment la liaison entre la CEEAC et la CEMAC. Il y a une étude qui a été commanditée par le PNUD et le gouvernement du Burundi en 2012 pour voir comment gérer cette multi-appartenance du Burundi aux organisations sous-régionales. L’avantage d’appartenir à plusieurs organisations sous-régionales multiplie les chances de partenariat. Et un pays comme le Burundi ayant connu de grandes périodes d’instabilité, des crises consécutives, a intérêt à avoir le plus de partenaires possibles et à essayer d’avoir des références, des modèles en matière de développement socio-économique, de résolution des conflits, etc.
Au moment où le Burundi est confronté à de profonds problèmes économiques, ces adhésions multiples sont-elles tenables ?
Il faut tenir compte du coût lié à toutes ces appartenances, se baser sur des options réalistes pour déterminer les organisations prioritaires auxquelles appartenir, comme l’EAC. En substance, celles qui nous rapportent et pouvoir escompter appartenir à l’avenir à d’autres organisations.
Quelles organisations privilégier au vu de nos capacités économiques ?
L’EAC vient en premier lieu. La CEPGL est une organisation qui était tombée en désuétude. On a commencé à la ressusciter et à la redynamiser à partir de 2003 avec l’entremise de la coopération belge. Mais jusqu’à maintenant, cela tarde à se concrétiser. C’est une organisation qui a encore beaucoup de problèmes, suite à la crise généralisée que nous avons connue dans la sous-région. Mais c’est une organisation qui peut être supplantée par la Conférence internationale de la Région des Grands Lacs(CIRGL) qui a plus de moyens, qui est la mieux indiquée pour traiter des problèmes de sécurité dans la sous-région d’une manière complexe parce qu’elle compte 11 Etats à la place des 3 qui sont membres de la CEPGL. Il y a d’autres organisations qui sont importantes pour le Burundi, comme l’Autorité du Lac Tanganyika étant donné que nous sommes des riverains du Lac Tanganyika et que nous avons un patrimoine important dans le passé du Lac Tanganyika. Il y a aussi le COMESA, dont l’EAC apparaît comme un sous-groupe.
Propos recueillis par Alphonse Yikeze