Samedi 02 novembre 2024

Politique

Pascal Niyonizigiye : « C’est très difficile de s’entendre sur la pacification de l’Est de la RDC »

18/10/2022 Commentaires fermés sur Pascal Niyonizigiye : « C’est très difficile de s’entendre sur la pacification de l’Est de la RDC »
Pascal Niyonizigiye : « C’est très difficile de s’entendre sur la pacification de l’Est de la RDC »

Réouverture des frontières avec le Rwanda, une force d’intervention régionale qui a du mal à voir le jour à l’Est de la RDC, dialogue UE-Gitega qui piétine, le FMI qui renoue ses liens avec Gitega, le spécialiste en Relations internationales revient pour Iwacu sur les sujets de l’heure.

Les frontières burundo-rwandaises ont récemment rouvert mais pour les autorités burundaises l’extradition des putschistes reste la condition sine qua non à la reprise de toute coopération avec le Rwanda. Votre commentaire ?

Il y a déjà eu de grandes avancées entre nos deux pays. Des rencontres de nos autorités au niveau de l’armée, du renseignement militaire et de la diplomatie ont déjà eu lieu. Il y a le ministre en charge des Affaires de l’EAC qui s’est rendu au Rwanda et y a rencontré les plus hautes autorités du pays, le Premier ministre rwandais qui est venu appuyer les Burundais dans la célébration du 59e anniversaire de l’indépendance. Bref, il y a eu beaucoup de signaux positifs. Mais il y a une limite… le Burundi n’a pas encore ouvert les frontières.

Même si le Rwanda déclare avoir ouvert ses frontières, la mobilité des gens ne peut pas être complète. En matière de relations interétatiques, quand un Etat sur base de sa souveraineté étatique déclare qu’il garde sa frontière fermée entre son pays et un autre, on doit attendre la décision souveraine de cet Etat pour que les frontières soient ouvertes. C’est une pratique qui existe depuis la fondation de l’Etat moderne, en Occident par exemple, depuis le 16e siècle.

Mais le Burundi a perdu beaucoup avec cette fermeture des frontières…

Le Burundi a perdu beaucoup notamment avec les effets de la Covid-19, un collègue économiste a démontré que le Burundi a perdu 68% des revenus qui étaient issus de ses échanges avec le monde extérieur. Au Rwanda, nous importions le lait, les pommes de terre, etc. Et le Burundi, de son côté, exportait les fruits, l’huile de palme, le poisson, etc. Il y a beaucoup de Rwandais qui pratiquaient le tourisme ici, qui appréciaient les charmes du lac Tanganyika, qui aimaient la ville de Bujumbura où la vie est moins chère qu’à Kigali.

La présidence de l’EAC qu’il occupe actuellement n’invite-il pas le président burundais à assurer la reprise de la coopération avec le Rwanda ?

Le président Ndayishimiye s’est déjà exprimé en faveur de cette reprise mais le gouvernement burundais y a posé un préalable à savoir l’extradition des présumés putschistes. De son côté, Kigali a longtemps accusé le Burundi d’héberger des rebelles qui attaquaient souvent son pays. Les pourparlers doivent croître pour trouver un compromis. C’est cela qui régule les rapports entre les Etats.

Quid de la cohérence au niveau de la force d’intervention régionale en RDC quand, par exemple, le Kenya dit qu’il ne va pas lutter contre le M23 ?

La situation de la RDC est très compliquée. Ce pays est très convoité depuis le 19e siècle avec le partage de l’Afrique. Ce n’est pas pour rien que l’on appelle le Congo ‘’le scandale géologique’’. C’est un territoire très riche, ce qui explique pourquoi il n’a jamais connu la paix depuis 1960 avec les indépendances. Maintenant, c’est très difficile de s’entendre sur la pacification de l’Est de la RDC parce qu’il y a plusieurs intérêts, ceux des pays de la région et même des grandes puissances mondiales. Les accords de coopération win-win signés entre la Chine et Kinshasa n’ont pas plu à tout le monde, que ce soit au niveau de la Banque mondiale ou des puissances occidentales.

Si le Kenya est prudent, il doit sûrement y avoir des raisons. On avait proposé que le Kenya puisse pacifier une partie du Nord-Kivu, le Burundi le Sud-Kivu. Et la situation est d’autant plus compliquée que le fonds qui devait financer toutes ces interventions n’a pas encore été constitué.

N’y a-t-il pas risque justement qu’avec ce manque de coordination, chaque nation joue en solo sur terrain ?

J’espère sincèrement que les Etats impliqués vont trouver un compromis et prendre leurs responsabilités en pacifiant l’Est de la RDC. Ce n’est de l’intérêt de personne que le Congo soit à feu et à sang d’autant qu’il fait partie aujourd’hui de la Communauté est-africaine. Mais visiblement il y a encore du pain sur la planche.

Que dites-vous du dialogue UE-Gitega qui patine en ce moment ?

Je ne crois pas qu’il patine comme tel. Mais disons que les temps sont durs. L’Europe est actuellement préoccupée par la guerre en Ukraine qui frappe pratiquement son territoire. Il est donc normal de comprendre pourquoi l’Europe s’attache plus à la gestion de cette problématique en ce moment.
Pour ce qui est du Burundi, il a connu dernièrement une situation très difficile avec la pénurie des produits stratégiques, comme le carburant, le sucre et les engrais chimiques. Récemment, un nouveau gouvernement a été mis en place. Il faut alors attendre de juger l’action au moins pour un moment. Mais le fait d’avoir entamé ces négociations est porteur d’espoir.

Votre réaction quant à la reprise des liens entre Gitega et le FMI ?

Le Fonds monétaire international apprécie d’une certaine manière le pas franchi par le Burundi parce que j’ai vu dans son dernier rapport que le Burundi enregistre un taux de croissance de 3.3% et que vers 2027, il va atteindre 4.7%. Il y a ainsi une lueur d’espoir et je pense que le FMI veut appuyer le Burundi dans ses efforts-là.

Et le Burundi a vraiment besoin du FMI pour financer la construction des infrastructures, les projets de développement socio-économique… d’autant plus que depuis 2015, le Burundi fait face à une crise de financements venant de l’extérieur et une crise diplomatique. C’est par conséquent une bonne chose qu’il y ait une reprise des liens entre le Burundi et ses bailleurs de fonds.

Est-ce un hasard si cette reprise a été suivie de près par l’annonce par la BRB de la libéralisation à nouveau du marché des devises ?

Certainement pas. Cela entre dans le cadre d’une opération de séduction de la part de Gitega qui consiste à faciliter la tâche aux hommes d’affaires et aux entrepreneurs burundais pour leur permettre de mener à bien leurs projets. Ce qui est beaucoup pris en compte par les institutions financières de Bretton Woods.

RDC

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