Mardi 05 novembre 2024

Culture

Pas de paix sans palabre!

25/03/2016 3

Dans son ouvrage La réconciliation palabrique pour la paix au Burundi, mêlant philosophie et théologie, Père François-Xavier Ntirampeba livre sa conception d’une vraie réconciliation au Burundi. Cette dernière doit, selon lui, commencer par la «parole».

Père François-Xavier Ntirampeba : « Seule une parole bonne et constructive peut mener à la réconciliation. »
Père François-Xavier Ntirampeba : « Seule une parole bonne et constructive peut mener à la réconciliation. »

De but en blanc, Père Ntirampeba met en cause la catégorisation incomplète de la physionomie existentielle burundaise. Et cette différenciation, peut selon lui, nuire au processus de réconciliation en cours. Processus qui, d’après cet auteur, doit incontestablement passer par une parole bonne et constructive, la «palabre».

Dans son livre, cette parole humaine vient de la vie de Dieu. Et cette vie doit mener à un objectif, la réconciliation qui peut se traduire en kirundi comme «intahe», « kwumvikanisha», «kwumvikana».

Au niveau de l’existence, de l’essence et du cosmos, l’auteur de ce livre de 131pages donne une autre différenciation : « Les Hutu, Tutsi et les Twa semblent être la seule composante de la société burundaise. »
Une représentation selon lui incomplète, et qui pourrait nuire à la réconciliation des Burundais.

« Sans cela la réconciliation serait vaine »

Il suggère pour arriver à une réconciliation vraie, harmonieuse, d’y intégrer les Ganwa, les Bahima, les banyaruguru, les Bashi… Pour cet homme d’Eglise «les enfants issus des mariages mixtes doivent aussi concourir à ce processus pour redonner au Burundi sa physionomie existentielle.»

Au niveau de l’essence, il propose de résoudre avant tout les problèmes qui minent la société burundaise pour arriver à cette vérité globale et intégrante (la réconciliation).
Les problèmes de chômage, de conflits fonciers, de prisonniers, de justice équitable, de l’exploitation des minerais … doivent, selon l’auteur être résolus avant de songer à la réconciliation du peuple burundais « Sans cela la réconciliation serait vaine »

Poussant encore loin sa vision de la réconciliation, il soutient qu’au niveau du cosmos (l’univers considéré comme un système bien ordonné), « les agriculteurs, les éleveurs, les mineurs et les gestionnaires d’eau ne sont pas non plus à oublier ». Pour lui, ils font partie de la société et doivent par conséquent participer à la réconciliation.

Victime de la crise de 1972 et ayant connu celle de 1993, Père François-Xavier Ntahimpera a fait de la réconciliation du peuple burundais un combat qui lui tient à cśur. Des pièces de théâtre de cet homme de l’Eglise rejoignent cette thématique. Entre autres «Fais le bien il te profitera, fais le mal, il te poursuivra» ou encore «Réconcilions-nous avec Dieu, la communauté et le cosmos par la parole lumière»

Forum des lecteurs d'Iwacu

3 réactions
  1. Deogratias SINZINKAYO

    On nous a toujours fait croire que les Ganwa, ces fameux princes de sang, naissaient avec des semences dans les mains, comme pour dire qu’ils étaient destinés à la royauté par Dieu. Était-ce donc une théocratie? Il me semble qu’en faire une ethnie à part entière relève de la même logique. Demain naîtront peut-être les Hutsi, même s’il est de notoriété publique qu’au Burundi le régime parental est patrilinéaire. Sommes nous donc en train d’assister à l’implosion du Burundi?

  2. Deogratias SINZINKAYO

    Il me semble quant à moi, que faire des Ganwa une ethnie à part entière est aussi une mystification parmi tant d’autres. C’est vouloir faire des rois et des princes qui sont leurs fils, une catégorie à part. Il y a une revendication cachée derrière cela. C’est ma pensée. Tout comme les hybrides issus des mariages entre Hutus et Tutsi. Le régime est patrilinéaire au Burundi

  3. Athanase Karayenga

    « Verbum erat apud Deum »

    Permettez-moi d’intervenir dans le débat, de rectifier, compléter et nuancer certaines assertions contenues dans ce compte-rendu du livre du Père François-Xavier Ntahimpera.

    La « palabra latine, devenue palavra en espagnol, parole en italien et français,etc », c’est le même mot. Il me semble exagéré de mystifier ce mot et de donner plus de force à « la palabre », une notion quelque peu péjorative et galvaudée d’ailleurs, qui constitue une extrapolation coloniale du mot latin « palabra », pour stigmatiser « les paroles interminables » entre « Africains » au pied « l’arbre à palabre » précisément.

    Mise à part cette nuance, il convient de rappeler, que la prise de parole et le respect de la parole de l’interlocuteur sont effectivement très importants dans la résolution des conflits au Burundi comme ailleurs.

    Les premières paroles de la bible, et le Père François-Xavier Ntahimpera le sait mieux que quiconque, sont les suivantes : « Au début était la parole » Un ami Sénégalais m’a rappelé récemment la suite de cette citation en latin : « Verbum erat apud Deum. » « La parole était auprès de Dieu. » Une manière de réaffirmer que la parole est d’essence divine. Dont acte !

    Par ailleurs, dans le compte-rendu du livre du Père François-Xavier Ntahimpera, on découvre cette phrase erronée, à mon sens. « Les Hutu, Tutsi et les Twa semblent être la seule composante de la société burundaise. » En réalité, la société ancienne burundaise était constituée par quatre communautés : les Bahutu, les Batwa, les Baganwa et les Batutsi.

    Le compte-rendu du livre poursuit en indiquant que le Père François-Xavier Ntahimpera « suggère pour arriver à une réconciliation vraie, harmonieuse, d’y intégrer les Ganwa, les Bahima, les Banyaruguru, les Bashi… »

    Deuxième affirmation erronée, à mon avis. Les Baganwa, comme indiqué plus haut, constituent une catégorie spécifique, au même titre que les Bahutu, les Batwa et les Batutsi. Ensuite, la communauté des Batutsi est composée de deux sous-ensembles, les Banyaruguru et les Bahima. Enfin, il convient de rappeler que les communautés des Bahutu, des Batutsi, des Baganwa et des Batwa étaient subdivisées elles-mêmes en clans. Certains noms de clans étaient partagés par les Bahutu et les Batutsi d’une part, et entre les Batutsi et les Batwa.

    A titre d’exemple, les Bashubi et les Bashi constituent un clan appartenant à la communauté des Bahutu. Les Benengwe appartiennent à la communauté des Batutsi. Les Bahinda appartiennent à la communauté des Bahima. Les Batare, les Bezi, les Bataga et les Bambutsa appartiennent à la communauté des Baganwa. Chez les Batwa, certains groupes étaient des Banyakarama, le nom d’un des clans les plus importants et les plus influents chez les Batutsi. La fameuse reine Ririkumutima, épouse de Mwezi Gisabo était Munyakarama.

    On retrouve, dans les pays voisins du Burundi, une stratification comparable mais différenciée entre communautés et clans. Au Rwanda, par exemple, il n’existait pas de Baganwa et les rois étaient issus des clans Tutsi, Abega et Abanyiginya. Des rois Hutu ont également reigné dans certaines régions du Rwanda alors que les rois burundais étaient issus exclusivement des clans des Baganwa. En outre, les Bahima du Rwanda, contrairement au Burundi, semblent être très démarqués par rapport aux Batutsi rwandais et constituer un groupe à part.

    La structure de la société ancienne au Burundi mériterait d’être enseignée dans toutes les écoles du pays et débattue sereinement dans les médias. Car, il existe, me semble-t-il, beaucoup d’erreurs ou d’approximations quant aux relations entre les composantes de la nation burundaise.

    Dans la société traditionnelle, par exemple, l’identité la plus déterminante des individus était le clan et non la communauté élargie. Pour un Muhutu, son identité première en société, était Mushubi. Pour un Muganwa, sa première référence identitaire était Mutaga ou Mwambutsa. Et il existait une grande fluidité sociale entre les clans et les communautés.

    La rigidification de la société et l’antagonisme entre les communautés date de l’époque de la colonisation. Les cartes d’identité portaient des indications de la communauté d’origine : Ganwa, Hutu, Twa, Tutsi. Ce système a été aboli à l’époque de l’indépendance du Burundi mais a persisté au Rwanda jusqu’à la fin du génocide des Tutsi en 1994.
    Enfin, le compte-rendu du livre du Père François-Xavier indique que pour cet homme d’Eglise « les enfants issus des mariages mixtes doivent aussi concourir à ce processus pour redonner au Burundi sa physionomie existentielle. »
    Selon la tradition burundaise, l’identité sociale, en termes de communauté et de clan est donnée automatiquement par le père. Ainsi, si deux sœurs Tutsi épousent, la première un mari Hutu et la deuxième, un mari Ganwa, les enfants issus de ces unions seront cousins germains tout en étant Hutu et Ganwa en raison de l’identité communautaire du père. Les enfants issus de « couples mixtes » héritent automatiquement de l’identité du père.

    Il est vrai qu’ils ont l’avantage d’avoir des liens de sang et de parenté dans plusieurs communautés. Ce qui feraient théoriquement des traits d’union formidables dans la société. Ils pourraient constituer « les plus grands dénominateurs communs » selon l’expression mathématique.

    Malheureusement, la règle ne semble pas s’appliquer automatiquement selon cette vision idéale et angélique.
    La preuve ? C’est un enfant issu d’un « couple mixte » qui a mis le feu aux poudres de la haine ethnique au Burundi avec son troisième mandat contesté et contestable.

    Athanase Karayenga

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