Dépister les enfants malnutris, les prendre en charge et accompagner les familles, sont des actions menées depuis Juin 2013 par le PROPA-O (Projet pour accélérer l’atteinte de l’OMD 1-C), un projet du gouvernement financé par l’Union Européenne (UE) et supervisé par le Fonds International de Développement Agricole (FIDA) dans 8 provinces des régions du Moso et de l’Imbo (Rumonge, Bubanza, Bujumbura, Cibitoke, Makamba, Rutana, Ruyigi et Cankuzo).
« Zone Kigwena, commune et province Rumonge, sur 3212 enfants dépistés sur deux collines pilotes, nous avons détecté 129 enfants de moins de 5 ans souffrant de la malnutrition aigüe modérée devant être pris en charge au niveau communautaire (sites FARN-FAN) », renseigne Dr Aloys Hakizimana, responsable de la composante nutrition au sein du PROPA-O, 19 cas avaient la malnutrition aigüe sévère : « Ils ont été directement référés au Centre de Santé Kigwena II tandis que les premiers ont été répartis dans des sites FARN-FAN (Foyer d’apprentissage et de réhabilitation nutritionnelle) gérés par des ‘’Mamans-Lumières’’ ».
Cinq sites FARN-FAN ont été ouverts et équipés dont deux sur la colline Nyakuguma, deux autres à Kanenge et pour le 5ème site sur la sous-colline Kanyiriri. Après, des sessions FARN-FAN ont été organisées, chacune comprenant entre 12 et 15 enfants et pour une durée de douze jours : « 16 sessions FARN/FAN ont eu lieu pour apprendre aux parents comment préparer un repas équilibré (repas composé de protéines, de lipides, de glucides et d’oligo-éléments) à partir des aliments disponibles dans les ménages et nourrir leurs enfants convenablement ».
Sur les 129 enfants avec la malnutrition aigüe modérée, il se réjouit qu’au bout de 16 sessions organisées, tous les enfants soient sortis en bon état de santé nutritionnelle (avec un gain de poids supérieur ou égal à 200 grammes, le critère de guérison prôné par le Programme National Intégré d’Alimentation et de Nutrition (PRONIANUT)
Le PROPA-O ne donne rien comme aliment : « Il est là pour renforcer les capacités des Maman-Lumières, des Papa-Lumières, et des agents de santé communautaires dans le processus de mise en place des sessions FARN-FAN», nuance Dr Hakizimana. Selon lui, une bonne alimentation n’exige pas beaucoup de moyens: « Tous les produits sont locaux et accessibles. Seulement, nous avons constaté que l’ignorance et la pauvreté sont parmi les causes principales des cas de malnutrition dans les familles. »
Un travail bien structuré
Cette lutte contre la malnutrition aiguë modérée et la prévention de la malnutrition chronique s’est déroulée en trois principales étapes, à Rumonge, d’après Dr. Hakizimana. La première consistait en une grande sensibilisation/ mobilisation de la population, des responsables locaux, des intervenants au niveau du développement communautaire, des moniteurs agricoles, etc. « Notre objectif est la prise de conscience de l’existence de la malnutrition dans la zone de Kigwena », précise-t-il.
La seconde consistait à dépister les enfants afin de vérifier si la malnutrition y est une réalité. Une activité précédée par le choix des ‘’Maman-Lumières’’. Celles-ci sont les premiers intervenants sur cet axe, appuyées par les agents de santé communautaires, et les administratifs locaux.
Qui sont les ‘’ Maman-Lumières’’?
Dr. Aloys Hakizimana dit qu’elles sont élues au niveau collinaire et doivent être exemplaires dans leur localité : « Une ‘’Maman-Lumière’’ doit avoir un ou deux enfants de moins de cinq ans qui sont en bonne santé. C’est une Maman qui, dans sa situation économico-sociale modeste a des comportements nutritionnels exceptionnels par rapport aux autres; c’est à dire une « déviante positive ». Elle a des capacités de nourrir convenablement ses enfants avec le peu de moyens à sa disposition. Elle doit également savoir lire et écrire, habiter au milieu des familles bénéficiaires, accepter de travailler bénévolement, être fiable, respectée dans la communauté; et de plus, elle doit être mariée légalement et avoir un foyer stable.
C’est le cas de Josiane Mbonimpa, colline Kanenge, sous-colline Mukunde II. Chez elle se trouve le site FARN/FAN Garukiribibondo. Selon elle, sur 42 malnutris passés par là, tous ont été guéris de la malnutrition. Elle garde en tête le cas d’un malnutri qui avait 3 ans avec 6 kg. « Mais, aujourd’hui, il est très bien portant », se félicite-t-elle, affirmant que tous les produits sont à la portée des familles pour lutter contre la malnutrition. « Il suffit d’apprendre comment préparer un repas équilibré comprenant des protéines, lipides et glucides ainsi que des oligo-éléments», conclut-elle.
Satisfaction des bénéficiaires
Yvonne Munezero, de la colline Kanenge, zone Kigwena, commune et province Rumonge affirme que sans les ‘’Maman-Lumières’’, son enfant ne serait pas encore en vie : « J’avais à maintes fois visité les Centres de Santé, sans trouver réellement de quoi souffrait mon fils. C’est avec la campagne de dépistage du PROPA-O qu’on a trouvé que mon enfant était mal nourri. A 9 mois, il n’avait que 6 kg. Actuellement, il a 12 kg». Cette mère de quatre enfants élève aujourd’hui un porc octroyé par le PROPA-O et sait bien préparer une alimentation équilibrée.
Le PROPA-O, intervient aussi dans l’augmentation de la production et des rendements agricoles via l’aménagement des marais et des bassins versants, la diffusion de vaches et de porcs, la structuration et le renforcement des capacités des agri-éleveurs ainsi que l’appui au stockage et commercialisation des produits agricoles. Ainsi, 1148 ha de marais ont été aménagés et réhabilités pour l’irrigation, 9519 ha de bassins versants aménagés pour la protection contre l’érosion, 880 bovins et 1000 porcins ont été diffusés, ainsi qu’une série variée de semences et plants comme les plants de palmiers à huile, les plants de théier, les semences de tournesol ainsi que différentes variétés de semences maraîchères. Avec l’approche POPO (Porc-potager), PROPA-O vise à couper le cercle vicieux Pauvreté-Malnutrition et vice-versa en aidant les familles de sortir de la pauvreté. « Car, il n’y a pas de sécurité alimentaire sans nutrition et vice-versa », soutient Dr Hakizimana.
Il mentionne que ce projet est né pour contribuer à la réduction de plus ou moins de 15% du taux de malnutrition chronique dans la zone d’action.
Au Burundi, l’Enquête Démographique et de Santé menée en 2010 a montré que la malnutrition chronique atteignait 58%.
Malnutris ou mal nourris? Ce terme existe?