La nouvelle d’une étrange coloration du lac Tanganyika s’est répandue via les réseaux sociaux depuis dimanche 9 septembre. Inquiets, les riverains craignent pour leur santé. « Un phénomène naturel », rassurent certains experts.
Le Tanganyika « est devenu vert ». Cette information s’est vite propagée. Des gens affluent vers le lac pour assister à cette scène inhabituelle.
«Je n’avais jamais vu cela. Ça fait déjà trois jours. Les eaux ont de plus en plus une couleur verte. Et cette couleur se manifeste surtout sur le littoral », a confié I.K, un pêcheur, rencontré à Ku Mase, zone Ngagara, commune Ntahangwa, lundi, autour de 9h.
Le phénomène y était très prononcé. Une fine couche verdâtre était visible à la surface des eaux. Plus les heures avançaient, plus l’eau devenait verte.
Les pêcheurs pensent à la pollution. « Cela résulte des déchets de la station d’épuration des eaux usées de Buterere déversés directement dans le lac. Ils ne sont plus traités », a avancé Isaac Kabura, un autre pêcheur croisé à cet endroit. Des usines rejetant leurs déchets dans le lac sont aussi indexées. Il craint pour sa santé et une baisse de la production du poisson.
11 heures. A la plage sise tout près du port de Bujumbura, tout le lac est vert. Curieux, étonnés, des passants s’arrêtent et s’y entassent.
A l’aide de petits flacons, ils puisent cette eau verdoyante. « Je vais montrer à ma famille que notre eau n’est plus buvable », confie Youssouf, de Nyakabiga, effaré.
Là, dans la journée, des enfants s’amusaient dans l’eau du lac. Lundi, personne n’osait s’y plonger. « Nous avons peur », a témoigné un garçon croisé sur place.
Côté militant pour la protection de l’environnement, l’hypothèse de la pollution n’est pas écartée. « La station d’épuration de Buterere est la première cause de la pollution du lac », a déclaré Albert Mbonerane, environnementaliste. Il a vite interpelé le gouvernement à vérifier s’il ne s’agit pas d’algues vertes dont les effets sont néfastes.
« Un phénomène naturel »
« Cette coloration verte est aussi un phénomène naturel que l’on observe en fin de saison sèche. C’est la période annuelle du bloom phytoplanctonique », a expliqué François Darchambeau, un chercheur en limnologie tropicale. Les algues planctoniques se développent car elles trouvent alors les conditions naturelles propices à leur croissance. « Le phénomène peut, cependant, être en partie accentué par l’activité humaine, par exemple dans les estuaires de rivières riches en éléments nutritifs ». Cet expert rejette toute idée de présence de méthane en quantité exploitable dans le lac Tanganyika.
Le professeur Gaspard Ntakimazi, expert en hydrobiologie, abonde dans le même sens : « C’est un phénomène tout à fait naturel dû à la remontée des eaux profondes. Un phénomène qui s’observe depuis les années 1946 et le plus souvent à la fin de la saison sèche.»
Cet enseignant à l’Université du Burundi fait savoir que le Lac Tanganyika, comme la plupart des eaux des régions tropicales, est stratifié. L’eau de surface reste en surface, tandis qu’une partie reste en profondeur. Mais, il fait savoir que cela ne dure pas toute l’année. « Il y a des périodes de circulation. Ceci se passe sur le lac Tanganyika, notamment à la suite d’un alignement entre sa longueur et la direction des alizées du sud-est. Et cela correspond au début de la saison sèche ».
Pendant cette période, explique-t-il, le vent du sud pousse en permanence sur la surface du lac, tandis qu’un autre courant de surface à partir du Burundi passe en profondeur en coulant vers le sud jusqu’à Mpulungu en Zambie. « Vers la fin de la saison sèche, ces vents s’arrêtent et il y a un mouvement inverse. Ainsi, l’eau des profondeurs remonte ». Un phénomène favorable, selon lui, à la productivité au niveau du lac.
Quant à la Regideso, elle a assuré, ce lundi dans l’après-midi, que l’eau distribuée est de bonne qualité. Mardi, cette coloration verte a finalement disparu.