Sous le label « société civile active et citoyenne », des manifestants ont battu le pavé dans les rues de Bujumbura, samedi 8 juin. Sur des pancartes, c’est à celui qui sera le plus inspiré pour donner un nom d’oiseau. En ligne de mire, des médias français : «Si le gouvernement burundais continue de faire la sourde oreille face à cette agression française et de ses médias de la haine dont RFI, nous allons marcher jusqu’à Paris », «RFI, TV5 Monde, vous êtes une substance manipulatrice que la communauté internationale avale chaque jour, etc.»
Comme à l’accoutumée, les ayatollahs de la pensée unique surréagissent. La pluralité, la nuance ont fait long feu.
Place aux « marteaux-piqueurs de l’argumentation », notamment l’hyperbole au moyen de la métaphore.
Dans sa prière une jeune fille « born again » va qualifier d’intavyara (infertile) et d’intakebwa (mécréant) tous ceux qui ne rentrent pas dans le « bon camp ».
S’agissant de la stigmatisation de l’infertilité liée à l’âge, l’irrespect envers ses aînés est une injure aux valeurs ancestrales dont pourtant l’« homme du peuple » prône le retour. Quant à cette rhétorique moyenâgeuse, elle trahit une vision manichéenne du monde sous forme d’une interpellation du Très-Haut: «Quelle place as-tu chez eux ? Sois de notre côté ; bats-toi pour nous.»
L’invective systématique interroge l’éthos du système
Aimé-Pascal Nduwimana, président du Ministère africain de compassion (MAC) et coordinateur de la marche, a sorti l’artillerie lourde contre des « anti-troisième mandat » de l’actuel Primus inter pares : «Pacifique Nininahazwe souffre de ‘‘sutama’’ (colique), il habite désormais dans un container. Maggy devient ménopausée, si elle avait fait preuve de retenue, elle n’aurait pas manqué un veuf pour mariage. Et Niyombare, où est-il ? Il vit aujourd’hui caché dans une petite hutte».
Tel le pharaon de l’Exode s’attirant les dix plaies d’Egypte pour avoir retenu en esclavage « le peuple élu », ces personnalités sont vouées aux gémonies pour avoir osé s’opposer à une troisième candidature du président sortant. Et pour cause ! «Pierre Nkurunziza, Dieu l’a élevé au-dessus de tous les chefs d’Etat parce qu’il a mis Dieu devant dans tout ce qu’il fait».
De telles attaques sapant le savoir-vivre et le respect – piliers du vivre ensemble – interrogent le système de valeurs auquel adhèrent les faucons du parti de l’Aigle et ses pendants associatifs. Quels sont les ressorts de cette propension à dégainer l’injure plus vite que son ombre? Cette parole décomplexée est celle d’un mâle alpha.
Pour lui, en dehors de la logique de la meute, point de salut.
« Je suis ce que je suis grâce à ce que nous sommes tous » est la définition de la philosophie d’ubuntu. L’altérité des points de vue en est ainsi le pivot. Ubuntu, trait de génie de nos aïeux, à consommer sans modération.