Jadot Nkurunziza, activiste de 23 ans s’est passionné par la protection de l’environnement depuis l’école primaire. En 1999, il crée l’association des jeunes amis du progrès qui s’est transformée en une autre :’’Ça nous concerne tous’’. Elle a déjà planté 52 millions d’arbres au Burundi !
Pourquoi vous être lancé dans la protection de l’environnement ?
Je veux contribuer à la protection de l’environnement en plantant des arbres, et donc au développement du monde et en particulier à celui de notre pays. L’objectif est également d’embellir les villes comme Bujumbura, Gitega et Ngozi. Cet engagement nous concerne tous comme l’indique le nom de mon association. Ce faisant, nous voulons montrer l’exemple aux jeunes pour qu’ils osent entreprendre, eux aussi, malgré la rareté des financements et le climat morose des affaires.
Vous avez déjà terminé vos études ?
J’étudie à St Lawrence University en Ouganda, dans la faculté de l’environnement.
Concrètement, en quoi consiste votre projet ?
Nous entretenons des pépinières notamment le long de la rivière Ntahangwa et ailleurs avec 120 mille plants produits par saison. Le terrain a été offert à l’association par la mairie de la ville de Bujumbura. Nous y faisons pousser différentes espèces d’arbres et de fleurs que nous distribuons gratuitement.
Combien d’arbres avez-vous déjà plantés depuis la création de ’’Ça nous concerne tous’’ ?
Plus de 52 millions d’arbres dans 17 provinces du Burundi : Bujumbura (mairie, rural), Muramvya, Gitega, Makamba, Cibitoke, Rutan… Surtout le long des rivières, les bordures des routes, autour des écoles, des camps militaires…
Avez- vous déjà reçu des financements ?
Non, pas de financements à proprement parler. Mais quand les gens viennent prendre des plants d’arbustes, ils donnent souvent des contributions diverses : houes, serpettes, arrosoirs, un peu d’argent pour motiver mes travailleurs, des conseils…
Comment parvenez-vous à trouver des plants, des semences et du fumier pour votre pépinière ?
Je m’approvisionne dans tout le pays car je monte souvent à l’intérieur. Au début de cette aventure, je faisais du stop pour pouvoir y aller. Pour le fumier, on se débrouille : nous en récupérons dans les poubelles, mais aussi auprès des ministères de l’Environnement et de l’Agriculture.
’’Ça nous concerne tous’’ compte combien de membres ?
Nous sommes autour de trois mille jeunes dans les 17 provinces dans lesquelles nous travaillons. Ce sont des jeunes élèves et des étudiants.
Quels blocages avez-vous rencontrés au début de cette aventure ?
Les membres de ma famille et la plupart de mes amis me disaient que j’étais trop jeune pour assumer un tel projet : « Il ne va rien t’apporter au plan financier et tu ne pourras pas évoluer » martelaient-ils. Je dois admettre que cet étonnement et aussi parfois cette jalousie m’ont donné beaucoup de courage pour continuer !
J’imagine que vous rencontrez des difficultés …
Bien sûr. Nous avons des problèmes pour livrer des plants d’arbres à nos demandeurs, et un manque criant du matériel. Il nous faut aussi recruter d’autres jeunes dans notre association pour élargir nos zones d’action, et enfin acquérir de nouveaux terrains pour d’autres pépinières.
La concurrence est rude ?
Je n’utiliserais pas ce mot parce que pour moi c’est une passion. Nous donnons les plants gratuitement. Les autres pépiniéristes vendent leurs produits. La motivation n’est pas la même.
Y a-t-il des formations, compétitions ou évènements auxquels vous ayez participé ?
J’ai participé en 2013 à la compétition ’’Sesakana’’ pour la diminution des risques et catastrophes au Norvège. J’ai été primé par la Mairie de Bujumbura (2009), par le président de la République lors de la Journée Internationale des travailleurs en 2010 et par la Francophonie en 2014. Le journal Iwacu m’a déjà désigné parmi les 50 personnalités qui font avancer le pays. J’ai participé aussi à des formations en Chine sur la technologie des forêts pour les pays du monde en 2014, en Arabie Saoudite sur le changement climatique et au Kenya sur le développement de l’environnement.
Parvenez-vous à vivre de votre activité ?
Pour moi c’est une passion et la recherche d’argent n’est pas ma priorité. Ma fierté est de voir que la biodiversité de notre pays est protégée. Bref, le développement du pays.
Cette aventure a du apporter des changements dans votre vie personnelle.
J’y ai gagné des amis un peu partout dans le monde : des personnes au Département d’Etat du gouvernement américain, quelques autorités africains et des Nations-Unies. Qui plus est, j’ai retrouvé la confiance de ma famille et elle me consulte toujours avant de prendre une décision.
Quelles sont vos perspectives ?
Notre grand projet pour les jours à venir est une campagne pour planter des arbres dans les montagnes et les collines déboisées, entre autres celles qui surplombent la ville de Bujumbura. Cette activité s’étendra du mois de décembre 2015 à mars 2016. Nous prévoyons également de créer des pépinières dans toutes les communes du pays.
Bio Express
Jadot Nkurunziza est un jeune homme de décision : « Lorsque j’entreprends quelque chose, je me donne les moyens (Force et intelligence reçu de Dieu) d’atteindre l’objectif. » La preuve, explique-t-il, est ce que je fais avec ’’Ça nous concerne tous’’ depuis 1999 alors que je ne gagne pas d’argent parce que ça n’entre pas dans mes préoccupations.
Né dans la zone de Nyakabiga dans la commune Mukaza, il est issu d’une famille de cinq enfants. Il indique qu’en plus de sa famille, le scoutisme l’a inculqué beaucoup de choses : la serviabilité, l’assiduité, l’amour du pays, la confiance en soi,… En dehors de son travail et des heures de cours, il aime faire du sport, notamment jouer au football. Catholique pratiquant, il va régulièrement prier à l’église et il fût un enfant de chœur. Sa devise est «
La protection de l’environnement est une affaire de tous. »
Son rêve date de l’école primaire !
Steve Nzitonda, son camarade de classe en 5è et 6è primaire, est l’un des rares à avoir encouragé le jeune Jadot Nkurunziza.
Jadot a toujours eu des rêves et il aimait la nature, se rappelle Steve Nzitonda, qui a créé lui aussi sa petite entreprise (de pâtisserie). « A l’école primaire, il était incroyable de voir cet enfant qui, de sa propre initiative, plantait des arbres dans la cour de l’école ! On se moquait de lui. Et sa famille voulait qu’il se concentre sur ses études pour déboucher sur un bon travail. Toutefois, je l’ai beaucoup encouragé. Je lui disais que s’il aimait ce qu’il voulait faire il arriverait à ses fins ».
Le jeune Nzitonda apprécie beaucoup son camarade : « Il sait parler aux personnes qui ont plus d’expérience et qui peuvent le conseiller ou lui donner des moyens. Et même aux gens de classes moyennes et aux pauvres paysans des collines. Mais aujourd’hui, sans oublier sa vocation sociale, il est temps qu’il commence à gagner de l’argent ! »
« Il a un courage hors normes »
L’ancien maire de la ville de Bujumbura (fin 2006 à fin 2007), Elias Buregure, soutient Jadot et le conseille.
« Le projet de Jadot Nkurunziza est louable et constant, souligne Elias Buregure. Je l’ai connu alors qu’il était un jeune élève et j’ai constaté qu’il avait la volonté d’entreprendre. Je le voyais courir dans tout le pays à la recherche des semences, et même jusqu’en Tanzanie ! »
Impressionnée par cet activisme, la mairie, octroyait à Jadot, quelques années plus tard, un terrain le long de la rivière Ntahangwa pour y créer une pépinière. M. Buregure l’a même aidé à l’installer. « Tout cela grâce à son courage hors normes. Notez qu’il est parmi les premiers à avoir introduit le faux manguier. »
L’ancien maire de la ville s’étonne encore de la facilité avec laquelle Jadot Nkurunziza convainc les jeunes de participer à son projet : « Il organise des camps de travail pendant les petites et grandes vacances, et même dans les autres provinces du pays ! »
Jadot est plus philanthrope qu’entrepreneur
Pierre-Claver Nduwumwami, directeur général du BBIN, conseille au jeune entrepreneur de trouver un modèle économique à adopter pour rendre son action durable.
« Jadot Nkurunziza n’est pas un entrepreneur type mais un entrepreneur social. Même si dans les deux cas, nous retrouvons les mêmes réflexes, les mêmes qualités », constate Pierre-Claver Nduwumwami, directeur général du Burundi Business Incubator. Selon ce dernier, le jeune Jadot s’intéresse en premier sur les problèmes que rencontre la communauté afin de trouver une solution en produisant quelque chose ou en rendant un service. « Il veut être philanthropique et c’est un jeune qui a beaucoup d’énergie, de talent et qui a le goût du risque. » Dans le cas précis, je ne veux pas dire que la concurrence serait une mauvaise chose pour Jadot. Plutôt, explique M. Nduwumwami, il gagnerait beaucoup parce que son rêve se réaliserait plus rapidement si plusieurs personnes décideraient de faire la même chose.
Toutefois, le DG du BBIN voit son problème dans le manque de ressources financières pour puisse créer un impact visible sur l’environnement et par conséquent sur la communauté. « C’est un cas classique d’association où un bailleur est indispensable parce que les gens n’ont pas l’habitude d’acheter les arbres. »
Le professionnel n’a pas manqué de donner des conseils à Jadot. Il lui faut une bonne organisation et présenter un bon projet avec des objectifs clairs, des indices objectivement vérifiables, etc. Avec un budget bien calculé, des revenus qui sont tombent, il pourrait produire le même impact sur l’environnement et c’est la seule façon de rendre son action durable. Il faut, insiste Pierre-Claver Nduwumwami, qu’il trouve un modèle économique spécifique : réfléchir sur ce qu’il pourrait produire, vendre, les cibles qui viendront acheter et pourquoi,… Jadot doit restructurer son association en une entreprise sociale qui génère également des revenus. Il doit s’imaginer des produits et services vendables qui vont dans le sens de préserver l’environnement (fabrication de combustibles à base des déchets par exemple, des foyers améliorés,…), conclut-il.