Mardi 05 novembre 2024

Économie

Osez Entreprendre/ Ginette Karirekinyana Consommer « naturel » avec Karire products !

13/05/2016 5

Partie d’une huile anti-moustique, Ginette a su développer toute une gamme de produits cosmétiques et alimentaires à base de plantes locales. Son agence, l’ACECI, les commercialise sous la marque Karire Products.

Ginette KarirekinyanaQuels ont les produits Karire Products ?

Des savons anti bactériens faits à base de la moringa, des bougies anti moustiques, des démaquillants, des tisanes, des aromes, etc. Tous ces produits sont fabriqués d’une manière naturelle, grâce aux matières premières locales par mon entreprise.

Et ça marche ?

L’entreprise est assez rentable. J’ai commencé avec deux ou trois produits. Aujourd’hui nous en offrons une dizaine.

L’entreprise a démarré avec trois employés, aujourd’hui une dizaine de personnes travaillent à plein temps. Pour un pays en crise, les affaires marchent plutôt bien (rires).

Comment a commencé cette aventure?

J’ai commencé en 2010 en créant l’Agence consultative en Ethique de la Coopération internationale (ACECI) et le projet « cataire ». Il s’agissait d’introduire dans la population burundaise cette plante (la cataire) et d’en tirer une huile anti moustique pour freiner le paludisme. Partant de la cataire, j’ai constaté la richesse de la nature burundaise : elle regorge une diversité de plantes aux différentes vertus. C’est alors que j’ai initié toute une gamme de produits sous la marque Karire Products.

Comment vous approvisionnez-vous ?

Depuis 2011, l’ACECI, a initié des femmes des milieux ruraux à la culture des plantes nécessaires à la production d’huiles essentielles. Elles nous les fournissent deux ou trois fois par semaine. Toutes ces plantes sont cultivées de manière naturelle. Les huiles essentielles utilisées pour fabriquer les savons par exemple sont extraites des plantes comme la moringa, la jatropha, l’eucalyptus ou la cataire. Ces plantes viennent de Gatumba, Isale Bujumbura rural, Bugarama.

Vos prix sont-ils abordables ?

Je reconnais que les tarifs sont un peu élevés pour les populations aux très faibles revenus ou pour les milieux ruraux. Mais pour les femmes qui consomment des produits cosmétiques de l’Europe, les prix sont assez bas. Par exemple notre baume à lèvres est vendu à 15.000Fbu et le savon à l’huile de moringa à 1000Fbu.

Quelles difficultés avez-vous rencontrées lors du lancement ?

Au début, les gens n’ont pas été enthousiasmés par les produits Karire Products. Les personnes pensent toujours, et à tort, que les produits importés sont de meilleure qualité que ceux faits localement et naturellement. Tenez par exemple, jadis nos mères oignaient les enfants de l’ikambiri (baume dérivée de l’huile de palme) ou alors utilisaient amavuta y’inka (crème corporelle à base de lait de vache), autant d’habitudes aujourd’hui abandonnées. Je continue à combattre cette mentalité qui consiste à pencher vers des produits génétiquement modifiés plutôt que de consommer « naturel ».

Et le capital ?

Je me suis autofinancée. J’ai commencé avec de l’argent issu de la tontine. J’étais encore au Canada, on se cotisait entre amis. Et à tour de rôle, l’un d’entre nous empochait la somme collectée pour faire un petit investissement. C’est comme ça que j’ai pu réunir le montant suffisant pour démarrer

Quels sont vos défis aujourd’hui ?

J’ai certes besoin de financement pour produire plus, mais je dispose quand même du nécessaire pour faire marcher l’entreprise.

Avez-vous déjà participé dans des expositions ?

Du 15 au 16 avril 2016, j’ai exposé les produits Karire Products à l’école Michel Archange de Bujumbura. L’année précédente, du 20 décembre au 5 janvier 2015, j’étais au Palais des arts pour présenter mes produits. Au mois de mars, je suis allée au Rwanda montrer le travail de l’ACECI, et ils ont été vraiment intéressés. Je m’apprête aussi à me rendre au Congo pour présenter mes savons et mes tisanes

Vos projets d’avenir ?

Mon ambition est d’agrandir l’entreprise, d’avoir plusieurs unités de distillation, ceci dans le but de produire plus et d’exporter un jour.


Bio express

Ginette Karirekinyana bio express copyGinette Karirekinyana est native de Kamenge. Elle termine ses études secondaires au lycée du Saint Esprit après avoir décroché son concours national à l’école primaire de Mugera (Gitega). En 1995, après deux ans de vie communautaire et de postulat chez les sœurs missionnaires d’Afrique à Bukavu, elle se rend au Cameroun à l’université catholique d’Afrique centrale. Après quatre ans d’études, elle y décroche une licence et un master en philosophie. Elle part à Beyrouth pour faire son troisième cycle de philosophie. En 2004, elle intègre un groupe de recherche en éthique médicale et environnementale au Canada, à l’université Laval au Québec. De là, elle y crée l’ACECI. Depuis octobre 2010, L’ACECI œuvre au Burundi. Ginette aime la nature et pratique la natation.


Témoignages

«Les produits sont assez chers, mais de qualité»

Fidèle cliente des Karire Products, Marguerite Inangorore apprécie la qualité de ces produits.

Marguéritte Inangorore copyRencontrée aux locaux de l’ACECI, Mme Inangorore vient de s’approvisionner en savon. Elle souligne volontiers qu’elle a toujours préféré les produits naturels aux produits génétiquement modifiés. «Je suis une habituée de l’ACECI, ils ont de beaux produits corporels et alimentaires. Cela fait maintenant trois mois que j’utilise un shampoing de cheveux à base d’ortie, accessoirisé de sa lotion»

Et de vanter la qualité de cette lotion pour cheveux : « Une petite quantité suffit pour redonner éclat et brillance aux cheveux qui, en outre, reprennent des couleurs et ne se cassent pas ».

Cette lotion, elle l’a acheté à 15.000Fbu. Une somme qui, dit-elle peut semblait exagérée. «Mais ce sont des produits de bonne qualité ».

«Promouvoir les produits naturels est le souci du monde actuel»

Pour Pr Severin Sindayikengera, directeur du Centre National de Technologie Alimentaire (CNTA), Ginette Karirekinyana doit continuer sur cette voie.

Sévérin Sindayikengera copyPr Sindayikengera suit les activités de l’ACECI depuis 2013. «L’intérêt de Ginette pour l’extraction de huiles essentielles de certaines plantes rejoint celui du CNTA ». Et bien que ce centre soit spécialisé dans la transformation et la conservation alimentaire, une collaboration entre la CNTA et l’ACECI a été envisagée, même si elle n’est pas encore effective.

Pour Pr Sindayikengera, le projet de Ginette Karirekinyana répond aux inquiétudes qui hantent le monde, et dont le Burundi n’est pas exempt. : «L’heure est à la protection de l’environnement, à la sécurité alimentaire, à la promotion et la consommation de produits naturels».

Selon le directeur de la CNTA ce projet est à donc à encourager. Même si, comme il le déplore : «beaucoup de personnes continuent malheureusement à consommer des produits venus de l’étranger génétiquement modifiés »


Conseil d’un pro

«Ginette karirekinyana a osé s’aventurer dans un domaine quasi vierge»

Pour Bélyse Mupfasoni, candidate au PhD sur l’entrepreneuriat durable aux Pays Bas et enseignante-chercheuse à l’Université du Burundi, Ginette doit jouer sur la visibilité de ses produits.

Bélyse Mupfasoni copyBélyse Mupfasoni souligne que comme toute entreprise, Karire Products dispose de forces et d’opportunités, mais doit aussi être consciente de ses faiblesses. Partant des forces elle note : « Ginette trouve facilement ses matières premières, et la main d’œuvre lui est aisément accessible»

Elle ajoute que Ginette a aussi la chance de disposer d’un environnement favorable: « le sol est fertile et ses plantes poussent bien ».

Enfin, souligne encore Mme Mupfasoni, Ginette n’a en face d’elle qu’une faible concurrence. Elle doit en profiter pour s’imposer.

Cela dit, nuance cette enseignante, les produits Karire Products manquent de visibilité : «Le bouche à oreille ne suffit pas comme stratégie de publicité ». De plus, fait-elle remarquer, les prix de ces produits semblent ne les destiner qu’à une clientèle de luxe. «En entreprise, le pouvoir d’achat est un élément essentiel. Il faudrait revoir les prix pour toucher aussi les clients aux revenus moyens.»

Pour finir, cette enseignante conseille à Ginette de procéder à une évaluation. «Elle doit estimer le produit qui a été le plus sollicité et se focaliser sur ce dernier sans négliger pour autant la promotion des autres»

Forum des lecteurs d'Iwacu

5 réactions
  1. Mme VERRET Julienne

    Excellente Karirekinyana!!! Quand nous étions au collège, t’étais déjà très bonne élève et t’avoue que je suis pas du tout étonnée de ce que tu entreprends aujourd’hui.. . Je te souhaite vraiment pleins de succès dans ton Entreprise. Si c’est pas trop demandé, au urais tu des nouvelles de Jeanne TUNDI et de Jeanne NSIMBAGOYE ? Merci ! À très bientôt, j’espère ! Gros bisous.

  2. Sikuyavuga Jeanne

    Auriez-vous la bonté de nous donner les contacts de Karire? Et où se trouve le centre ou elle vend les produits. Je suis très intéresée.

    • Martine Nzeyimana

      Bonjour, l’ACECI a son siège dans le quartier Rohero II, avenue Mugamba numéro 11. Numéro de téléphone : 22277235. Email : [email protected]

  3. Venant

    Iwacu: Auriez-vous l’adresse email de Ginette Karirekinyana ou de son entreprise pour que je puisse la guider vers une structure qui lui permettrait de procéder à l’agrandissement de son entreprise?

  4. Bakari

    Bravo à Madame Karirekinyana pour son projet.
    Mais pour nous faire une idée de l’importance de son activité, nous aurions plus aimé qu’elle nous parle en terme de chiffre d’affaire qu’en terme de nombre d’emplois car nous n’avons pas d’idée de ce que gagne un travailleur dans cette entreprise.
    Par ailleurs je ne comprends pas pourquoi dans l’article on considère que tout produit importé est toujours génétiquement modifié.
    Est-ce que tout ce qui n’est pas naturel est nécessairement génétiquement modifié? Je viens de l’apprendre!

A nos chers lecteurs

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, mais une information rigoureuse, vérifiée et de qualité n'est pas gratuite. Nous avons besoin de votre soutien pour continuer à vous proposer un journalisme ouvert, pluraliste et indépendant.

Chaque contribution, grande ou petite, permet de nous assurer notre avenir à long terme.

Soutenez Iwacu à partir de seulement 1 euro ou 1 dollar, cela ne prend qu'une minute. Vous pouvez aussi devenir membre du Club des amis d'Iwacu, ce qui vous ouvre un accès illimité à toutes nos archives ainsi qu'à notre magazine dès sa parution au Burundi.

Editorial de la semaine

Enrôlement des électeurs. Entre fatalisme et pessimisme

Alea jacta, les dés sont jetés. La période d’enrôlement qui avait officiellement commencé le 22 octobre a pris fin ce 31 octobre. Se faire enrôler est un devoir hautement civique et citoyen en vue de reconduire ou renouveler la classe (…)

Online Users

Total 3 143 users online