Pour lutter contre les mauvaises habitudes alimentaires, il a créé en 2012 la Sofotec, une entreprise de transformation agro-alimentaire. Depuis deux mois, elle a ouvert un restaurant diététique.
Que propose la Society for Food and technology?
Nous proposons à nos clients des suppléments diététiques bio, des produits transformés comme le riz de Gaba, une farine diététique faite à base de Soja et de sésame grillé (moins riche en amidon), de l’argile blanc, argile vert etc.Ces produits permettent deprévenir des maladies essentiellement liées à de mauvaises habitudes alimentaires.
Pour cela nous disposons non seulement d’un service de commercialisation, mais aussi d’un service de conseils nutritionnels.
Comment s’opère cette transformation ?
Cela dépend des produits à transformer. Nous utilisons par exemple un évaporateur rotatif pour obtenir un liquide à base de citron, de graine de papaye, de céleri, d’ail et d’oignon rouge. Ce liquide élimine du corps les toxines et fortifie le système naturel de défense.
D’où vous est venue l’idée de la Sofotec ?
Dès mon jeune âge, j’étais passionné par la littérature médicinale et autres livres. En lisant différents ouvrages, j’ai fait un constat: la plupart des maladies trouvent leur origine dans ce que nous mangeons et buvons ou, à l’inverse, dans ce que nous ne consommons pas ! D’après William Olser (médecin canadien) environ 90% des cas de maladies sont liées à des erreurs alimentaires et à un mauvais style de vie. C’est dans cette optique que j’ai créé une entreprise œuvrant pour la promotion des suppléments diététiques bio. J’ai fait les premiers pas en 2000 mais ce n’est qu’en 2012 que l’entreprise a été reconnue par l’API (Agence pour la Promotion de l’Investissement)
Des difficultés au démarrage?
J’ai été mon propre obstacle (rires). J’étais convaincu que je ne pouvais pas mettre sur pied une entreprise sans l’aide des bailleurs. J’ai vite enterré cette idée, et j’ai commencé à rassembler ici et là le peu d’argent dont je pouvais disposer. Heureusement en 2012, le BBIN (Burundi Business Incubator) a apprécié mon projet et l’a financé à plus de 30 millions de Fbu. Cette somme nous a aidé pour l’équipement. J’ai également suivi à la BBIN une formation de gestion d’entreprise. En plus, des partenaires étrangers nous ont beaucoup formés en technique de transformation agro alimentaire. Notamment deux organisations néerlandaises : PUM qui œuvre dans l’agroalimentaire, et Nutricom Consultancy.
L’entreprise évolue-t-elle?
Oui. Nous avons démarré avec trois employés non professionnels, et aujourd’hui l’entreprise en compte une dizaine dont un chimiste, un ingénieur en industrie agro alimentaire, etc. Nous essayons également de créer des emplois en milieu rural. Nous avons acheté cinq hectares dans la commune Mishiha en province Cankuzo, où nous avons planté plus de 15 mille plants de papaye de variété rouge pour en faire du jus. Enfin, nous venons d’ouvrir un restaurant diététique, lui aussi générateur de revenus
Vos prix sont-ils abordables ?
Tout à fait. La farine thérapeutique est vendue à 7 mille Fbu, la farine tonifiante à 4 mille Fbu. L’argile blanche à 3 mille Fbu. Chaque personne qui sollicite des conseils nutritionnels – il en vient en moyenne quinze par jour – paie 7 mille Fbu. Pour le restaurant diététique, le buffet est à 3500Fbu tandis qu’une assiette simple est à 3 mille Fbu.
Faites-vous face à des défis ?
Il nous faudrait davantage de machines de transformation pour augmenter la productivité. Nous sommes aussi confrontés à un manque criant de nutritionnistes
Quels sont vos projets ?
Équiper le laboratoire de plus de machines de transformation pour améliorer qualitativement et quantitativement nos produits. Je suis également en train d’agrandir le restaurant diététique car l’espace est maintenant exigu alors que la clientèle est grande.
Bio express
Père de deux enfants, Alexis Harimenshi est né en 1973 dans la commune Tangara, en province de Ngozi. Après des études primaires en zone Musenyi de la même commune, il continue ses études dans la zone de Kinama. En 2008, il fréquente le Riverside Institute à Lusaka en Zambie pour une formation intensive en nutrition et art culinaire. Il y décroche en 2009 un certificat dans le même domaine. Depuis 2012, il est Administrateur Directeur General de la Sofotec (Society for Food Technology). Fervent chrétien, Alexis Harimenshi aime aussi la lecture. Adresse : Rohero I, avenue des Manguiers, galerie la belle, porte nº4, derrière l’ancien building des Finances.
Témoignages
Un métier et un mode de vie
Employé à la Sofotec, Geneviève Niyonkuru utilise ses compétences professionnelles pour mieux contrôler son propre régime alimentaire.
«Je m’occupe précisément de la transformation agro- alimentaire entre autre les jus concentrés, les recettes régulatrices, etc.», déclare fièrement cette chimiste, lauréate de l’université du Burundi.
Geneviève Niyonkuru assure que les connaissances acquises dans cet emploi trouvent désormais place à la base de son alimentation. « Je fais des jus qui purifient le sang et désintoxiquent l’organisme. C’est souvent un mélange à base de légumes crus-fruits composé de carottes, betteraves, papayes et avocat».
Cette technique, Mme Niyonkuru la partage avec son entourage. «Ce sont des recettes assez faciles à faire et qui permettent de garder une bonne santé. Il faut en faire profiter les autres».
Consciente du chômage qui prévaut dans le pays, Mme Niyonkuru apprécie cet emploi : «Beaucoup de mes anciens camarades d’université sont toujours à la maison. C’est une chance que j’ai seulement connu sept mois de chômage».
Fini la constipation !
Après deux ans de fréquentation à la Sofotec, André Démétrius Nizigama reconnaît l’utilité des conseils nutritionnels prodigués.
Souffrant d’un long problème de constipation, André Démétrius Nizigama assure que la Sofotec lui a été d’une aide précieuse. «M. Harimenshi m’a conseillé un régime alimentaire assez strict, notamment l’abandon du riz au profit de légumes et de fruits, et cela à des heures biens précises».
Un régime que M. Nizigama, complétera avec une cure de lait de Soja, de tofu de soja et de pâte de blé.
Démétrius Nizigama explique qu’en fréquentant la Sofetec, au-delà de ce problème précis, il a appris à se composer des recettes-maison, bonnes pour la santé «Je sais à présent me faire un jus de carotte mixé à de grains de sésame.
C’est un mélange qui répare les problèmes de vision».
C’est lors d’un exposé d’Alexis Harimenshi que M. Nizigama a appris l’existence de la Sofotec. «Il y a deux ans, j’ai suivi une séance de M. Harimenshi sur la bonne hygiène alimentaire à adopter. Dès lors, j’ai suivi toutes ses séances.»
Par simple curiosité, M. Nizigama décide alors de fréquenter la Sofotec «J’ai voulu vérifier si les propos de M. Harimenshi n’étaient pas juste du baratin, si effectivement ses différentes recettes avaient un effet»
Pour M. Démétrius, les conseils nutritionnels de la sofotec sont essentiels pour garder une bonne santé. «La seule difficulté consiste à les appliquer à la lettre et pendant le temps nécessaire. »
Conseils d’un pro
L’agro-alimentaire, un secteur prometteur
Pierre-Claver Nduwumwami estime que la Sofotec peut exporter son business en confortant d’abord ses positions localement.
Pour le directeur de la BBIN, l’idée d’une entreprise du secteur agro-alimentaire est judicieuse au Burundi où 90% de la population est agricole : «L’agro-alimentaire constitue un débouché pour les nombreux producteurs agricoles dont les produits sont transformés pour une plus grande valeur ajoutée».
De plus, souligne-t-il, c’est un secteur prometteur dans le sens où beaucoup de personnes sont actuellement plus soucieuses de venir à bout des problèmes de malnutrition chronique.
Selon, M. Nduwumwami, cette entreprise peut, sur le long terme, envisager le marché régional comme l’est de la RDC.
Le directeur de la BBIN opte toutefois pour la prudence : «Le secteur de compléments alimentaires, proche des médicaments, est assez sensible. La pénétration du marché régional peut être compliquée au niveau de la certification»
Le mieux, recommande toujours le directeur de la BBIN, serait d’abord de maîtriser le marché local avant d’envisager le marché régional ou international.
Pour les difficultés liées à l’équipement, M. Nduwumwami propose de chercher de nouveaux investisseurs ou de contracter de petits crédits. Enfin, pour pallier le manque de nutritionnistes et d’écoles spécialisées, il suggère à l’entreprise d’organiser des stages pratiques.
A queleque chose malheur est bon. Il y a des fois où je suis tenté de croire que les Burundais sont plus créatifs et entreprenant une fois sortis du pays. Hier c’était un médecin à Cibitoke, aujourd’hui M. Harimenshi, tous deux ancients’ refugiés. Mais les choses sont un peu plus compliquées. Nos universités ne forment (presque) que des fonctionnaires d’Etat, tandis que la culture d’intolérance bloque la créativité. Nous devons adapter notre einseignement à nos besoins, et créer un environment propice à l’entreprenariat et la créativité.