Avec sa bourse d’étude comme seul moyen financier, Alida Iranzi a créé une opportunité dans un secteur naissant : le maquillage. Depuis 2012, elle se consacre à Ali’Dah Make-up, sa marque de fabrique.
Que propose Ali’Dah Make up?
Différents types de maquillages. Par exemple, le maquillage pour le mariage et autres fêtes, le maquillage effets spéciaux, (comme faire un bleu sur les yeux, simuler une blessure par couteau sur la joue, etc.), le body painting (dessiner un petit lapin sur un enfant qui fête son anniversaire) etc.
Quel a été le déclic pour se lancer dans le maquillage ?
Par un simple photo shoot. En 2012, des amies mannequins devaient poser pour un photo shoot. Elles m’ont proposé de les maquiller. A l’époque, je maquillais juste « pour le fun». A ma grande surprise, le photographe et le public ont apprécié ! Depuis ce jour, des photographes et designers font appel à moi pour des événements de mode
Apparemment, vous aviez des talents cachés ?
Oui, je pense. Le maquillage est une passion. A l’école secondaire, j’aimais beaucoup maquiller mes copines, mes cousines, faire des sourcils à mes camarades de classe. Toutefois, j’avais peur de me lancer complètement dans le maquillage. Un jour la styliste Krystal-Bella Shabani m’a poussée et m’a encouragée à lancer Ali’dah Make-up.
Quelles ont été les difficultés au début ?
J’étais encore étudiante. Je n’ai compté que sur ma bourse d’études pour financer le début d’Ali’Dah Make-up. Je faisais des économies et, petit à petit, j’achetais du matériel. Heureusement, des amis à l’étranger m’ont envoyé un peu de matériels. Du jour au lendemain, mon kit de maquillage s’est agrandi. Certains amis avaient des doutes sur la perception burundaise du maquillage et sur la viabilité et la rentabilité de mon projet. D’autres m’ont encouragée.
Et maintenant Ali’Dah Make up est rentable ?
Oui. Au début, j’avais trois à quatre clients par semaine, maintenant je parviens à en avoir 15, voire plus. Grâce au bouche à l’oreille et ma page Facebook, j’ai su me faire connaître. Des personnes me reconnaissent aussi dans la rue et font appel à mes services. C’est assez rentable, je parviens à couvrir mes besoins grâce aux recettes du maquillage.
Vos prix sont-ils abordables ?
Cela dépend du type de maquillage. Le coût varie toujours entre 10.000 et 20.000Fbu. Auparavant, je pouvais joindre mes clientes à la maison, maintenant je suis basée au salon de coiffure Rouge et noir sis à l’ avenue du stade, à côté de la place des martyrs de la démocratie..
Avez-vous déjà participé dans des événements promotionnels ?
Oui. C’est par là qu’a commencé Ali’Dah Make-up. J’ai maquillé des tops modèles dans l’événement Love Fashion avec la styliste Vanessa, dans Chill Party avec l’agence de mannequinat Esther. J’ai aussi collaboré avec l’agence de mannequinat Umuringa. Je collabore aussi avec des photographes. J’ai travaillé avec Chris Schwagga sur son shooting Make up street, avec Hervé Cishahayo dans le shooting be for beauty. Dans tous ces événements, je travaille seule ….
Quels sont vos défis actuels?
Il n’y a pas d’instituts ou d’établissements qui enseignent le maquillage pour nous apprendre cette profession. Du coup, je ne peux pas participer dans des événements internationaux par manque de certificat professionnel. Par ailleurs, je travaille seule, des fois il m’est difficile de maquiller toutes mes clientes. L’autre regret c’est que j’ai récemment eu une opportunité de faire une formation à Paris, malheureusement suite à des obligations et de petits soucis, je n’ai pas pu y aller.
Quels sont vos projets d’avenir ?
Je vais encore postuler pour suivre cette formation. Un certificat professionnel me serait vraiment d’une grande utilité. J’aimerais ouvrir une maison Ali’Dah Make-up pour pas seulement maquiller mais aussi partager mes connaissances et former d’autres jeunes.
Quels conseils donneriez-vous à d’autres jeunes qui veulent se lancer?
Mon message est simple : il est actuellement difficile de trouver un emploi, il faut croire en soi et se focaliser sur sa passion. Il est plus facile de réussir dans un domaine qui te passionne.
Bio express
Aînée d’une fratrie de quatre enfants, Alida Iranzi est native de Bujumbura Rurale. Après des études primaires à l’école SOS de Muyinga, elle poursuit en 2003 les études secondaires au lycée SOS de Bujumbura. En 2010, elle entre dans la faculté de Marketing et Management à l’université Lumière de Bujumbura. Passionnée par le maquillage depuis son adolescence, en 2012 elle décide d’en faire son métier. Depuis 4 ans, Ali’Dah Makeup est sa marque de fabrique. En dehors de son métier, Alida aime les soirées entre amis, la musique et les films.
Témoignages
«Alida, une étoile montante»
Cousine d’Alida Iranzi, Floriane Ndaboroheye a été son premier modèle. Elle dit être fière de son évolution.
«Aujourd’hui Alida s’est fait un nom. Elle a fait passer le maquillage d’une simple passion à un métier rentable», se réjouit Floriane Ndaboroheye.
Premier modèle d’Alida, Floriane Ndaboroheye se rappelle que la passion de sa cousine remonte à son adolescence.
«Quand on était au secondaire, Alida profitait du dernier jour des examens pour épiler les sourcils de toutes les jeunes filles de notre classe».
Floriane se souvient également que lorsqu’elles regardaient un film, Alida n’était intéressée que par le maquillage des actrices. «As-tu vu le maquillage de cette actrice ? C’était son refrain pendant un film. Et c’est sur moi qu’elle reproduisait ce qu’elle avait vu».
Quand des voisines organisaient des fêtes, c’est chez Alida qu’elles se faisaient maquiller «Elle le faisait toujours avec plaisir sans rien exiger»
A cette époque, confie Floriane, le maquillage d’Alida était si extravagant qu’elle n’osait pas sortir de la maison. «Je ne m’attendais pas à ce qu’elle s’améliore, qu’elle en fasse un métier. Heureusement aujourd’hui elle vit grâce à ce métier. »
«Alida m’a fait oublier mon côté garçon manqué»
Ancienne camarade de classe et fidèle cliente d’Alida Iranzi, Blandine Kanyange est toujours agréablement surprise à chaque maquillage.
La première fois qu’Alida a maquillé Blandine Kanyange, cette dernière défendait son travail de fin d’études universitaires. «J’ai fait appel à elle après avoir vu sur sa page Facebook une fille qu’elle avait maquillé. J’avais été émerveillée».
Ce service, Blandine ne l’a pas regretté : « Elle m’a fait un maquillage assez neutre, pas exagéré, correspondant à ce que je voulais».
Depuis ce jour, à chaque fête, Blandine sollicite les services d’Ali’Dah Make up « Elle sait toujours quoi appliquer selon ta peau.»
Alida Iranzi et Blandine Kanyange ont été ensemble à l’école, cette dernière se rappelle le début de sa passion. « J’ai des sourcils naturellement épais. En 9ème, après la fin des examens, elle m’a proposé de les arranger. Le résultat était époustouflant. Je n’arrivais pas à me reconnaître».
Après cette séance, d’épilation, Blandine se souvient que toutes les jeunes filles ont fait la queue pour se faire faire les sourcils.
Conseils d’un pro
«Le maquillage professionnel peut trouver un marché même dans un pays pauvre».
Pour Pierre Claver Nduwumwami, directeur de la BBIN conseille Alida de se trouver des partenaires pour mieux asseoir son business.
La bourse d’études a été le seul capital financier pour Alida Iranzi pour commencer son business. Le directeur du Burundi Business Incubator rappelle que les débuts sont toujours difficiles surtout pour un nouveau produit ou service : « Il faut tester le marché, convaincre la clientèle et surtout la fidéliser.»
L’amour du métier, la passion, l’envie d’apprendre, les connaissances techniques et managériales acquises à l’université Lumière, l’expérience de quatre ans sont entre autres les atouts que le directeur de la BBIN identifient chez cette jeune entrepreneur.
Toutefois, il pointe des faiblesses : «Elle travaille seule, elle ne s’entoure pas d’employés compétents et n’a pas jusque là fait de plan d’affaires»
Selon M. Claver le maquillage professionnel peut constituer un marché porteur même pour un pays pauvre : «Je l’exhorte à formaliser son entreprise, quitter l’informel et se trouver des partenaires et employés capables de satisfaire sa clientèle»
Pour M. Nduwumwami Alida Iranzi doit chercher des canaux pour se faire connaître par les consommatrices potentielles de ses services. «Elle doit éventuellement diversifier en offrant d’autres produits et services de beauté corporelle.»
va de l’avant, jeune fille!