Le choc est grand pour tous ceux qui l’ont connu. C’est ce matin que la nouvelle est tombée. « Joseph Ntamahungiro est subitement décédé ». C’est dans les années 1994-1995 que je l’ai connu. Joseph Ntamahungiro, rentré d’un long exil au Rwanda, est le Directeur Général de la RTNB. Moi, je suis un jeune journaliste , c’est mon patron. Entre nous, le courant passe bien.
Nous partageons certaines valeurs : l’amour de la justice et de la vérité.
A cette époque, le Burundi traverse une grave crise politique. Bujumbura est à feu et sang, l’insécurité est permanente. Un jour, à Nyakabiga, c’est la catastrophe. Joseph Ntamahungiro tombe dans les mains d’une horde de jeunes tueurs. Il est sauvé in extremis de la lapidation par un certain « Kijigo » . Traumatisé, Joseph quitte de nouveau le pays.
Quelques années plus tard, je dois fuir aussi. On se retrouvera à Bruxelles. Alors, nous allons partager un rêve : rester journaliste, continuer le métier, malgré notre exil. Nous avons l’idée de créer un média sérieux, professionnel. C’est ainsi que le projet Iwacu va naître.
Journaliste formé en Suisse ( Fribourg) dans les années 60, Joseph a cette rigueur tout helvétique, le souci du travail bien fait, le respect de l’éthique et des règles dans les moindres détails, une ponctualité très stricte. Avec lui, petit à petit, nous allons bâtir le journal Iwacu.
Discret, travailleur, Joseph est partenaire de plusieurs projets. Ses talents d’organisateur sont très recherchés et appréciés. Il collabore avec le réseau européen pour l’Afrique centrale (EurAc), écrit pour différentes revues, anime des conférences et fait partie des conseils d’Administration ou de consultation de plusieurs organisations dont le prestigieux Musée royal de l’Afrique centrale à travers le Comité de Concertation des Associations africaines de Belgique (COMRAF). Joseph est également Président du Centre d’Echanges Belgo Burundais.
Retraité depuis quelques années, Joseph Ntamahungiro était resté actif dans le monde associatif burundais en Belgique.
Pour ma part, je garderai le souvenir d’un homme très cultivé, profondément bon, épris de justice, attachant et généreux. Un journaliste modèle avec qui nous avons lancé ce beau projet journalistique qu’est Iwacu dont il a été un guide fidèle. Mes pensées vont à Hilarie, son épouse et ses enfants foudroyés par son décès. Plusieurs associations burundaises, dont le centre d’Echanges Belgo Burundais, aujourd’hui, nous sommes tous orphelins. Merci, Joseph pour tout !
Vous avez connu et aimé Joseph, vous voulez publier un petit message de sympathie et de soutien à la famille, un témoignage… Envoyez-le moi [email protected]
Ne meurt vraiment que celui qu’on oublie…Cela ne risque vraiment pas de t’arriver cher Joseph.Ton empreinte à large spectre est ineffaçable…Tu as impressionné tant de personnes par ton parcours de vie hors du commun.Ton caractère bien droit, bien trempé et plein d’idéal, ton intelligence et ta clairvoyance m’ont impressionné au plus haut point.J’apprécie hautement notre belle amitié qui s’est construite au fil du temps autour de Rosette Mpfunyigabo et Tharcisse Nsavyimana.Nous nous sommes tous rencontrés à la Chorale Multiculturelle Chœur Joyeux dans la chapelle du Centre Œcuménique de l’UCL Woluwé. (Belgique)Tu m’as plongé dans l’histoire du Burundi ton pays bien aimé,ainsi que des pays autour des Grands Lacs, de l’Afrique entière et du monde. Tu m’as appristant de choses… Merci Joseph.Ta chère épouse Hilarie, discrète, intelligente, aimante et souriante t’a appuyé et soutenue en toute circonstances…Ne dit-on pas que derrière chaque grand homme se cache dans l’ombre une femme extraordinaire ? Ceci est un petit clin d’œil à ton sens inébranlable de l’humour…Elle prendra le relais, accompagné de tous vos amis pour veiller sur vos quatre magnifiques enfants qui commencent à prendre leur envol.Hilarie et toi, par l’éducation que vous leur avez donné, vous les avez « armés » pour la vie…Sois fier d’eux et ne sois pas inquiet…Je t’embrasse très affectueusement et salue bien tous nos amis que tu viens de rejoindre là-haut.
Brigitte Schepens
Nous, les membres de Voisins Sans Frontières, venons de connaître la mort de notre ami Joseph Ntamahungiro à travers IWACU. C’est à travers lui que nous aimerions faire parvenir à toute sa famille de Joseph notre condoléance la plus sincère, car nous l’avons connu à Bonn, à Amsterdam et aux Îles Baléares en Espagne. À Bonn, à Amsterdam, au sein du Réseau pour la Paix et les Droits de l’Homme au Burundi, en sigle RIB, tandis qu’au Îles Baléares pour garantir la dénonciation des mouvements de population dans l’Afrique Subsaharienne et de la politique de l’Europe en matière des réfugiés. Nous ne pouvons pas oublier le moment où il nous a demandé de lui chercher un espace à Île de Majorque pour se reposer. Nous l’avons fait de très bon gré, parce que nous avions tressé avec lui une amitié formidable. Nous avons découvert en lui un home sage, un home de paix et un home très préoccupé par son pays, le Burundi. Un homme qui dépassait toutes les frontières géographiques et humaines, à qui rien n’était étranger, comme bon fils que paysanne, car il était un homme universel, comme le dit Antoine Kaburahe.
Cher Joseph, tu vas rester pour toujours dans notre mémoire.
Jacques Obrador Soler
Avec beaucoup de ses amis, nous sommes choqués par la mort imprévue de Joseph. Comme cofondateur de la CCAC : Concentration Chrétienne pour l’Afrique Centrale j’ai énormément apprécié la personne et le journaliste Joseph. Une personne exceptionnelle, lucide, engagée, modeste et généreuse. C’est Joseph qui m’a appris le proverbe : « il- y-a- des choses qu’on ne peut voir qu’avec des yeux qui ont pleurés ».Il incarnait dans sa personne la souffrance de son peuple.Malgré les drames qu’il avait vécus ou dont il recevait des témoignages sans cesse, il restait aimable, calme, sincère, honnête, persévérant avec un sens spécial de l’humour.
Pour moi il a été un exemple d’une personne pratiquant la non-violence active. Un homme avec une foi profonde, malgré- et par les épreuves qu’il a dû subir, gardant toujours l’espoir, comme les exilés dans la Bible.Très aimable et agréable dans les contacts quotidiens, très concentré dans son travail pour ramasser les informations pour la rédaction des bulletins destinés à donner une base solide pour comprendre l’évolution dans la région des Grands Lacs.Joseph, tu es un homme remarquable, un exemple pour tous et toutes qui sont dévoués à la recherche de la vérité et de la justice. Maintenant ton exil a pris fin et tu as trouvé la paix et la joie profonde dont la promesse a toujours été source de ton énergie pour rester debout. Merci pour ton amour pour ta famille, tes prochains et ton peuple et reste « présent » (comme disent nos amis en Amérique Latine) pour nous encourager de marcher dans tes traces.Nos condoléances sincères à ton épouse, tes enfants et tes amis.
Merci et adieu !
Nous sommes très affectés par le décès de Joseph Ntamahungiro, survenu le 31 octobre dernier en Belgique.
Joseph Ntamahungiro a été collaborateur au sein du Réseau européen pour l’Afrique Centrale (EurAc) pendant plusieurs années. Il a été témoin de la naissance du réseau en 2003 et il a par la suite activement accompagné le travail d’analyse et de plaidoyer d’EurAc.
Il a par ailleurs occupé le poste de documentaliste au sein du réseau pendant de longues années et c’est grâce à son travail dévoué, engagé et méticuleux qu’EurAc a pu se doter pendant plusieurs années d’une revue de presse mensuelle sur l’actualité dans la région des Grands Lacs, largement suivie, intitulée le « Bulletin ».
Les équipes qui ont travaillées avec lui gardent le souvenir d’une personne disponible, dévouée et passionnée, avec un grand sens de l’humour, que caractérisait son intelligence d’esprit et de cœur.
Nos plus sincères pensées et condoléances vont à sa famille et à ses proches.
Quand je pense à Joseph, j’entends les notes de cette ritournelle, l’air entêtant du film Jules et Jim : Le tourbillon de la vie. Une chanson créée 1962, l’année de l’indépendance, Joseph avait 15 ans, l’âge des rêves les plus fous. J’entends les notes et ces quelques paroles : « On s’est connu, on s’est reconnu, on s’est perdu de vue, on s’est r’perdu de vue » dit la chanson, « chacun pour soi est reparti dans l’tourbillon d’la vie »… C’est un peu notre histoire. On s’est connu en 93 et 94, dans la tourmente burundaise, on s’est revu tout récemment, presque par hasard. J’étais en charge d’un article sur la diaspora burundaise en Belgique et Antoine Kaburahe m’a dit : « Tu dois voir Ntamahungiro ». Je l’ai appelé, on a pris rendez-vous, on a parlé comme si on s’était quittés la veille, comme si la vie ne nous avait jamais séparés. J’ai retrouvé le même homme, affable et réfléchi. Mesuré, attentif, toujours soucieux d’entendre et de faire entendre la raison, se méfiant des passions destructrices. Quand il a quitté le Burundi en 1995, la raison était devenue inaudible dans son pays.
Comme la plupart de ses compatriotes, Joseph était un traumatisé de l’histoire, en particulier du massacre de 1972, mais il ne voulait plus limiter sa conscience aux seuls crimes commis envers « les siens ». Pour lui l’injustice faite longtemps aux Hutu ne pouvait justifier celle qui frappait ou frapperait les Tutsi. Finalement, rien ne pouvait justifier que l’on tue au nom d’une appartenance, d’une étiquette ethnique. C’est surtout de cela qu’il m’a parlé lors de nos retrouvailles. Il m’a raconté qu’un petit groupe de travail, Ganwa, Tutsi, Hutu mêlés, essayait de choisir une date pour commémorer toutes les victimes de crimes politiques depuis les années 60. Rien que cela était difficile : une seule date, une date commune, permettant à tous de comprendre la souffrance de tous, de communier dans une même douleur. D’honorer tous les morts, sans distinction, sans discrimination. Je ne sais si ce choix sera fait bientôt, le CENAP(1) a déblayé le terrain m’a dit Joseph, mais quel plus bel hommage pourrait lui être rendu ?
Jean-François Bastin.
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(1) Centre d’alerte et de prévention des conflits.
En 1993, lorsque le parti Sahwanya-Frodebu remporte les élections présidentielles et législatives et prend les rênes du pouvoir sous l’égide du président Melchior Ndadaye, je suis élu député de la circonscription de Cibitoke. Mais je n’ai pas le temps de siéger au parlement, je suis aussitôt nommé ministre en charge de la Communication et porte-parole du gouvernement.
A la tête de ce département, sous le regard perplexe de certains et la désapprobation de plusieurs de mes camarades du parti, je nomme comme Directeur Général de la RTNB Louis-Marie Nindorera. Un jeune intellectuel dont je connaissais la rigueur dans le travail et la profondeur de la réflexion. Mais c’était une époque difficile pour les jeunes privilégiés de Bujumbura qui avaient évolué dans un contexte de dictature militaire et de parti unique. Grands admirateurs des révolutions du monde, férus des hauts faits du général Giap, du Commandant Guevara et des luttes menées en Afrique par Amilcar Cabral, Nelson Mandela et Samora Machel, ils peinaient à voir qu’une révolution s’opérait sous leur nez…
Je décidai de démettre Louis-Marie, mais par qui le remplacer ? Quelle perle rare en mesure de tenir tête aux journalistes en quête permanente de sabotage et de dénigrement du nouveau pouvoir en place ?
Quand je lui avouai mon incapacité à trouver la femme ou l’homme à mettre à la tête de la RTNB, Ndadaye me dit qu’il connaissait la personne idoine : Joseph Ntamahungiro. Il me dit tout le bien qu’il pensait de lui et toute l’admiration qu’il portait à sa carrière journalistique au Rwanda.
En effet, Joseph avait été longtemps le rédacteur en chef de la célèbre revue chrétienne « Dialogue » créée en mars 1967 par l’abbé Massion. Ses articles étaient d’une grande tenue stylistique et d’une rigueur intellectuelle indéniable. Je fis confiance au choix de mon chef et l’acceptai. Hélas, cette nouvelle carrière fut pour lui aussi brève que celle de notre illustre président. Pendant quelques semaines, Joseph sut faire preuve de rigueur et de discipline et inspira à plus d’un le respect, malgré le climat d’animosité qui régnait dans sa maison pour tout ce qui pouvait « sentir » de près ou de loin l’idéologie du parti Sahwanya-Frodebu.
Lors du cataclysme du 21 octobre 1993, Joseph Ntamahungiro n’eut d’autre choix que de s’exiler de nouveau. Depuis, il vivait en Belgique et continuait à écrire et surtout à mener des réflexions prospectives sur les voies et moyens de sauver le Burundi. J’ai eu le plaisir de le revoir incidemment alors que j’étais de passage en Belgique durant mon propre exil en Finlande. La rencontre fut chaleureuse et nous nous promîmes de rester en contact. Mais les aléas de la vie et les responsabilités de chacun ne nous ont pas permis d’honorer cet engagement.
Que la famille, les amis et tous ceux qui le regrettent trouvent ici l’expression de ma consolation et de ma solidarité. Je partage leur peine de perdre une personne d’une telle valeur intellectuelle et surtout d’une telle richesse humaine.
Je pense sincèrement que l’une des meilleures façons de te garder en nos cœurs ici-bas, cher Joseph, sera de continuer à porter haut le flambeau de la dignité, de l’ardeur dans le travail et d’un attachement sans faille à la valeur de fraternité humaine. Choses qui t’ont défini tout le long de ta vie.
Fraternellement,
Jean-Marie Ngendahayo.
Fait à Bujumbura, le 2 octobre 2018
Cher Joseph, je rentrais tout juste de Bujumbura mercredi à l’aube après une nuit passée dans l’avion, et je pensais que je t’aurais contacté pour que nous puissions nous rencontrer comme nous avions l’habitude de le faire ces dernières années à chaque fois que je revenais de ton pays natal et de la région des Grands Lacs.
On aurait pris un café ensemble, tu aurais peut-être pris un Kir royal, si l’heure de la journée était adéquate, et nous aurions parlé et échangé informations et analyses sur les derniers développements politiques et socio-économiques du Burundi.
Quand en 2007 j’ai commencé à travailler pour le Réseau Européen pour l’Afrique centrale (EurAc) tu m’as toute de suite aidée à naviguer dans la difficile compréhension de la complexité de la région des Grands Lacs.
Impossible de compter les heures que nous avons passées à discuter, échanger, nous poser de questions pendant les repas ou les pauses café. Je venais vers toi chaque fois que j’avais une question et, avec beaucoup de patience, tu m’expliquais pour me faire comprendre.
Combien de fois avons-nous rêvé d’un Burundi et d’une région des Grands Lacs meilleurs, où la paix et la stabilité triomphaient, où les peuples pouvaient se réjouir de vivre en sécurité et en démocratie…
Quand en 2012 nous sommes restés à deux au secrétariat d’EurAc, ton aide était précieuse, ton soutien vital. Restés à deux, nous avions beaucoup de travail mais nous n’avons pas abandonné notre habitude de discuter et d’essayer de trouver des solutions pour le Burundi surtout, mais aussi pour la région, pour l’Afrique et pour les problèmes du monde entier.
Tu me posais de questions sur le contexte politique dans mon pays, l’Italie, et nous aimions trouver les différences et les similitudes entre les deux.
Joseph, tu as toujours été un exemple d’homme intègre, honnête, dévoué à la cause d’un Burundi meilleur, cause pour laquelle tu as continué à travailler incessamment même après ta retraite quand tu as quitté EurAc.
Tu avais de toute façon tellement de casquettes, tu étais actif dans tellement d’ASBL, associations, groupes que tu n’aurais jamais pu arrêter ton travail et ton activisme. Tout le monde t’appréciait et t’admirait pour tes qualités, tes capacités de fine analyse, ta gentillesse, tes sourires, ta disponibilité et ton courage.
Je suis très triste Joseph, je le suis pour ta femme, tes enfants, ta famille en Suisse et ta famille éparpillée par tout dans le monde dont je fais partie. Je suis triste parce que cette fois je n’ai pas fait à temps de t’appeler pour te dire : « je viens de rentrer de ton pays, ça te dit de se voir pour un café, comme ça on discute ? »
Repose en Paix, Joseph, c’est vraiment un grand qui s’en va…
Il y a des choses qui sont difficiles à croire, et surtout à admettre ! Quand, à dix heures de décalage horaire, le téléphone a sonné et que la voix bouleversée de ma fille m’a annoncé que Joseph était passé vers l’autre rive, je me suis accroché à un vain espoir que je faisais un cauchemar et que j’allais me réveiller.
Puis, d’autres messages d’Antoine, Juliette, et bien d’autres amis sont arrivés pour me confirmer la funeste nouvelle.
Je me tenais hébétée devant le téléphone, complètement vide de toute pensée cohérente. Puis, d’un coup, le chagrin a déferlé en moi à la pensée que plus jamais je ne reverrai vivant cet ami devenu un frère. Et, avec le chagrin, l’émotion de tous les souvenirs, de tous les moments partagés. Et il y en a eu de ces moments ! Je pourrais écrire un livre là-dessus.
Dès l’instant où j’ai rencontré Joseph, et passé des heures à discuter des sujets chauds du moment « sans mandat ni obligation de résultat » comme il disait avec ironie, j’ai compris qu’il occupera une place spéciale dans mon cœur. « Nous nous sommes adoptés », c’était son expression. Il m’a embarqué vers des associations et des actions dans lesquelles je ne me serais jamais pensée. Joseph était un leader. Je l’accusais amicalement d’être un mobilisateur sournois parce que, l’air de rien, il m’embarquait dans des rencontres dont je sortais pourtant nourrie.
Joseph a toujours été pour moi une référence de probité et une grande source de sagesse. Je me souviens du jour où il m’avait invité au Lunch Garden d’Auderghem parce qu’il allait y rencontrer quelqu’un d’intéressant et qui pourrait m’intéresser aussi. J’ai voulu l’épater et le battre dans sa ponctualité en arrivant cinq minutes avant l’heure. Eh bien, il était là depuis dix minutes déjà. Et il m’a sorti, avec un rire en coin, qu’il était aussi ponctuel que la mort. Sacré Joseph ! Et en attendant son invité, il m’a demandé pourquoi je paraissais stressée. « Je cours à gauche à droite, je suis épuisée », ai-je répondu. Alors, il m’a répliqué tranquillement « pourquoi tiens-tu à aller plus vite que le temps ? Inutile de courir quand le temps marche et que l’heure tourne à son rythme! » Je l’ai noté dans mon agenda intérieur et je m’y réfère chaque fois que de besoins. Une autre fois, je l’ai croisée sur la Chaussée de Wavre. Je sortais de Carrefour et ployais sous les achats. Je lui ai dit qu’il y avait des promotions monstres. Il m’a regardé, chargée pire qu’un âne, et a franchement éclaté de rire. « Tu es sûre que tu as besoin de tout ce que tu viens d’acheter ? » Bof, je n’étais pas vraiment certaine. Alors, il m’a appris qu’il ne se laisse pas distraire par ce qu’il n’a pas prévu. Comme je voulais savoir comment il pouvait gérer une telle rigueur envers lui-même, il m’a répondu « Je me retrouve souvent à gérer plusieurs choses en même temps. Si je ne sais pas me tracer une ligne de conduite et m’y maintenir, je me disperse et je perds de mon efficacité » ! Cela aussi, je l’ai noté. Et j’ai noté tellement d’autres choses. Et d’autres encore.
Joseph était un puits de savoir. Fin juillet, nous avions discuté de la sauvegarde des mémoires, et je lui avais demandé pourquoi il n’écrivait pas sa biographie ou, tout au moins, compiler tout ce qu’il a déjà écrit pour le rendre accessible à la postérité. Il m’a dit qu’il y pensait et que, avec l’appui d’Antoine, il me fera peut-être bientôt une surprise. Peut-être…
Je pourrais parler de Joseph des journées entières. Je vais en arrêter là. Mais pas sans envoyer mes sincères condoléances et toute mon amitié à sa « petite famille » comme il aimait à dire. Quand il était obligé d’être absent au repas du soir, il prenait toujours soin de téléphoner pour s’excuser afin qu’on ne l’attende pas. Il ne voulait pas perturber l’harmonie familiale ! Je le taquinais d’ailleurs souvent dans ces cas sur le prénom de son épouse Hilarie. Il y a, depuis longtemps déjà, une chanson rwandaise qui a été dédiée à une certaine Hilarie et qui dit entre autres « Nakugereranyije n’urukundo, genda urahebuje ! » (« Je t’ai identifiée à l’Amour, tu es la meilleure ! ») Quand je lui demandais pour rire si c’est lui qui en est l’auteur, il répliquait que s’il n’était ni le compositeur ni le chanteur, ça n’avait pas empêché que ce soit lui qui ait la meilleure des Hilarie ! Je trouvais ça beau et, à la burundaise, meilleure déclaration d’amour, tu ne trouves pas ! Ce sont tous ces souvenirs qui me font mal et qui, en même temps, me font chaud au cœur !
Cher Joseph, égal à toi-même, tu as eu le toupet de partir sans dire au revoir ; convaincu, avec raison, que nul ne t’en tiendra rigueur. Je ne veux pas focaliser sur le grand vide que laisse ton départ. Je préfère me connecter à tout ce que tu as donné, de ton vivant. Tu étais au four et au moulin, avec calme et efficacité. Tu nous as offert le meilleur de toi-même. Tu as fait ta part. Maintenant, repose en paix, mon frère !
Ooh, quelle tristesse. Pas même eu le temps de se revoir, nous avions des agendas incompatibles , lui trop muzungu, il fallait avertir 15 jours à l’avance, moi trop africain, incapable de faire un agenda si prévoyant… Joseph, j’aimerais tant poursuivre notre discussion… De là-haut inspire-nous pour faire le mieux pour ton pays
J’accuse le coup de cette nouvelle triste et brutale : le départ définitif de mon ami, Joseph Ntamahungiro. Nous nous sommes rencontrés au centre œcuménique il y a plus de 20 ans, déjà. Tous deux, nous chantions au sein de la chorale multiculturelle qui anime les célébrations dominicales jusqu’à ce jour. Nous nous souvenons tous de ce chant qu’il nous a appris « Tambe tambe mushemez’Imana ». Je le vois encore danser sur ce rythme bien de chez nous. L’amour de notre pays, le Burundi, nous a rapprochés et nous sommes, petit à petit, devenus amis. Nous avons partagé quelques épisodes de nos vies et je lui suis reconnaissante ainsi que sa famille de nous avoir toujours chaleureusement entourés de leur affection, mon fils Thibaut et moi-même. Cela faisait un bon moment que nous ne nous étions plus vus et je me rappelle l’avoir évoqué il y a quelques jours avec Laetitia. J’avais, justement, hâte de le retrouver. La vie en a décidé autrement…Je garderai de lui sa gentillesse, sa délicatesse, sa détermination dans la patience et sa recherche incessante de la justice.
J’étais submergé par une profonde tristesse ce matin, quand Antoine Kaburahe m’a fait part du décès soudain de Joseph Ntamahungiro suite à un malaise quelques heures avant.
J’avais des difficultés à le croire, car j’avais encore vu Joseph il y a quelques semaines, visiblement en pleine forme, lors d’une conférence organisée par l’Institut Egmont et le Musée royal de l’Afrique centrale de Tervuren.
On se connaît depuis que les tempêtes des années 90 l’ont amené sur nos côtes nordiques. Nous étions engagés dans le même tissu associatif, dans un combat commun pour les droits de l’homme, la tolérance le plaidoyer pour plus de concertation et moins d’armes, la recherche de voies de sortie des multiples crises en Afrique centrale.
Quand l’Institut royal des tropiques des Pays-Bas m’invitait en 2005 d’écrire un livre sur le Burundi, Joseph et moi, nous nous sommes cachés pendant tout un après-midi pour remonter dans son enfance et évoquer les collines où il a grandi. Cette retraite m’a fourni les éléments qui m’ont permis d’écrire un chapitre sur la culture burundaise. Depuis cet exercice presque intime, on s’appelait “frère”.
De 2007 à 2012, on travaillait quotidiennement ensemble quand je dirigeais le réseau européen pour l’Afrique centrale, EurAc. Joseph était chargé de communication. Pendant 5 ans il a “déflamandisé” mon français et traduit mes écrits en anglais dans la langue de Molière. Mais le bureau partagé nous permettait surtout avec les autres collègues de réfléchir ensemble sur tous les développements dans la région. Sans protocole, sans hiérarchie.
Pendant ces années, j’ai pleinement découvert l’homme complet et spirituel, moteur de différentes ASBL, grandes et petites, dans le milieu rwando-burundais. Il incarnait notre conviction commune que l’histoire et la complexité burundaises avaient produit un environnement où il était simplement impossible de gagner un conflit par la violence.
Chaque guerre ne pouvait avoir que des perdants, et nous croyions dans le dialogue comme seule façon d’avancer et de sortir des impasses violentes. C’est un fil conducteur de l’histoire et de la culture burundaise, et chaque Burundais porte cela dans son ADN. Il est dramatique de perdre notre grand frère à un moment où ce principe est sous une telle pression. Repose en paix, mon cher Joseph. Nous avions encore besoin de toi. Tu continueras à nous inspirer tout au long de notre parcours vers la destination commune.
Je suis foudroyé par le départ de Joseph. Il était tout pour moi. Alors que j’étais réfugié au Rwanda, il s’est occupé de moi quasiment comme mon papa. Je vis au Canada depuis plusieurs années. En 2005, de passage en Belgique, j’ai été dormir chez lui non pas parce que je manquais de moyens pour prendre une chambre d’hôtel. Mais parce que voulais encore goûter à sa douceur, m’abreuver à sa sagesse. Chez lui je me sentais si bien. Sa douceur m’a marqué à vie. Homme talentueux travailleur et rigoureux, il nous laisse un bel exemple d’une vie droite. Nous sommes chanceux d’avoir été proches de lui. Que sa famille reste forte et sache que nous sommes de tout cœur avec elle.
Mon épouse et moi-même souhaitons exprimer nos condoléances les plus sincères à l’épouse et aux enfants de notre cher Joseph. Nous nous connaissons bien avec Joseph et sa famille. Nous avons souvent travaillé ensemble et nous étions sur la même longueur d’onde. Nous avons échangé beaucoup, ils sont venus chez nous à la maison, et nous sommes allés chez eux. C’était vraiment chouette. Nous avons beaucoup apprécié Joseph pour son engagement, pour sa lutte pour plus de justice.
MERCI Joseph pour ce que tu étais, et pour ton engagement pour ton pays et ton peuple. Nous gardons un très bon souvenir de toi.Nous souhaitons beaucoup de courage et de force à son épouse et ses enfants.
J’ai connu Joseph Ntamahungiro il y a plus de 40 ans à l’université de Fribourg en Suisse et notre relation amicale a traversé les océans dans tous les sens jusqu’à ce jour où il s’en va juste au début de notre retraite . Au début quand il me parlait de ses fuites du pays je ne comprenais pas jusqu’à 1994 où j’ai fui mon propre pays. C’est à ce moment que j’ai compris le sens de ce qu’il me chantait dans les années 1977 à Fribourg : » Yanyambukije Akanyaru sinzomuheba…… »
Je suis tellement triste et je pense beaucoup à son épouse , à ses enfants et à ses nombreux vrais amis, il nous faut beaucoup de courage pour vivre sans lui même avec d’excellents souvenirs.
Repose en paix cher Joseph , nous te rejoindrons sans aucun doute.
Quand j’ai reçu un message WhatsApp hier très tôt le matin que Joseph n’est plus de ce monde, je suis resté un instant abasourdi.
Je l’avais vu il y’a un mois lors de notre réunion de l’Association pour le Développement de Gitega, asbl qu’il a dirigée avec brio pendant 20 ans.
Homme sage, posé, rigoureux dans tout ce qu’il fait, Joseph était plein d’humour , d’humilité et d’humanité. L’ADG asbl vient de perdre un grand homme.
Au nom de l’ADG, je présente mes sincères condoléances à toute sa famille.
Cher » former chairman » comme on aimait se taquiner, repose en paix. Nous nous t’oublierons jamais.
Je suis complètement bouleversé par le départ inopiné de notre ami, parent et frère Joseph Ntamahungiro.
IL EST, IL FUT, IL ETAIT et IL SERA TOUJOURS UN GRAND HOMME.Moi qui l’ai côtoyé particulièrement et discrètement, il a été un Grand Homme pour les Burundaises et Burundais , pour les Rwandaises et Rwandais, pour les Congolaises et Congolais, bref pour la région des grands lacs. Il part alors que nous avions encore besoin de lui. Qu’il rejoigne la cour des grands, qu’il repose en paix.Si tu me vois cher Joseph, sache que nous n’avons pas encore fini notre dernière conversation pour laquelle tu attends encore ma copie pour me corriger!Prie pour moi car je suis sûr que tu es maintenant dans le cercle des SAINTS en ce jour de la TOUSSAINT.
Mon « ministre des affaires étrangères » de la Mémoire des victimes des tueries du Burundi m’a quitté.
Nommée il y a 6 mois comme « Ambassadrice », je me retrouve aujourd’hui esseulée et triste dans ce rôle.
Cela fait deux ans et 6 mois que j’ai croisé sur mon chemin de lutte pour la paix au Burundi un grand homme , un homme au regard amusé et bienveillant, un homme au sourire facile, un homme avec une empathie hors du commun, un amour infini, un homme acharné au travail, un homme fédérateur, un homme juste et honnête, un homme à qui beaucoup de gens aimeraient ressembler, un homme inspirant, un écrivain à la plume prolifique, un homme d’une intelligence raffinée, avec des connaissances étendues, un journaliste officiellement retraité mais qui ne s’est jamais reposé; un monument pour le Burundi.
Je l’avais souvent rencontré avant dans des conférences sur le Burundi ou la région des grands lacs. Il impressionnait par son tempérament conciliant et son calme à toute épreuve. Juste et posé, il jouait fréquemment le rôle de modérateur ou facilitateur.
Le 29 avril de chaque année, les hutus de Bruxelles commémorent la mémoire des victimes de 1972, ce qu’ils appellent « le génocide des hutus ». En avril 2017, je participais pour la première fois à cette commémoration au Piano Fabrik.
Joseph, Rose, Fabien, Antoine, Marie-Louise, Daniel, Nadine, et beaucoup d’autres y étaient présents. Je suis arrivée là comme un cheveu dans la soupe mais mon esprit fût apaisé en découvrant le regard inconditionnellement bienveillant et aimant de Joseph qui me disait : « ne t’en fais pas tu es chez toi », et moi de lui lancer un autre regard lui disant : « je ne vous quitte plus » ; un message codé que seul lui et moi avions compris.
Tellement compris que l’année suivante, le 29 avril 2018, je me suis encore invitée à cette commémoration et la plupart des personnes rencontrées l’année précédente étaient là, notamment Joseph. Arrivée en retard, j’ouvre la porte et je vois devant moi plus loin un grand sourire qui m’accueille à nouveau, c’était lui le modérateur de la rencontre.
Quelques minutes après, il m’a donné la parole car il voulait que je continue à m’exprimer dans cette assemblée, il avait envie que les choses changent, que les victimes des tueries du Burundi, quelles qu’elles soient puissent se mettre ensemble et commémorer leurs morts ensemble. Joseph le souhaitait ardemment mais il lui était difficile d’imposer son point de vue à ce groupe homogène où les débats tournent uniquement autour des victimes de cette époque et pas les autres. Le même jour, une autre commémoration des victimes de 2015-2018 avait eu lieu aussi à quelques kilomètres dans la même ville de Bruxelles.
Comme l’année d’avant, j’ai pris la parole et j’ai osé formuler une recommandation d’une commémoration unique de toutes nos victimes depuis l’indépendance, message qui passait encore très difficilement pour certaines personnes de cette assemblée. J’ai persévéré en ajoutant que si on veut faire reconnaître un génocide quelconque, il faut avoir des alliés et que ces alliés ne peuvent qu’être des Tutsis du Burundi et même d’autres communautés d’autres pays. De l’autre côté de Bruxelles où avait eu lieu l’autre commémoration, le message avait été le même et certaines personnes avaient compris et m’avaient même accompagnée à la commémoration de 1972.
En les voyant entrer dans la salle et après les avoir écoutés, Joseph avait tout compris et capté le message de sorte que à la fin de cette rencontre, il m’avait nommée « ambassadeur » pour servir de trait d’union entre ces groupes qui commémorent les leurs, paradoxalement chacun de son côté. Au début, j’ai pris cela pour une blague de Joseph qui n’en manque pas souvent ; mais lorsque je me suis levée pour partir et en lui disant au revoir, il me l’a répété et je lui ai promis que j’allais jouer ce rôle d’ambassadrice ; rôle qui était très lourd pour moi et difficile à assumer dans le contexte burundais que nous connaissons tous.
Quelques mois après, je repense à ses recommandations, je l’appelle. Première réaction de Joseph : « Amahoro Yuriyeta we ! », ce qui veut dire « la paix est avec toi Juliette ! ».
Je lui expose le but de mon appel et il est très emballé pour ce projet de rassembler quelques victimes des différentes périodes sombres du Burundi. Le contact avec d’autres est pris et nous voilà rassemblés début juillet 2018 dans une équipe de 6 personnes. Ce fût un moment de prise de contact, de témoignages de chacun de nous. Beaucoup d’émotions, des larmes de certains, des histoires connues par certains et inconnues par d’autres, j’ai appris beaucoup de choses sur les événements ayant eu lieu au Burundi. Trois heures d’échanges, beaucoup d’empathie et une envie de tous de continuer cette noble lutte. Joseph était l’ainé de ce groupe et comme à l’accoutumée, l’ainé a toujours le dernier mot. Il nous encouragea de continuer et d’élargir le cercle plus tard. Dans l’urgence, il trouva que j’étais minoritaire dans le groupe et me demanda de chercher une autre femme.
Nous nous fixons un autre rendez-vous début octobre. Ponctuel et rigoureux, Joseph me disait qu’il avait horreur des retardataires. A cette deuxième rencontre, proactif qu’il était, Il avait préparé la note de travail, les questions à résoudre et il nous a brossé dans un bref exposé la manière dont il comprenait les choses et envisageait l’avenir de notre groupe. Tout le monde s’est très bien retrouvé dans son exposé ; il avait les mots justes et les arguments convaincants. Sans chercher à se mettre en avant, il jouait le rôle d’un bon ainé qui donne le meilleur de lui.
Je trouvais que tout ce qu’il nous disait était très inspirant pour nous, adultes et pouvait encore inspirer les jeunes. Proposition était alors faite pour qu’au sein de notre groupe il y ait davantage de jeunes pour apprendre de nous car, pour certains, nous sommes à l’âge où nous pouvons disparaître d’un moment à l’autre sans avoir eu le temps de léguer nos mémoires à la jeunesse. Était-ce une analyse et une vision prémonitoire ? En tout cas, Joseph, cet homme intelligent, intègre et altruiste nous quitte très tôt. Nous aurions souhaité qu’il continue à nous apprendre encore et encore beaucoup de choses.
Mais comme on dit : « L’homme propose et Dieu dispose » !
Au revoir Joseph, je ne t’oublierai jamais !
Ta compagne de lutte : Juliette Nijimbere
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