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Opinion| THE BATTLE OVER THE FREE MARKET – LA THEORIE

07/10/2021 1
Opinion| THE BATTLE OVER THE FREE MARKET – LA THEORIE

Compte rendu de lecture du livre de Nicolas Wapschott :Samuelson-Friedman,
W.W. Norton& Company, 2021.

Cette biographie de près de 300 pages consacrées à deux géants de la science économique,- Paul Samuelson et Milton Friedman-, est vivement recommandée à tout économiste ou non qui s’intéresse de près ou de loin à la macroéconomie et à l’application de ses principes dans la formulation de politique économique. Ce sont deux monstres sacrés du monde anglophone notamment dans sa composante américaine et britannique. Ceux qui, comme moi, ont enseigné cette discipline à des générations d’étudiants y retrouveront la source de leur inspiration du moment. Peu de consultants ont pu échapper à leur emprise: pendant plus de 30 ans, ils ont mené des joutes intellectuelles dans l’hebdomadaire « Newsweek » et enflammé des débats nourris au cours des séminaires des doctorants sur les campus universitaires du monde.

Nicolas Wapschott, dans son livre sur le « Combat pour le Marché » réussit magistralement à restituer de manière fidèle parfois même assez répétitive le parcours de ces deux personnalités qui ont à peu près le même âge, mais aux origines sociales assez contrastées. Le chroniqueur économique du New York Times, Paul Krugman, également Prix Nobel de science économique, en a fait un compte rendu élogieux et même dithyrambique, fait rare dans notre profession. Le livre est subdivisé en 17 chapitres que j’essaierai de résumer dans une synthèse difficile à réaliser, tant les idées qui y sont développées sont d’une grande densité.

A l’origine de cette biographie, il y a la volonté d’une riche héritière d’Astor Foundation, propriétaire de « Newsweek » de créer un concurrent à « Time » magazine aux idées conservatrices, porte-parole de l’Establishment républicain. En 1966, le nouveau rédacteur en chef est à la recherche d’un économiste de renom, proche des démocrates. Il contacte Kenneth Galbraith, ancien conseiller des présidents américains, de Roosevelt à Kennedy, qui décline la proposition. Il se tourne vers Paul Samuelson, alors jeune professeur au MIT et auteur déjà célèbre d’un ouvrage intitulé « Economics ». Il fut brièvement conseiller économique de Kennedy durant la campagne électorale de 1960 et introduisit les idées keynésiennes en vogue au futur président. Avec Milton Friedman de l’université de Chicago, ils allaient former ensemble un duel intellectuel qui allaient durer plusieurs décennies, grâce notamment à leur civilité et générosité, bien qu’éloignés idéologiquement l’un de l’autre.

Les chapitres 2&3 nous introduisent d’abord aux origines familiales d’abord de Samuelson. Né dans le Midwest en 1915 dans l’Indiana, il grandit pendant la période de La Grande Dépression qui le marquera toute sa vie. Etudiant précoce doué pour les mathématiques, il gravit rapidement les échelons académiques à Chicago et Harvard. Il enseigne dès 1940 au MIT où il commence à rédiger son opus le plus connu « Economics:An Introductory Analysis » qui deviendra rapidement un best-seller et lui donnera l’aisance financière. Cependant à l’ère du Maccarthysme et de la chasse aux communistes, ce livre sera en porte-à-faux à l’atmosphère politique du moment. Mais les idées keynésiennes qu’il prône finiront par s’imposer au fil des ans.

Milton Friedman voit le jour en 1915 à Brooklyn, de parents juifs immigrés d’Europe centrale comme Samuelson. Egalement doué pour les mathématiques, il est admis à Chicago où il rencontrera son futur rival Paul. Il écrit dès 1937 un papier très remarqué sur « La Théorie de la Consommation » dans lequel il s’oppose déjà à celle formulée par Keynes, et un autre très controversé sur les barrières à l’entrée par AMA-American Medical Association-, qui le propulsera sur la scène académique comme un débatteur de talent dans les prétoires universitaires. Il va s’installer durablement à Chicago où il créera l’Ecole de Chicago opposée à l’orthodoxie keynésienne qui avait dominé jusque-là les départements d’économie d’Amérique du Nord. Il y écrira d’autres publications bien connues comme « The Monetary History of the United States 1862-1960 », oeuvre majeure qui va assoir sa réputation.

Le chapitre 4 « Counter Keynes »est l’occasion pour Friedman d’accomplir enfin sa mission : débarrasser l’économie des idées de Keynes. Pour lui, rien de valable ne peut être entrepris par le gouvernement américain qu’il tient responsable de la propagation de la Grande Dépression. Le chapitre 5 intitulé » Dueling Columnists » analyse en profondeur les détails de ce duel intellectuel qui passionne le public américain. Samuelson, un style élégant et une philosophie qui s’appuie sur une vaste érudition, s’oppose au langage volontiers populaire de Friedman qui s’adresse au citoyen lambda. Robert Solow disait de lui que c’était un idéologue, un prophète. Mais pour capter l’esprit du public, il est cependant important pour les deux économistes d’écrire dans un style simple et direct, car aucune théorie ne peut être comprise et acceptée si elle est compliquée et difficile.

Le chapitre « To intervene or not to intervene » est consacré à la base de la dispute entre Samuelson et Friedman sur la pertinence de l’intervention de l’Etat dans l’économie. « Nous sommes tous keynésiens » déclare Friedman qui n’hésite pas à citer Keynes comme le plus grand économiste du XXe siècle. Même s’il remet en cause un certain nombre de postulats et continue à défendre le système de la libre entreprise comme le mieux indiqué pour éliminer la pauvreté et le niveau de vie des masses. Ce à quoi Samuelson s’empresse de marquer son accord sur cette assertion avec son rival, en montrant cependant que le marché a failli à sauver le pays de La Dépression. Cette affirmation sera ultérieurement confirmée par Robert MacNamara, alors président de la Banque Mondiale, partant du constat que le marché seul ne peut pas combattre les inégalités et l’extrême pauvreté dans les pays pauvres.

La lutte contre l’inflation,- ses causes et ses remèdes-, deviendra le thème central de leur lutte idéologique au sein de la profession. Le chapitre 7 sur le rôle de la monnaie va focaliser Friedman sur son objectif de démolir l’édifice de la théorie keynésienne sur l’interprétation de l’inflation qu’il considère comme une sorte de fiscalité. Pour Friedman, la Grande Dépression pourrait être intitulée « La Grande Contraction » pour refléter ses origines dans l’offre de monnaie. En mettant en place une politique déflationniste, la quantité de monnaie dans l’économie allait être amputée d’un tiers au cours de la Grande Dépression. Pour Friedman, »La courbe de Phillips », autre rempart idéologique keynésien n’a pas tenu en considération les différences entre salaires nominaux et salaires réels dans la formulation de la théorie.

Ce cheval de bataille allait être pris d’assaut par Friedman qui réfute ses implications de politique économique : qu’il existerait un choix exclusif entre le niveau de prix élevés -l’inflation- et le niveau de chômage. Pour lui, cette théorie-, pourtant validée par la majorité des économistes célèbres et reconnus-, n’est valable qu’à court terme, mais risque de créer l’inflation à long terme du fait des attentes inflationnistes. Il maintient que l’inflation est toujours un phénomène monétaire dans le sens où il est ou peut être produit par une augmentation de la quantité de monnaie plus élevée que celle de la production (p.113).

POLITIQUE ECONOMIQUE

Hayek avait pourtant averti Friedman de se tenir à l’écart de la classe politique, mais en vain. Après sa célèbre conférence organisée en 1958 par American Economic Association-AEA, ses idées commencent à prendre de l’envol, et il est à l’affût d’un président, Premier ministre, ou dictateur pour tester sa théorie monétariste. Ce fut, lors de la campagne électorale avec Barry Goldwater en 1964 qui était la recherche d’un mentor économiste. Après sa cuisante défaite contre Johnson, il se tournera rapidement vers Nixon comme conseiller lors de sa campagne en 1968. Mais Friedman se rendit rapidement compte que Nixon était plus préoccupé par le chômage que par l’inflation. Mais certaines de ses recommandations seront ultérieurement appliquées comme la décision de Nixon, en août 1971, de laisser flotter le dollar sur le marché, mettant ainsi fin aux Accords de Bretton Woods et du système d’étalon-or. Mais Friedman était surtout dépité que ses conseils ne fussent pas suivis, convaincu qu’il était, que le contrôle des prix et des salaires mis en place par Nixon allait provoquer l’inflation, faisant de lui, « le plus socialiste des présidents américains du XXe siècle. ».

Friedman allait cependant trouver en Pinochet un président qui allait expérimenter avec les Chicago Boys ses théories monétaristes. Tout conseiller du Prince rêve un jour de jouer le rôle d’Aristote auprès d’Alexandre le Grand, en mettant en place des idées conçues. Ses efforts ne sont cependant pas couronnés de succès au Chili. Mais sous la présidence de Carter minée par une forte inflation, Friedman essaiera d’influencer Paul Volker, proche de ses idées et Président de la FED. Mais ce dernier n’est pas convaincu que l’inflation soit toujours un phénomène monétaire, mais que d’autres facteurs entrent en jeu. Friedman en brillant dialecticien est pourtant convaincu que l’inflation est causée par une augmentation excessive de la monnaie et va même plus loin dans son argumentation en proposant purement et simplement l’abolition de la FED qui serait remplacée par des ordinateurs.
Margaret Thatcher va enfin donner à Friedman une nouvelle chance d’appliquer ses idées. La fille de l’épicière, « The Grocer’s daughter » dont la devise est,- » l’épargne est une vertu et la dépense un vice » lui voue une dévotion intellectuelle sans bornes et les deux personnages sont en phase. Mais la politique économique de Thatcher au cours des années 80 aboutit rapidement à un chômage et une chute de la production massifs qu’elle a dû être abandonnée après l’échec de cette douloureuse expérience. Crise qui a provoqué le renversement de la Première ministre et de sa sortie de l’histoire par les conservateurs de son parti.

L’attaque terroriste du 11 septembre 2001 avait pour objectif de déstabiliser les économies occidentales, mais le président de la FED organisa une défense pour sauver le capitalisme en mettant en place très rapidement une politique des taux d’intérêt bas pendant la décennie. Cette politique sera une des causes de la crise financière de 2007/2008: elle allait servir de test à la validité des thèses opposées de Samuelson et de Friedman. La crise financière de 2008 est le résultat d’une politique du crédit bon marché mise en place après le 11 septembre 2011 par Alan Greenspan et d’une faible régulation du système financier, ces deux facteurs conduisant à la création de nouveaux produits financiers complexes à très haut risque.

La fragilisation des géants du système hypothécaire,- Fannie Mae et Freddie Mac-, la faillite de Lehman Brothers et du groupe d’assurance AIG ont poussé la FED à intervenir pour sauver l’économie américaine, en l’absence d’une solution plausible du marché à rétablir la situation. Le gouvernement ne pouvait pas rester indifférent à cette situation : la politique d’achats massifs d’obligations d’Etat et d’injection par la FED de vastes quantités de liquidités (QE-Quantitative Easing-) n’a pas abouti à une hausse de l’inflation durant cette période. L’approche néo-classique de Samuelson s’avérera la plus appropriée : dans de bonnes conditions normales, les principes du marché fonctionnent de manière satisfaisante tandis qu’en période de récession, la politique keynésienne de relance économique est la plus efficace.

En conclusion, la question suivante se pose : quel héritage chacun des deux économistes laissera-t-il à la postérité? Friedman aura laissé sa marque plus dans le domaine politique comme activiste qu’en économie où il est reconnu en tant qu’habile théoricien et statisticien hors pair. L’influence de Samuelson sera reconnue dans la profession des économistes plus comme un génie touche à tout que pour son emprise sur la société. Mon souhait est qu’il y aura bientôt une traduction du livre en français pour le public francophone.

Prime Nyamoya

Fait à Gatineau, le 20.09.2021
Prime Nyamoya, consultant

Forum des lecteurs d'Iwacu

1 réaction
  1. Gacece

    Juste une petite observation : il y a beaucoup de « mais… » dans ce texte… et c’est très déroutant si on veut suivre le fil de votre raisonnement.

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