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Opinion – Soulager la peine de la paysanne burundaise par les ânes est une insulte suprême*

13/06/2018 Commentaires fermés sur Opinion – Soulager la peine de la paysanne burundaise par les ânes est une insulte suprême*
Opinion – Soulager la peine de la paysanne burundaise par les ânes est une insulte suprême*

Par Chrysostome (Chris) Harahagazwe

L’ambassadeur de France à Bujumbura n’a eu que ce qu’il mérite dans cette histoire rocambolesque de baudets et autres équidés. Comment a-t-il un instant pensé à financer l’affront d’importer des ânes pour soulager la peine incommensurable de la paysanne burundaise ?

Comment peut-on penser donner un animal de travail à la paysanne burundaise alors qu’elle est déjà elle-même une bête de somme taillable et corvéable à merci. Comme toute femme, sa pénible condition relève de Dieu.

En effet, en plus de la pénibilité de l’existence, la femme est condamnée par sanction divine à souffrir les affres de l’enfantement et la malédiction des règles qui constituent pour certaines un véritable martyr mensuel que les médecins ignorent, car eux-mêmes formés dans l’acceptation de la malédiction divine. Qui se soucie au Burundi de la terrible endométriose qui afflige de nombreuses femmes et que peu de praticiens connaissent ou ne peuvent prendre en charge.

Le mâle burundais a ajouté à ces sanctions divines qui datent d’Adam et d’Eve : le labour à la houe (un outil préhistorique) ; la recherche et le transport du bois de chauffe ; la corvée quotidienne de l’eau à puiser dans les vallées pour remonter péniblement ensuite au sommet des mille et une colline ; la cuisine, les soins des enfants, les soins de santé, etc.

Comment oublier ces images surréalistes de femmes ayant trimé dans les champs toute la journée, pour rentrer le soir avec la houe sur l’épaule, un fardeau de bois sur la tête, une calebasse d’eau d’une main, la corde tirant les chèvres de l’autre, un bébé sur le dos, un autre dans le ventre et un moutard trottinant à petits pas derrière la maman burundaise condamnée à être les multitâches.

Pendant que la paysanne burundaise est épuisée de travaux champêtres et ménagers en plus d’être affligée de maternités interminables, le mâle se prélasse à longueur de journée dans les bistrots du village passant d’une partie de cartes, de damier ou de « kibuguzo » à l’autre. Il rentrera pour le dîner du soir préparé par l’esclave familiale morte de fatigue. Il lui fera en prime peut-être un nième enfant. Comme quoi les mâles burundais servent à quelque chose. Il faut quand même saluer l’intelligence du mâle burundais. Comment a-t-il pu passer subrepticement à la paysanne burundaise la sanction divine de pénible labeur ? Où est donc passée la fameuse condamnation : « Tu gagneras ta vie à la sueur de ton front ? » Le coup a été absolument génial. Comment a-t-il pu passer le fardeau à la femme ?

La femme burundaise a, elle, de la chance lorsqu’on la compare à ses sœurs africaines dans de nombreux pays. En plus des sanctions divines susmentionnées, le mâle africain a ajouté les mutilations génitales féminines que subissent les pauvres petites filles dans des souffrances atroces. C’est le seul malheur que la femme burundaise ne connaît pas. Au Burundi et dans les Grands Lacs on coupe les têtes des femmes, mais pas les organes génitaux. C’est déjà cela de gagné.

Refuser l’aide des ânes à la paysanne burundaise c’est comme refuser le moulin électrique pour la soulager de la corvée de moudre les grains sur un outil traditionnel qui date de l’âge de la pierre polie. Le président Sarkozy dans son fameux discours de Dakar a choqué l’Afrique en affirmant que « l’Africain n’est pas encore entré dans l’histoire », l’incident des équidés de l’ambassadeur de France à Bujumbura prouve que Sarkozy n’avait pas totalement tort. Nous sommes mentalement encore à l’âge préhistorique qui s’étend du paléolithique au néolithique.

Cette histoire de bourriques est triste à pleurer, mais « pour vivre au Burundi il y a des parties du cœur qu’il faut entièrement paralyser. » Elle me rappelle un proverbe arabe : « Ce que ton âne ne peut pas porter, charge-le sur ta femme ». Tel est le triste sort de la paysanne burundais : une bête de somme taillable et corvéable à merci.

Chrysostome (Chris) Harahagazwe
Traducteur Freelance Anglais-Français
Membre fondateur de la Ligue Iteka
Auteur de nombreux articles sur la vie politique et sociale du Burundi

* Les articles de la rubrique « opinion » n’engagent pas la rédaction

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