Par Antoine Kaburahe, journaliste, écrivain, Fondateur du Groupe de Presse Iwacu
En 11 ans d’activité, dans un contexte souvent difficile, Iwacu a souvent encaissé des coups, parfois très rudes, comme l’enlèvement de notre confrère Jean Bigirimana. Iwacu s’est toujours relevé.
L’arrestation et l’incarcération de nos quatre collègues et de leur chauffeur porte un autre coup pour la rédaction d’Iwacu. Mais encore une fois, nous restons debout.
Pourquoi ? Tout simplement parce que nous aimons notre métier, que nous savons qu’il est important d’informer et que nous sommes convaincus que notre travail participe à la construction du Burundi. Nous prenons au sérieux le droit qu’ont les citoyens burundais à l’information et, pour cela, nous ne pouvons pas fléchir.
Nous allons donc continuer à travailler, comme nous l’avons fait depuis 2008. Car, non seulement les Burundais ont le droit d’accéder à l’information, mais celle que nous leur apportons est collectée, vérifiée, recoupée, mise en forme et diffusée dans le respect de la loi et de la déontologie.
Qu’ont fait Agnès, Christine, Egide, Térence et le chauffeur Adolphe, si ce n’est leur métier, au service du public ? Ils ont quitté Bujumbura le mardi 22 octobre à 12 h 15, pour se rendre à Bubanza, car des attaques avaient été signalées à l’aube dans la province. Ils ont fait ce que font tous les journalistes professionnels : se rendre sur les lieux de l’événement, pour constater de leurs propres yeux, écouter, recouper, confronter. Au service de leur public, dans l’intérêt de ce public.
Mais ils n’ont même pas eu le temps de commencer leur travail. Ils ont été arrêtés dès leur arrivée, les autorités évoquant un souhait de « les protéger ». Placés dans des cachots dans des conditions pénibles et dégradantes, sans aucune justification, privés de leurs téléphones, sommés d’en donner les codes d’accès, ils sont, 5 jours plus tard, inculpés par le Procureur pour « atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat » et incarcérés à Bubanza.
L’accusation est très grave, mais elle est très vague et, surtout, complètement infondée. Nos collègues sont innocents et la justice burundaise ne pourra qu’en dresser le constat.
Malgré les circonstances, Iwacu reste serein. A ceux qui s’interrogent sur notre position, nous répondons, de façon invariable : nous allons continuer le travail. Pour nous-mêmes, pour nos collègues emprisonnés, pour le peuple burundais. Nous poursuivrons, jusqu’au jour où nous ne serons plus en mesure de le faire. La disparition d’Iwacu serait une grave perte pour l’espace démocratique burundais en construction, une régression terrible d’une liberté d’expression déjà mise à mal depuis quelques années.
Fidèle à sa devise, Iwacu veut incarner « les voix du Burundi » ; toutes les voix, au-delà des appartenances sociales, politiques ou idéologiques de chacun. Et même les voix critiques auront toujours droit de cité chez nous, car il nous importe de faire dialoguer les voix entre elles.
Nous restons convaincus qu’une presse libre est un élément essentiel de la démocratie. Plus que jamais, le Burundi et les Burundais ont besoin d’Iwacu.
Voilà pourquoi nous restons plus que jamais debout !