Vendredi 22 novembre 2024

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Opinion – LA RHETORIQUE D’ « UBUVYEYI » OU D’ « UBUSUKU » ?*

12/06/2021 8
Opinion – LA RHETORIQUE D’ « UBUVYEYI » OU D’ « UBUSUKU » ?*

Par Francis Rohero

Dans la langue rundi, notre langue, Umuvyeyi veut dire parent, et Umusuku veut dire serviteur. On ne choisit pas son parent, mais son serviteur si.

Quand les enfants grandissent, ils constatent que leurs parents sont pauvres ou riches, sans handicap ou avec, courageux ou paresseux, sobres ou vantards, polis ou moins polis, enclins à la justice ou pas, accueillant ou pas, …

Ils ne peuvent pas changer cette situation, quand elle est positive, ils en sont fiers, quand elle est négative, ils l’assument et font en sorte de l’amener vers le meilleur. « Ntawanka kwonka nyina ngo agwaye amahere. »

Dans le même sens, quand les enfants et toute la famille constatent que le serviteur est correct, ils le priment, l’encouragent, mais quand il est moins correct pour ne pas dire médiocre, ils le corrigent et quand rien ne va, ils le mettent à la porte.

Psychologiquement, le mot Umuvyeyi est trop lourd, c’est pour cela que les adultes du voisinage l’empruntent pour faire asseoir leur responsabilité aux jeunes. Du moment où « Umwana ataba uwumwe » alors « Umuvyeyi aba uwa bose ». Une façon d’inamovibilité de celui qui devient Umuvyeyi, même s’ il ne le méritait pas. Tant que Ubuvyeyi s’impose, alors Ubwana s’installe et probablement pas pour peu de temps.

Par contre Umusuku reste fragile, il sait très bien que s’il ne satisfait pas, il sera renvoyé. J’adore quand Jésus dit à ses disciples :

« … il n’en sera pas de même parmi vous. Mais quiconque veut être grand parmi vous, qu’il soit votre serviteur ; et quiconque veut être le premier parmi vous, qu’il soit votre esclave. » (Mat 20,26-27).

Ici le serviteur se donne un challenge, s’il n’arrive pas à bien servir, il sait très bien qu’il ne sera pas grand, il ne peut pas être premier parmi les autres. Il se doit d’énormes sacrifices pour mériter d’être grand. Il sait qu’il doit être jugé même pour une petite chose. Le service lui crée le chemin vers la grandeur.

Ainsi ma rhétorique se pose, voulons-nous être Abavyeyi ou Abasuku ailleurs que dans nos familles nucléaires ? La question me vient très souvent, une Nation, a-t-elle besoin d’un gouvernement « Mvyeyi » ou « Nsuku » ? Juste une conscience.

La lourdeur de ces mots est parlante. A force de croire que quelqu’un est umuvyeyi, on finit par l’idéaliser et se comporter en enfant devant lui. La gravité est que lui non plus ne saura pas qu’il a devoir à quoi que ce soit, mais que le fait est là, il est parent qu’on le veuille ou pas. Il revient même aux enfants de grandir et de l’entretenir, tout en s’abstenant de le critiquer ou le corriger, « Urukwavu rurakura rukonka abana ».

Or politiquement, un élu est redevable. Pour mériter son respect, il doit s’acquitter de ses devoirs, entre autres l’accomplissement de son programme. D’où le concept d’Ubusuku serait adéquat pour ne pas dire meilleur.

Certes nous avons hérité ce concept de l’époque royale, le Roi étant inamovible, peu importe ses résultats dans la gouvernance. Il appartenait au peuple d’espérer sa clémence et jamais de croire qu’il la mérite. Par les temps qui sont les nôtres, les dirigeants sont tenus de mériter leur grandeur en satisfaisant leurs élus.

Tel est ma contribution pour une cohésion sociale rentable.

Francis Rohero, Iteka ryanyu.

*Les articles de la rubrique « opinion » n’engagent pas la rédaction

Forum des lecteurs d'Iwacu

8 réactions
  1. Bavuga

    Le gouvernement de notre pays se targue d’être un  »Leta mvyeyi ». Francis Rohero souhaiterait qu’il soit plutôt qualifié de  »Leta nsuku ». Je comprends l’idée qu’il y a derrière ces concepts mais je voudrais me mettre à la place d’un paysan murundi établi sur sa colline. Que comprend-il de ce concept de Leta mvyeyi? De quels avantages sociaux bénéficie-t-il de l’Etat Burundais en cas de situation difficile (pauvreté, mauvaise récolte, maladie, vieillesse, etc.)? Personnellement, je n’en connais aucun du moins pour la population de ma colline natale. Je sais que notre pays est pauvre et qu’i n’a pas suffisamment de ressources finanières pour assurer la sécurité et l’aide sociales à tous ses citoyens.

    Quid de  »Leta nsuku »? Ce concept qu’introduit l’auteur de l’article est bien connu des citoyens des pays où la démocratie est bien avancée. Par contre, dans notre pays où la démocratie est encore balbutiante, il est méconnu du grand public, en particulier de la population rurale. Vous avez dit que les dirigeants doivent rendre compte au peuple de la mise en oeuvre de leurs programmes? Encore faut-il que ces programmes existent et que la redevevabilité se fasse tout au long de l’exécution d’un mandat. Le concept est très bon. Il est à espérer qu’il s’implantera progressivement avec l’évolution de la démocratie dans notre pays dans les décennies ou siècles à venir.

  2. Claude Nduwayo

    Je ne suis pas capable de comprendre mais j’estime que l’État doit être les 2 à la fois. Umuvyeyi est celui qui fait en sorte que ses enfants vivent correctement, c’est alors à l’état de faire le maximum pour que tous les burundais, soient en bonne santé, aient la possibilité d’évolution, fassent les études, ensuite uwufise un serviteur abafise uburyo, donc je ne pense pas que les burundais travaillent pour servir la nation mais pour survivre. Mais c’est le fait que abavyeyi dufise batagur’inka kuber’amase, canke ko biyumvira gutabira, pour les récoltes qui nourrissent tout le monde ariko ngo bayikerere pour nourrir une poignée des personnes.

  3. Jambo

    Pourquoi tourner en rond et ne pas poser la question brutalement?
    In Africa, are the leaders really accountables vis à vis du peuple?
    (Je sais quue je simplifie). La réponse est non.
    Nous sommes devenus l’un des pays les plus pauvres et les plus corrompus. Abo bavyeyi bari hehe?
    Depuis 15 ans, hatwara presque la même équipe

  4. Kagayo

    Une analyse plutôt décousue, qui manque de profondeur et politiquement motivée. On aurait aimé que l’auteur reste sur la trajectoire d’une analyse objective des concepts: il n’y a pas d’antinomie entre « parent » et « serviteur » dans le contexte sous analyse.

  5. Gacece

    J’ai cette impression bizarre que l’auteur confond les individus qui font partie du gouvernement et l’État lui-même.

    Dans notre situation, le membre du gouvernement ne devrait pas être celui qui est « umuvyeyi » puisque lui-même peut également et légitimement se considérer comme un enfant comme tous du « Leta Mvyeyi ». Par extrapolation, tout employé de l’État devrait être considérée comme une extension de l’entité qu’est « Leta Mvyeyi ». Ce qui veut dire que cette personne sert à la fois elle-même et l’État en rendant un bon service aux citoyens.

    Connaissez-vous un autre mot qui a quasiment la même signification (pour ne pas dire la même connotation!) que le mot « umusuku »?… « umuhutu »! – Je n’en dirai pas plus!…

    À part ses enfants, il n’y a aucun Burundais qui prend un membre du gouvernement comme son parent, mais tous les Burundais peuvent attendre de l’État la même responsabilité à laquelle ont droit les enfants de leurs parents… même si cela n’est pas souvent le cas ni pour les parents ni pour l’État.

    Je classe alors ce texte d’opinion dans la même catégorie que celle des précédents : prendre un élément anodin de l’actualité et s’en servir comme prétexte pour élaborer des théories sans queue ni tête (ou sans tête ni queue) dans le but de malignement s’en prendre au gouvernement ou aux individus qui le composent.

  6. Novat Nintunze

    Ntawanka kwonka nyina ngo agwaye .. ibihere(et non amabere).

  7. Stan Siyomana

    Si le Burundi se dote d’un « RETA MVYEYI » et « on finit par l’idéaliser et se comporter en enfant devant lui… » alors le citoyen burundais lambda pourrait bientôt mettre son Burundi sur la liste des pays dont les gouvernements ont la confiance du peuple (avec la Suisse venant en tête de liste en 2016).
    Ce qui en soi est une bonne chose.
    https://fr.weforum.org/agenda/2017/11/une-question-de-confiance-les-pays-dont-les-gouvernements-sont-les-plus-fiables/

  8. Stan Siyomana

    1. Vous écrivez: » A force de croire que quelqu’un est umuvyeyi, on finit par l’idéaliser et se comporter en enfant devant lui… »
    2. Mon commentaire
    Moi je ne vois aucun problème par exemple dans le tout nouveau slogan de « RETA MVYEYI » tant que le mot « umuvyeyi » sous-entend aussi une certaine responsabilité.

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