Par Fabrice Iranzi
Bujumbura accueille ce samedi une réunion de haut niveau pour discuter de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République Démocratique du Congo (RDC), dont plusieurs pays de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) sont signataires. La crise qui frappe l’Est de la RDC a pris un tournant tragique depuis la démission fracassante du chef de la force régionale en RDC, à la suite d’intimidations et du sabotage systématique de ses efforts.
Le départ surprise du Général Jeff Nyagah met en lumière l’antagonisme grandissant entre les autorités de Kinshasa et les autres leaders de la région, dont le président Évariste Ndayishimiye. Les premiers critiquent la force régionale depuis son arrivée, tandis que les seconds continuent d’afficher leur soutien indéfectible. Quel sera l’avenir de cette force régionale ?
Une mission salvatrice
Depuis l’arrivée de la force régionale en RDC en fin 2022, la province du Nord-Kivu, déstabilisée par 268 groupes armés, connaît désormais une période de stabilité jamais vue depuis le début de la crise. La force, dont le contingent du Burundi est une pierre angulaire vient récemment de voir son mandat expirer. La question fatidique du renouvellement du mandat se pose donc.
Kinshasa a critiqué ses résultats à de nombreuses reprises alors que la Communauté d’Afrique de l’Est est fière du travail abattu par la force régionale. Kinshasa accuse la force régionale de ne pas exécuter son mandat qu’elle juge à caractère offensif. Les dirigeants des pays d’Afrique de l’Est se sont exprimés publiquement pour tenter de clarifier la question, en vain. La Présidente tanzanienne Samia Suhulu Hassan a récemment rappelé le caractère non-offensif de ses troupes. De son côté, le Président ougandais Yoweri Museveni, a tenu à rappeler que la nature de la mission et du contingent de son pays n’était pas de faire la besogne de la RDC, mais plutôt faire respecter les accords convenus au niveau régional. Quant au Kenya, il a rappelé, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, la nature restreinte du mandat de la Force, actuellement dirigée par son compatriote le Général Major Alphaxard Kiugu. Le Rwanda demeure, quant à lui, aligné avec ses partenaires régionaux.
Les objectifs de la mission sont, eux aussi, au cœur d’amères disputes entre Kinshasa et ses partenaires régionaux. Les autorités congolaises veulent cantonner les forces du M23 dans ses retranchements de novembre 2021, avant sa conquête des territoires dans le courant de l’année 2022. En même temps, Kinshasa refuse de s’asseoir à la table des négociations avec le M23, chose qu’elle fait pourtant avec de nombreux autres groupes. La RDC affirme qu’avec le M23, seule la démobilisation est envisageable. Cependant, les feuilles de route de Luanda et Nairobi indiquent que le dialogue politique doit accompagner le processus de retrait. Face à ce scénario, un retrait progressif et volontaire du M23, dans lequel les soldats de la force régionale continuent de jouer un rôle crucial d’arbitrage, paraît être une option durable mais irréalisable. Malgré tout, les rebelles du M23 continuent de se retirer des localités stratégiques de Bunagana, Kilorirwe et Kitchanga.
A l’écoute à la fois des rebelles, de l’armée et des populations, les militaires de la force régionale font office de force sûre et fiable, dans une zone où les exactions sont commises aussi par les forces de l’ordre.
Le rôle central du Burundi dans les processus de paix
Depuis la prise de fonction en juillet dernier de S.E. le Général Evariste Ndayishimiye à la Présidence de l’EAC, la dynamique sécuritaire de la région a pris un tournant décisif. A la manœuvre sur plusieurs dossiers diplomatiques, y compris l’ouverture du Burundi vers l’extérieur et à l’investissement, la question de la RDC reste centrale dans l’agenda du chef de l’Etat. Le Conclave de Bujumbura de février dernier est la preuve que cette question est prise très au sérieux. De concert avec ses confrères de la région, il a jeté les jalons d’une paix durable à l’Est.
La réunion du mécanisme régional de contrôle, chargé de l’implémentation de l’Accord-cadre de paix, sécurité et coopération pour la RDC consolide Bujumbura dans son nouveau rôle pivot au sein des efforts de paix. En effet, à l’issue de cette rencontre de haut niveau, le Président burundais, Evariste Ndayishimiye, assurera la présidence de ce Mécanisme pour une période d’un an. Interrogé par Jeune Afrique en décembre dernier, il avait déclaré que la paix en RDC est un enjeu régional. Il se présente auprès de ses pairs et du monde entier comme un acteur mature ayant la soif d’une paix durable.
Quel avenir pour la mission?
Ceux qui sont férus de politique auront sans doute anticipé ce développement. En effet, la lettre de démission du Général Major Jeff Nyagah, a fuité sur les réseaux sociaux le 28 avril 2023, avant d’être démentie par le bureau du Secrétaire Général de l’EAC plus de 24h après sa publication. La cause de cette débâcle aux relents d’amateurisme ? Le refus du Général de céder au pression et au sabotage de Kinshasa de la force qu’il dirige.
Dans sa lettre, le Général, militaire expérimenté et décoré, dénonce les menaces qui planent sur sa personne. En effet, il a, à maintes reprises, publiquement dénoncé les tentatives d’intimidation et de surveillance de Kinshasa en raison de sa proximité supposée avec les rebelles du M23. Le mandat de sa force étant de créer une zone neutre pour faciliter une solution politique, le Général n’a pas ordonné un assaut massif ni sur les positions du M23, ni celles d’autres groupes rebelles. Chose que Kinshasa n’a point apprécié, comme le prouve les manifestations organisées contre la force régionale et les attaques récentes contre la personne du commandant.
Le renouvellement du mandat et des missions de la force régionale font l’objet d’âpres négociations. Kinshasa souhaite un renouvellement temporaire de trois mois, dans l’optique d’un cantonnement rapide du M23. Une requête que beaucoup jugent irréaliste, à l’exception d’une éventuelle nouvelle offensive militaire des forces gouvernementales.
Même si l’avenir de la mission n’est pas mise en péril pour le moment, une question centrale subsiste: jusqu’où iront le Burundi et la région pour supporter une paix dont les dirigeants congolais ne semblent pas vouloir ?
c’est tout simple M23 sont des congolais,il faut qu’il participe au développement du pays comme les autres citoyens,voilà notre souhait