Mercredi 12 février 2025

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OPINION | Hosy, quand être “hybride” devient un crime

OPINION | Hosy, quand être “hybride” devient un crime

Par Majesté Barenga*

La guerre en République démocratique du Congo (RDC), bien qu’éloignée géographiquement, fait des victimes jusque dans les pays voisins, y compris au Burundi.

Ce lundi matin, alors que je prenais le train pour me rendre au travail, ma routine bien ancrée de veille médiatique m’a conduit à consulter les réseaux sociaux, comme à l’accoutumée. À ma grande surprise, je suis tombé sur une avalanche de messages haineux provenant de jeunes influenceurs burundais qui défendaient la position de leur pays dans le conflit en RDC et face au rôle du M23. Ces jeunes s’affrontaient en ligne avec d’autres influenceurs, situés de l’autre côté de la rivière Kanyaru, prenant la défense de la cause rwandaise.

Jusque-là, rien de vraiment surprenant : la liberté d’expression est un droit fondamental, même si certains propos peuvent parfois franchir la limite de la diffamation.

Ce qui m’a frappé, c’est la virulence des attaques dirigées contre une femme des médias bien connue dans le milieu du divertissement burundais. Elle s’appelle Hosy et dirige le studio Siren Vibes, qu’elle vient d’inaugurer avec fierté. Une telle réussite, particulièrement dans un domaine encore largement dominé par les hommes, est rare et mérite d’être saluée. Certes, nous ne sommes pas amies et nos chemins ne se croisent pas personnellement, mais j’ai suivi son parcours depuis ses débuts. Elle est l’une de ces femmes remarquables qui ont su briser les barrières et s’imposer avec brio.

Ce qui m’a profondément choqué, ce sont les torrents de haine déversés contre elle sur les réseaux sociaux. La raison ? Hosy est « hybride ». Parce que l’un de ses parents serait rwandais, certains la qualifient d’espionne, d’ennemie de l’intérieur.

J’ai vu, les larmes aux yeux, la vidéo qu’Hosy a postée. Dans son message émouvant, elle expliquait qu’être Burundaise et Rwandaise, ne devrait jamais être une malédiction. Personne ne devrait être traité de traître ou d’espion à cause de ses origines.

En lisant ses mots, j’ai ressenti une immense colère. Comment est-il possible qu’une jeune femme burundaise soit ainsi clouée au pilori simplement à cause d’un conflit qui se déroule au Congo ? Ne réalisent-ils pas qu’ils alimentent une spirale de violence, qu’ils appellent implicitement à un lynchage ?

Admettons, pour les besoins de l’argument, que l’un des parents de Hosy soit effectivement rwandais. Est-ce un crime ? Qui, parmi nous, a choisi ses parents ou son lieu de naissance ? Ceux qui ont grandi à Bujumbura savent à quel point le Burundi est un carrefour de cultures, un point de rencontre d’origines diverses. Nous avons tous des racines mêlées. Ce n’est pas un conflit extérieur qui devrait nous autoriser à détruire des vies et à semer la haine au sein de notre propre société.

Cette guerre en RDC, bien qu’elle ait des répercussions dans la région des Grands Lacs, ne doit en aucun cas servir de prétexte à de tels débordements.

C’est pourquoi je lance un appel à la jeunesse burundaise : prenez du recul. Réfléchissez avant d’agir. La géopolitique de notre région est d’une complexité que même les experts peinent parfois à démêler. S’en prendre à une jeune femme ambitieuse et déterminée comme Hosy, qui ne cherche qu’à faire prospérer son entreprise et à contribuer au rayonnement du Burundi, n’est pas la solution. Ce n’est pas en détruisant les individus que vous résoudrez les problèmes structurels de la région.

Aujourd’hui, c’est Hosy qui est visée. Mais demain, ce sera qui ? Un autre Burundais d’origine congolaise ? Un citoyen aux racines tanzaniennes ou métisses ? Ceux qui incarnent la diversité de notre pays doivent être protégés, pas persécutés.

Il est essentiel que les forces vives de la nation s’assurent que notre jeunesse ne soit pas emportée par l’ignorance et la haine. Une campagne de haine, même sur les réseaux sociaux, peut avoir des conséquences dramatiques dans la vie réelle.

À toi, Hosy, je sais à quel point cette période doit être douloureuse. Mais tiens bon. Tu n’as pas choisi tes parents ni tes origines. Reste concentrée sur ton business, sur tes projets et sur l’avenir que tu veux bâtir. Les épreuves d’aujourd’hui forgeront en toi la force des femmes qui marquent l’histoire.

Tu n’es pas seule. Le Burundi a besoin de ses talents hybrides, de ses esprits ouverts, et de cette richesse culturelle qui fait notre fierté.

*Les articles de la rubrique opinion n’engagent pas la rédaction

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