On bouche le nez quand on y arrive. Les conséquences de ces odeurs sur la santé de la population environnante sont dramatiques. Un expert des polluants organiques tire la sonnette d’alarme.
Une odeur suffocante s’étale sur toute la première avenue. A quelques mètres, une étroite rue de plus d’un km, le long de laquelle sont entassés tous les déchets de la capitale Bujumbura. Immondices en provenance des hôpitaux, des usines, des pharmacies, des ménages, etc. Un peu plus loin, deux femmes fouillent, dans un tas de détritus, le reste du charbon : « Nous allons tout revendre », explique l’une.
Juste derrière elles, leurs petites maisons d’une pièce chacune. Elles sont gênées par la présence d’un journaliste. « Pourquoi vous nous prenez en photo ? », demande l’une d’entre elles. Son visage ridé et désespéré, elle ajoute qu’elle a honte de se retrouver dans une telle situation. Puis silence ! Elle soupire profondément, baisse sa tête et se lâche d’une voix tremblotante: « Donne-moi de l’argent et on va discuter. Vous savez, si nous fouillons ici, c’est parce que nous avons faim. Ils nous amènent leurs déchets parce que nous sommes pauvres. »
Et des maladies
Tout le long de la petite rue, le constat est amer. Des bouteilles, vidées de sérum et d’autres médicaments, sont éparpillées ; des plastiques et des déchets de tout genre. Les habitants des environs, souvent très maladifs, sont dépassés : la dysenterie, le choléra, la fièvre, la malaria, des problèmes respiratoires, les grippes de tout genre, etc: « Nos enfants ont de mauvais résultats en classe à cause de ces maladies et d’une mauvaise alimentation. Pourtant ce ne sont pas des endroits qui manquent dans le pays ! Le gouvernement ne peut pas les jeter ailleurs? », se demande Claude Jean de dieu, agriculteur. Sa maison se trouve à 100 m de ces immondices.
Comme pour étouffer son cri, les employés de l’Association Nationale pour le soutien des Séropositifs et des Sidéens s’activent à brûler les médicaments périmés de leur stock. Des policiers veillent à ce que les habitants du coin ne récupèrent rien.
Une bombe à retardement
Jérôme Karimumuryango, expert national des polluants organiques persistants (POPs), précise que ceux-ci ne sont pas altérés par la chaleur, la lumière, l’air, l’eau. « Dans l’air, l’eau, le sol, le corps humain ou dans un animal, les POPs peuvent rester intacts pendant des décennies. Les déchets (Dioxines et Furanes) que nous produisons dans nos ménages, vont continuer à polluer notre milieu pendant des dizaines d’années, à Buterere. » Et comme l’air n’a pas de frontières, ces Dioxines et Furanes vont se propager jusqu’au-delà de nos frontières.
Pour cet expert des POPs, ces derniers peuvent causer des cancers, des malformations et être à l’origine des problèmes de reproduction : « Une gestion rationnelle des déchets ménagers et hospitaliers est donc à promouvoir pour la protection de la santé humaine et de l’environnement. »
En attendant une action salvatrice, la population de Buterere étouffe, suffoque perd progressivement sa santé; des vies qui s’en vont lentement…