Ces derniers temps, les prix des produits de consommation, surtout le riz et la pomme de terre, flambent de jour en jour. Les commerçants affirment que trop de taxes les obligent à revoir à la hausse les prix de leurs produits. L’OBR, à son tour, parle d’une mauvaise interprétation de la loi…
<doc3442|left>« Nous demandons au gouvernement d’alléger les souffrances des gens en supprimant certaines taxes sur les produits de consommation », implore Isaïe Ndikiminwe, un commerçant de Muyinga.
Pour ce commerçant, importer le riz de la Tanzanie est devenu un casse-tête aujourd’hui : « Je paie 7.000 Fbu, frais de douanes et TVA compris pour un sac de 50 Kg, coûtant 95.000 shillings tanzaniens (près de 95.000 Fbu). » Par conséquent, le prix du riz tanzanien au Kg sur le marché, à Muyinga, est de 2.200 Fbu, alors qu’il coûtait, il y a un mois, 1.500 Fbu.
Depuis lors, sa clientèle a sensiblement chuté. Il parvenait, il y a près d’un mois, à vendre entre 80 et 110 Kg par jour. Maintenant, il vend à peine, quotidiennement 35 kg, selon son témoignage. C’est pour cette raison qu’Isaïe Ndikiminwe vient d’abandonner le commerce du riz : « Je ne peux pas accepter de travailler à perte. »
Jean Ndinkabandi, continue à vendre le riz, mais préfère lui aussi abandonner ce commerce dans les prochains jours. Sa clientèle a sensiblement diminuée : « Quand le riz était à 1200, 1300 ou 1500 Fbu le kilo, les clients débordaient». Il avançait même ses voisins et lui remboursaient à la fin du mois : « Aujourd’hui, je les supplie de prendre le riz, mais ils refusent craignant de ne pas avoir à rembourser, car le riz est cher. »
« Des taxes indues »
A Kayanza, on observe une flambée des prix de la pomme de terre. Alors qu’il y a un mois le Kg de la pomme de terre « du Burundi » coûtait entre 250 Fbu et 400 Fbu, selon les qualités, aujourd’hui, les prix varient entre 430 Fbu et 600 Fbu. Le prix au kg de la pomme de terre en provenance du Rwanda, communément appelé « Ruhengeri » coûte 650 Fbu.
Louis Kamwenubusa, un commerçant de Kayanza qui importe les pommes de terre à vendre au Rwanda explique que les taxes de l’OBR sont à l’origine de la hausse des prix. D’après lui, 30 tonnes de pommes de terre sont taxées ainsi taxées : « 1.117.000 Fbu pour la TVA, 65.000 Fbu pour le système informatique T1 de l’OBR (permet à tous les bureaux de la douane du Burundi d’identifier les véhicules qui traversent les frontières jusqu’à leur destination) et 100.000 Fbu pour la déclaration. » Ce qui fait en tout plus de 2.280.000 Fbu. Or, témoigne ce commerçant de Kayanza, avant la mise en place de l’OBR, il payait seulement 300.000 Fbu comme droits de douanes.
Louis Kamwenubusa précise que dans ce cas, il doit compenser les frais engagés, notamment le mazout (500 litres aller retour Kayanza-Rwanda), les frais de location du véhicule (1.200.000 Fbu), et ces taxes, en revoyant à la hausse le prix au Kg de la pomme de terre.
« L’Etat doit supprimer certaines taxes »
Romain Niyonzima, représentant des commerçants de Muyinga, insiste lui aussi sur la suppression de certaines taxes par l’Etat. Pour lui, l’Etat ne devrait pas voir dans les commerçants des taxes seulement, mais devait les considérer comme des partenaires. Selon lui, si l’Etat réduit ou supprime certaines taxes, il y aura beaucoup de commerçants, et partant, multiples produits compétitifs sur le marché, et les taxes vont augmenter : « Les prix des produits seraient réduits également. »
D’après Romain Niyonzima, les agents de l’OBR ignorent carrément leurs missions : « Ils ne taxent pas au même pourcentage les mêmes quantités de marchandises. » Il suffit de savoir négocier, l’agent de l’OBR peut réduire votre taxe. Il lui arrive aujourd’hui de payer 27% et demain 40%, selon la négociation entre l’agent de l’OBR et le commerçant.
<doc3441|left>« Les commerçants ignorent la loi »
Dieudonné Kwizera, porte-parole de l’OBR affirme que les commerçants qui ont un certificat d’origine ne payent pas de droits de douanes s’ils importent des produits alimentaires et agricoles originaires de l’EAC. Seulement, précise-t-il, ils payent la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) de 18%, le Prélèvement Forfaitaire (FP) de 4% et les Redevances Administratives (RAD) qui dépendent de la qualité des produits importés. Pour ceux qui importent leurs produits en véhicules, ils ajoutent une taxe T1 (50 $ US). Le problème, selon lui, est que les commerçants croient qu’ils ne doivent rien payer, même la TVA.
Pour Dieudonné Kwizera, les commerçants qui ont des problèmes sont ceux qui ne possèdent pas de Numéro d’Identification Fiscale (NIF) : « Ceux-ci n’ont aucun répit, ils payent toutes les taxes, car l’OBR ne les reconnaît pas. » Quant au commerçant de Muyinga qui affirme avoir négocié le pourcentage à dédouaner, le porte-parole de l’OBR répond : « C’est un mensonge, car nos agents appliquent une valeur déjà connue, ils ne peuvent pas l’inventer. » Plutôt, il éclaircit : « Nous taxons en fonction du taux de la valeur du dollar. » Ce qui veut dire que les mêmes quantités de marchandises peuvent être taxées différemment selon les taux de change et de la dévaluation de la monnaie, explique-t-il.
Problème de communication ou violation de la loi ?
De toute façon, il doit y avoir un problème de communication entre les commerçants et l’OBR. Depuis la création de cette institution en juillet 2009, il y a toujours eu des accusations mutuelles entre ces deux groupes. S’agit-il d’une mauvaise interprétation du règlement de l’OBR ? Ou du harcèlement des commerçants par le même office ? Dans la mesure où les commerçants affirment que les agents de l’OBR surveillent leurs activités commerciales pour vérifier leurs entrées quotidiennes, afin de fixer la base taxable. Et dans cette histoire, c’est à la fois le commerçant et le citoyen qui perdent. Le commerçant revoie à la hausse les prix de ses produits pour ne pas travailler à perte. Par conséquent, sa clientèle chute. Car le panier de la ménagère doit diminuer, à cause de la dévaluation de la monnaie, base de l’appauvrissement des consommateurs… Ce qui implique qu’un jour, l’OBR aura aussi des difficultés : Certains commerçants commencent à abandonner leur métier pour éviter de travailler à perte. L’OBR, va-t-il continuer à avoir les mêmes recettes ?