Après l’indignation du [vieux journaliste à la retraite qui relisait la lettre du Directeur général de la RTNB bourrée de fautes->http://www.iwacu-burundi.org/spip.php?article1424], un lecteur d’Iwacu a répondu. Un message fort.
Cher Monsieur,
Je partage entièrement votre inquiétude et votre préoccupation. Permettez que j’aille au-delà du conflit à la RTNB en faisant un lien avec la situation sociopolitique que traverse notre pays.
A mon sens, le problème que vous soulevez ne concerne pas seulement les « cadres » ou les « journalistes ». Il s’agit d’un problème généralisé. Peut-être, aujourd’hui, n’en voyons-nous que les fruits, les germes ayant été plantés il y a des années de cela.
Bientôt deux décennies depuis la tragédie de 1993. Ceux qui avaient la vingtaine à l’époque, approchent aujourd’hui la quarantaine ; ceux qui ne commençaient que leur école primaire, terminent aujourd’hui les études universitaires. Et ceux qui venaient d’achever leur école primaire ont la trentaine aujourd’hui, nous dirigent, sont nos journalistes, nos banquiers, nos professeurs, etc. Bref, ils sont la principale composante de notre population active.
Pensez alors aux conditions dans lesquelles ils ont été formés ! Pensez aux grèves répétitives, pensez à l’insécurité ({kurara sindamuka, guhunga…)}. A une époque, une certaine génération fut privée des meilleures opportunités que l’Etat offrait. Ces éléments les plus méritants et les plus alertes furent exclus des meilleurs canaux offerts par la Mère-Patrie. Aujourd’hui, ils nous dirigent… et l’on se plaint de leur niveau de formation académique.
S’il y a un plus grand mal qu’on puisse faire à sa propre Nation, c’est de la priver d’instruction… Car deux décennies de laisser-aller dans l’éducation en produiront quatre, voire huit, de croupissement sur le plan du développement économique et humain.
Aujourd’hui, on parle de « révolution » ; le « Printemps Arabe » est devenu une mode. Mais l’on oublie que ceux qui ont déclenché le mouvement, en Tunisie puis en Egypte, étaient constitués, aux premières heures, par la jeunesse de classe moyenne ( instruits, chômeurs), qui a crié son ras-le-bol. Cette classe instruite et éduquée a pu se fédérer, utiliser les TIC et déclencher une réaction en chaine dans leur région. Où se trouve notre classe « instruite » ? Existe-t-elle ?
Il est plus facile pour un individu de changer d’avis, d’opinion, de convictions, du jour au lendemain. Mais une population non instruite ne pourra pas l’être, overnight. Il faudra attendre, attendre et attendre encore. Les fruits de l’instruction ne se récoltent que de longues années plus tard. Aujourd’hui, ce que vous déplorez dans cette correspondance d’un directeur général, n’est que la partie émergée de l’iceberg ; demain on en comprendra la pleine ampleur. Oubliez Bujumbura, ses collèges et lycées ! Oubliez les commentateurs sur {www.iwacu-burundi.org}! Pensez aux collèges communaux à Kirundo, Muyinga, Cankuzo, Makamba, … !
Pensez à cette jeunesse, à ces adolescents que vous voyez à Bugarama, à Musasa, à Minago,… ! Oubliez celui ou celle qui nous lira au cyber, sur son téléphone portable, sur sa tablette ! Pensez à ce garçon qui court portant un bidon sur la tête et qui s’en va puiser de l’eau à la rivière ! Pensez à cette jeune qui porte sur sa tête un panier de petits pois… !
Le plus triste, aujourd’hui, ceux qui devraient penser à la Nation burundaise dans les 15 ou 30 prochaines années sont dans une lutte avec les médias et la société civile. Ceux qui étaient censés proposer une alternative annoncent une « révolution » qui ne durera pas moins de 3 ans. Nulle part ne vient l’apaisement. Ceux qui étaient censés être les plus expérimentés, pour avoir connu une certaine longévité au pouvoir, se déchirent en querelles intestines à coups de limogeages et d’expulsions du Comité exécutif… Et aux portes orientales du Pays, quelqu’un annonce qu’il restaurera la démocratie à coups de canons…
Où est ce Leader dont la vision dépasse son ethnie, sa région, son parti politique pour embrasser la Nation et voir au-delà de 2015, au-delà des 15 et 30 années à venir ? On a encore un long, très long et très douloureux chemin à parcourir.
Merci.
{Nishelo, un Burundais qui travaille au Nigeria,
Le 29 novembre 2011}