En province de Makamba, les rapatriés de Nyanza-Lac et les occupants de leurs terres sont toujours à couteaux tirés, depuis le rapatriement volontaire préconisé par le gouvernement en 2008. Ils s’accusent mutuellement de mauvaise foi ou de tromperie et, entre les deux, la Commission Nationale Terre et autres Biens (CNTB) essaye de jouer les médiateurs. Mais sans toujours être crue elle-même. <doc1843|left>« Ce sont nos anciens voisins qui sont les plus virulents et qui ne veulent pas partager les terres », affirme Jésité Nzoyisaba, vice-président de l’association Humuriza qui regroupe les rapatriés de Makamba. Réfugié en Tanzanie depuis 1972, il est rentré en 2008 après l’appel au retour lancé par le gouvernement burundais aux réfugiés. Mais il déplore que les résidents ne les aient jamais considérés comme leurs semblables depuis leur retour : « Pour eux nous sommes des étrangers et je n’ai pas encore recouvré ma terre depuis que je suis rentré. » C’est pourquoi il se trouve au bureau de la zone Nyanza-Lac, en début de matinée ce jeudi 27 octobre 2011, pour présenter son cas devant l’agent de la Commission Nationale Terres et autres Biens (CNTB) qui vient par semaine écouter ces doléances. Mais il n’est pas le seul devant ce bureau. Plusieurs autres rapatriés, ainsi que des résidents, s’y trouvent dans le même but. Assis dans des groupes différents et séparés, rapatriés et résidents ne se mêlent presque pas, sauf pour quelques échanges animés, parfois passionnés. Pour les uns, comme pour les autres, le diable c’est l’autre. Des mécontents dans les deux camps Ainsi, pour Laban Ntacobiruka, les rapatriés son loin d’être des anges. Ce sexagénaire indique qu’il a accepté de partager sa terre avec des rapatriés, tout comme son voisin. Mais, continue M. Ntacobiruka, son voisin a par la suite racheté aux rapatriés, en complicité avec l’administrateur communal, la partie qu’il leur avait cédée, et maintenant la CNTB veut les installer aussi dans sa propriété : « Ces rapatriés ont été complices de cette escroquerie et ils ne vivront jamais sur ma terre, avant ma mort », martèle Laban Ntacobiruka. Quant à Sévérin Rubugu, il affirme que sur sa colline de Bukeye, certains administratifs de base ont donné des terres aux premiers rapatriés à l’insu des résidents, et que des papiers ont été signés pour être présentés à la CNTB plus tard. Pour lui, cela démontre la mauvaise foi des rapatriés, surtout que nombreux d’entre eux n’habitaient pas ces terres avant de fuir. Cependant, Jésité Nzoyisaba déclare le contraire. Pour lui, les premiers membres de la CNTB dans la province de Makamba habitaient eux-mêmes des terres des rapatriés et avaient tendance à prendre parti pour les résidents. Pourtant, il affirme que la situation a changé et que le CNTB et l’administration font de leur mieux. Pour lui, les résidents sont en deux groupes ; ceux qui habitaient avec les rapatriés avant qu’ils fuient, et qui ont occupé les terres, et ceux qui les ont occupé en venant d’ailleurs : « on peut comprendre ces derniers puisqu’ils ne nous connaissent pas, mais cela fait mal de partager avec un ancien voisin qui te connaît très bien ainsi que ta propriété ! » indique-t-il. <doc1844|right>Le partage comme seule solution Soudan Amossi, chef de la zone Nyanza-Lac, et représentant l’administration au sein de la CNTB au niveau communal, est plutôt confiant. Il descend régulièrement dans les zones pour écouter les doléances des résidents et des rapatriés, et essayer de les départager. Parfois, il réussit et il ne lui reste plus qu’à présenter à la CNTB les accords des parties, lors de ses descentes. « La plupart ont compris qu’il n’y a pas d’autre solution que de partager la terre. C’est pour cela par exemple que nous avons pu partager sept propriétés mardi dernier », indique-t-il. Il ajoute qu’il s’inspire toujours du règlement de la CNTB pour faire entendre raison aux parties. Cependant, il reconnaît que ce sont certains résidents qui leur posent plus de problèmes : ils incitent les autres à ne pas partager leur terre avec des rapatriés, sous le prétexte mensonger qu’ils n’étaient pas de la région avant de fuir. Il ajoute, néanmoins les rapatriés ne sont pas des saints non plus ; car certains vont réclamer des propriétés qui ne sont pas les leurs, surtout lorsqu’ils savent que les véritables propriétaires sont restés en asile ou sont morts : « Pourtant, ces élément gênants ne sont pas nombreux et ne peuvent nous empêcher de faire cohabiter pacifiquement les rapatriés et les résidents ». _________________________________________ { Mission de la CNTB La Commission a pour mandat général de connaître des litiges relatifs aux terres et autres biens opposant les sinistrés à des tiers ou à des services publics ou privés. Elle est particulièrement chargée de : – Mettre à jour, en concertation avec les services compétents, l’inventaire des terres de l’Etat, identifier et récupérer celles qui ont été irrégulièrement attribuées ; – Connaître toutes les affaires lui soumises par les sinistrés en vue de recouvrer leur patrimoine ; – Fournir une assistance technique et matérielle pou aider les sinistrés à entrer dans leurs droits de propriété ; – Connaître des litiges relatifs aux décisions prises par les commissions antérieures et qui n’auraient pas été réglés ; – Étudier les possibilités et les modalités de compensation pour les sinistrés qui n’ont pas recouvré leurs terres ou autres biens, ou pour d’autres victimes dont les biens ont été détruits, y compris les requérants qui s’estimeraient insatisfaits par les décisions des commissions antérieures ; – Régler les litiges pendant relatifs aux terres et autres biens non réglés par les commissions antérieures.}