Le Burundi a connu des crises cycliques. Plusieurs milliers des Burundais ont été forcés à l’exil. À leur retour, leurs terres étaient occupées par d’autres. Les litiges fonciers entre rapatriés et résidents sont des défis majeurs dans la commune Nyanza-lac.
La commune Nyanza-lac en province Makamba est l’une des communes qui concentrent beaucoup de dossiers de litiges fonciers. Cette commune a été touchée par les différentes crises cycliques qu’a connues le Burundi, notamment celle de 1972.
Depuis 2005, le retour des réfugiés et leur réinsertion dans leurs anciennes terres a entraîné des conflits fonciers entre les résidents et rapatriés. Il s’observait des conséquences socio-économiques, comme la haine et l’insécurité, les assassinats, la sorcellerie et les empoisonnements, le banditisme et la criminalité, etc.
Selon des habitants de Nyanza-lac, les résidents repoussent souvent les rapatriés vers où ils proviennent. « C’est chez nous, vous n’êtes d’ailleurs pas des Burundais. Les rapatriés résistent et affirment que c’est chez eux. Dans les échanges, il naît des mésententes », explique une habitante de la colline Mugerama.
Des messages de haine, des insultes, etc., sont utilisés entre résidents et rapatriés. Les rapatriés sont comparés à un long gouffre de Tunduma qui se trouve en Tanzanie. Si on y tombe, pas de chance de survivre. « C’est affligeant pour le groupe indexé. C’est une entrave à la réconciliation. Il faut mener des séances de sensibilisation pour expliquer qu’ils sont les mêmes et que par conséquent vivre ensemble est incontournable ».
Un autre habitant signale que les résidents sont considérés comme des Tutsi venus s’accaparer des terres tandis que les rapatriés sont des Hutu : « Ce sont des messages à caractère ethnique : en 1972, les Hutu ont été forcés à l’exil et les Tutsi ont occupé les terres et les biens des autres. »
Un quinquagénaire, qui n’a jamais quitté le pays, prône la sensibilisation sur le vivre-ensemble pour éviter d’autres crises : « Ils s’accusent mutuellement. Il y a la méfiance et la suspicion. Si des occupants d’une même terre ne s’entendent pas, on s’attend au pire. Ils peuvent s’entretuer. Des conflits éclatent au grand jour. »
« Les divisions ne servent à rien »
Même avis avec N.K, un rapatrié qui avait quitté le pays en 1972. Il appelle les résidents et les rapatriés à s’abstenir des propos haineux : « Il faut être des apôtres de la paix, l’unité et la réconciliation. Nous sommes les mêmes. Les divisions ne servent à rien. Nous sommes condamnés à vivre ensemble pour bâtir une société juste et prospère. »
Un autre résident demande aux mécanismes de réconciliation et d’unification de faire leur travail. Il déplore que le mandat de la CNTB se soit achevé alors que les dossiers restent pendants. « Les compétences de la CNB ont été transférées à la CVR qui n’a rien fait jusqu’ici. Il faut qu’elle se mette au travail pour rétablir les gens dans leurs droits », insiste-t-il.
Selon Onesphore Niyongendako, secrétaire exécutif de la commune Nyanza-lac, cette commune est parmi les plus touchées par les crises cycliques qu’a connues le Burundi. Elle compte, par conséquent, un grand nombre de rapatriés et de litiges fonciers. « Quand ils ont quitté le pays, ils ont laissé leurs terres. À leur retour, ils sont surpris de constater que d’autres familles les occupent. Ils sont convaincus qu’ils doivent récupérer leurs terres et biens. Comme elles sont déjà occupées, des litiges éclatent ».
M. Niyongendako fait savoir que l’occupation des terres est source de tensions. Des messages de haine entre résidents et rapatriés sont rapportés. L’administration de base, dit-il, donne des messages de pacification et de réconciliation. Elle les appelle à s’asseoir ensemble pour se convenir sur la manière de résoudre les litiges.
Selon Jean Bosco Harerimana, expert en justice transitionnelle, les litiges qui ne sont pas bien résolus provoquent des conséquences sociales avec des conflits entre les communautés. « C’est un malaise social qui sape les efforts de la consolidation de la paix. Il perpétue le conflit et perturbe les mécanismes de justice transitionnelle », explique-t-il.
Pour lui, le système judiciaire doit fournir un effort, car il est le pilier de la quiétude sociale, la tranquillité et de la croissance économique.