Amuri Kwizera alias Babu, un jeune de 33 ans, a été enlevé le 16 juillet 2021 à côté de son domicile sis au quartier Nyakabiga I, 15e Avenue. Depuis deux semaines, le jeune homme est introuvable. Le mobile de son enlèvement reste inconnu. Tétanisée, la famille ne sait plus à quel saint se vouer.
Les proches ont du mal à parler de leur Babu. Au premier mot, les larmes dégoulinent sur leurs joues. Ils prennent leurs têtes entre leurs deux mains et pleurent à chaudes larmes. « Nous sommes à bout. Deux semaines sans aucune nouvelle sont insupportables. Nous ne savons plus quoi faire », confie une proche, en pleurs. Les proches de Babu assurent qu’ils ont cherché dans tous les cachots, sans succès. « Nous avons demandé à l’armée, on nous a dit qu’il n’est pas là. Au Service national de renseignement, on nous répond qu’il n’est pas enregistré. »
Pourquoi cet enlèvement ? C’est la question qui revient dans la bouche de ses proches. Difficile de trouver une réponse. Impuissante, seul l’espoir fait tenir la famille. « Chaque instant, nous nous attendons à le voir surgir devant nous. Comme il ne faisait pas de politique, une lueur d’espoir subsiste de le revoir indemne ».
La famille vit dans la peur et l’indignation. : « Même s’il a commis un crime, on ne peut garder une personne pendant deux semaines sans qu’on sache où elle est. Qu’on le traduise devant la justice et qu’il soit jugé conformément à la loi. » D’après les proches, cette incertitude risque de les plonger dans la folie. « On se regarde dans les yeux et on fond tous en larmes parce qu’on ne sait plus à quel saint se vouer. La douleur est insupportable ». Ils ne comprennent pas comment une personne peut être enlevée devant sa maison sans qu’aucune institution ne lève le petit doigt. « Nous avons besoin d’une once d’information afin que nous puissions souffler un peu. On étouffe. Si toutes les institutions de l’Etat ne savent pas où il est, où est-ce qu’on peut le chercher ? » S’il est déjà mort, ce que nous n’envisageons pas, poursuit un membre de la famille, qu’on nous remette sa dépouille pour qu’on puisse l’enterrer dignement et faire le deuil.
L’enlèvement
Babu, 33 ans, a été enlevé le 16 juillet 2021. Assis au salon en train de visionner un film avec les membres de sa famille, le jeune homme sort pour prendre l’air. C’est aux environs de 23h30 minutes ce vendredi-là. « Il s’est assis devant le portail pendant environ deux minutes », raconte un témoin qui était à quelques mètres du domicile de Babu. Minani, son ami et voisin avec qui il partage souvent un verre, l’a appelé. Il y avait également une certaine Ariette. « Babu est allé les voir. Avant qu’on lui ouvre son Viva Malt, les ravisseurs débarquaient », raconte un autre témoin. De l’arrivée au portail au débarquement des kidnappeurs, moins de 3 minutes ont suffi.
« Ils étaient dans un pick-up Toyota Hilux blanche aux vitres teintées. Un homme de petite taille en costume est descendu du véhicule. Deux hommes en tenues militaires ont aussi débarqué », raconte un témoin. Un d’entre eux a pointé du doigt Babu : « C’est lui ! » Sans aucune autre forme de procès, Babu est embarqué dans le véhicule. Ce dernier se dirige vers l’avenue Muyinga.
« Nous avons entendu les cris de Babu. Il criait : ‘’Baranyishe !’’ (Au secours !). Il a commencé à taper des mains sur les vitres », confie un voisin de la famille. Selon lui, avec des amis et quelques membres de la famille de Babu, ils ont réquisitionné un taxi pour suivre le pick-up. » Arrivés aux environs de l’Avenue de l’Université, le pick-up a ralenti et ils ont fait semblant de nous tirer dessus. Le taximan a eu peur et il a rebroussé chemin. Le véhicule a continué sur l’Avenue Muyinga. Apeuré, indique l’ami de Babu, personne n’a pu relever la plaque d’immatriculation.
Les proches du désormais porté-disparu assurent que le samedi et le dimanche, ils ont fait le tour des cachots sans le trouver. « Nous avons cherché à la police militaire, au Bureau spécial de recherche (BSR) en vain. » D’après eux, la police et les agents du SNR sont venus au domicile de Babu. « Ils ont amené pour interrogatoire, au bureau de la zone, le père de Babu, ses sœurs, Minani et Ariette. De 9 h, ils ont été relâchés vers 13h ».
Des questions taraudent les esprits à Nyakabiga : « Comment se fait-il que cette voiture soit arrivée dans ce laps de temps ? », « Pourquoi ont-ils attendu qu’il sorte ? », « Quelles sont les raisons de son enlèvement? » D’après ses proches et ses amis, Babu est un jeune homme complètement apolitique. « Il n’appartient à aucun parti politique. Il déteste cela. Il n’a même pas participé dans les manifestations de 2015 ».
D’après eux, sa seule passion est son travail. « Il est chauffeur. Il fait des allers-retours entre le Burundi et la Tanzanie. Il y va pour récupérer les voitures au Port de Dar es-Salaam ». D’après des sources, il travaille pour un homme d’affaires du nom de Sef Ruganira. « Dans notre famille, nous sommes tous des chauffeurs. C’est le métier que notre grand-père nous a légué ».
Des suppositions fusent de partout : « Comme il est beau garçon, peut-être que c’est une histoire de fille », indique un habitant de Nyakabiga I. « Peut-être qu’il a vu une chose qu’il ne devait pas voir », renchérit un autre. « Ce que nous voulons, ce sont les enquêtes afin de connaître la vérité », confie un proche du porté-disparu.
« L’armée ne peut pas faire une chose pareille »
« Le rôle de l’armée n’est pas d’appréhender des gens. Elle a la mission de sécuriser les frontières du pays et d’aider la police en cas de besoin », réagit le colonel Floribert Biyereke. Pour lui, ce sont des allégations mensongères. « L’armée ne peut pas faire une chose pareille ». Et de soutenir que nul n’est au-dessus de la loi : « Les criminels doivent être punis conformément à la loi. »
Interrogé, le président de la Commission nationale indépendante des droits de l’Homme (CNIDH), Sixte Vigny Nimuraba, a indiqué qu’il n’est pas au courant de ce cas : « On ne nous a pas signalé cela. Que la famille vienne au bureau, nous allons l’accueillir. »
Pour Me Gustave Niyonzima, juriste et activiste des droits humains, c’est un crime contre l’humanité inhérent à un cas de disparition forcée qui a été perpétré. « Le militaire ayant arbitrairement et illégalement arrêté et enlevé Amauri Kwizera n’a ni la qualité d’Officier de la police judiciaire (OPJ) ni celle d’un magistrat instructeur ». Conformément aux articles 1 à 20 du Code de Procédure pénale, poursuit le juriste, seuls les magistrats instructeurs du ministère public et les OPJ ont la qualité, sous l’autorité judiciaire, de procéder aux arrestations et aux incarcérations des personnes soupçonnées d’avoir commis des infractions punissables par la loi pénale. « Légalement, ces personnes soupçonnées d’avoir commis ces dites infractions ont le droit de la présomption d’innocence et le droit d’être présenté devant les instances judiciaires habilitées pour se défendre ».
Malheureusement, déplore l’activiste des droits humains, on constate amèrement que les cas de disparitions forcées sont monnaie courante au Burundi depuis avril 2015 et les auteurs de ces dites disparitions forcées sont des préposés de l’Etat qui demeurent impunis et protégés par l’Etat.
Lors d’un point de presse de ce mercredi 29 juillet 2021, le procureur général de la République, Sylvestre Nyandwi, a fait savoir que certaines de ces allégations de personnes disparues sont mensongères : « Des personnes partent pour se faire enrôler dans des groupes armés sans en informer leurs familles et celles-ci croient à tort qu’elles ont été enlevées. »
Il a indiqué que des dossiers ont été ouverts par le ministère public pour les cas qui ont été portés à sa connaissance. « Certains auteurs de ces crimes n’ont pas encore été identifiés et les enquêtes sont toujours en cours ». Il a également encouragé les parentés des victimes à porter plainte en cas de kidnapping d’un des leurs au lieu de se confier aux réseaux sociaux, dont certains n’ont que l’objectif de ternir l’image du pays. « Je profite de cette occasion pour inviter toute personne, parent, ami, voisin ou autre, qui détiendrait une information sur ces cas de disparition ou ces actes de terrorisme à la confier à la police ou au parquet le plus proche pour que les auteurs soient appréhendés et traduits en justice ». M. Nyandwi a rappelé à tous les procureurs de la République que, dans le cadre de lutter contre l’impunité et pour asseoir la paix et la sécurité des biens et des personnes vivant sur le territoire national, des enquêtes doivent toujours être menées chaque fois qu’un crime est commis.
Dans une lettre envoyée, ce mercredi 28 juillet 2021, au président de la République, Evariste Ndayishimiye, l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT-France) appelle à veiller à ce que les instances judiciaires compétentes mènent des enquêtes exhaustives et impartiales sur ces disparitions forcées et traduisent en justice leurs responsables. Pour cette organisation, les autorités burundaises ont le devoir d’établir les responsabilités de ces crimes et de rendre justice aux victimes et à leurs proches. Cette dernière souligne que les familles de victimes ont le droit de connaître la vérité : « La négation des disparitions forcées survenues au Burundi depuis 2015 est un affront aux principes de vérité, de justice et d’obligation de rendre des comptes. »
D’Elie Ngomirakiza à Babu
Depuis le vendredi 9 juillet 2021, Elie Ngomirakiza, responsable du Congrès national pour la liberté (CNL), dans la commune Mutimbuzi, est introuvable. Aux environs de 16 heures. Elie Ngomirakiza transportait ses briques dans un camion-benne avec trois autres personnes à bord, dont le chauffeur et deux convoyeurs. Il devait se déplacer de Mutimbuzi vers la zone de Kanyosha, au sud de la capitale économique Bujumbura. Arrivé tout près du lieu communément appelé » Chanic » sur la route Bujumbura-Gatumba, le camion est pris en filature par une moto et un 4X4. La moto s’arrête devant le camion le forçant à s’arrêter. Le 4X4 est immatriculé A 031. Des hommes en uniforme militaire sont à bord du véhicule. Des témoins reconnaissent un responsable administratif local. Ces gens semblent rechercher Elie Ngomirakiza. » Il a tout de suite été embarqué. Ses compagnons ont repris la route sous le choc, » raconte un témoin.
Après cette » arrestation « , le parti CNL a alerté. » L’administration, des responsables militaires, policiers et la Commission nationale indépendante des droits de l’Homme sont alertés, sans succès, » a indiqué Simon Bizimungu, secrétaire général du parti. » Le véhicule appartient au lieutenant-colonel, Aaron Ndayishimiye, commandant du 212e bataillon opérant à Rukoko, natif de Kabumba en zone de Kanyosha, ex-FNL. Pour ceux qui veulent débuter l’enquête, ils doivent commencer par l’interroger « , a fait savoir Agathon Rwasa, président du CNL. Il perd tout espoir de retrouver vivant Elie Ngomirakiza. Les informations en possession du CNL indiquent qu’il serait mort et enterré dans la réserve de la Rukoko.
Interrogé, le porte-parole de l’armée a dit avoir eu vent de cette affaire, mais dément toute implication de l’armée. Pour plus de détails sur l’affaire, Floribert Biyereke a renvoyé Iwacu à la police ou à l’administration. Le président de la CNIDH, Sixte Vigny Nimuraba, a indiqué qu’il est au courant de la disparition: « Nous continuons le suivi.»
Jour après jour, des disparitions non élucidées qui n’inquiètent pas le système judiciaire au Burundi.
Des familles perdent leurs chers dans un pays soit disant où la paix et la sécurité reignent. De qui se moque t-on?
Est ce que les malfaiteurs seraient plus fort que le gouvernement ou bien ils sont l’extension de la main invisible du gouvernement?
On se demande comment vivre librement dans un pays ou tu risques de disparaître a tout moment et ou on remarque que l’on traîne les pieds pour mener des vraies enquêtes pour retrouver les victimes des enlèvements. Enquêtes qui dans la majorité des cas n’aboutissent pas. On se croirait en Chili a l’époque des généraux. Ou encore aux pratiques de la Gestapo a l’ère de l’Allemagne de la seconde guerre mondiale.
Le Burundi n’est ni en guerre, ni une dictature d’après la position du gouvernement, alors pourquoi toutes ces disparitions inexplicables????!!!!!
Cher journal « Iwacu en ligne », ne vivant pas au Burundi, rassurez-moi : votre journal en ligne est-il lu au Burundi ? Et si vous avez des informations bien sûr, est-ce que par exemple le procureur de la République ou sa ministre de la justice vous lisent-ils ?
Bravo en tout cas pour vos informations documentées.
Nibaza ko les cas de disparition forcees dépassent de loin le procureur General et sa ministre. Trois personnes peuvent arrêter ce desastre. Le president Ndayishimiye, le premier ministre Bunyoni et le plús grand ministre Ndirakobuca alias Ndakugarika. Si non Nyandwi ou la ministre peuvent être limogés et kidnapés une semaine après.