Mardi 05 novembre 2024

Société

Nyabiraba, la jeune commune qui se démarque

06/10/2015 7

Reliée à Bujumbura par la Route Nationale 7, cette région montagneuse est devenue l’endroit où tout voyageur doit s’approvisionner. Une situation que les habitants espèrent voir perdurer malgré la crise.

La femme de Nyabiraba au travail
La femme de Nyabiraba au travail

À une vingtaine de kilomètres de Bujumbura, les abords de la RN7 changent d’allure. Mardi, c’est le jour du marché à Nyabiraba. La chaussée de l’axe, noire de monde, sert de devanture pour une foire bigarrée.

Deux fois la semaine, les habitants de la commune dévalent les pistes et les sentiers serpentant la région pour venir vendre divers produits. Des véhicules venus de la capitale ou des provinces plus éloignées s’arrêtent toutes les deux minutes pour s’approvisionner. « La qualité, à moindre prix », apprécie Venant, un commerçant de Mukike.

À chaque passage d’un bus de transport en commun, des femmes brandissent à bout de bras des régimes de bananes, bradés à qui mieux mieux aux voyageurs. L’argent gagné va servir à s’acheter ce qu’on ne peut produire soi-même. On est à Nyabiraba, une région où le traditionnel et le moderne cohabitent, se mélangent pour offrir un cocktail original.

Une topographie unique

La commune Nyabiraba est assez jeune. Comme le fait savoir Ferdinand Simbananiye, administrateur de la localité, elle est née dans le début des années 2000. Ce territoire était partagé entre Kanyosha, Mutambu, Mukike, Mugongo-Manga. Ce qui fait qu’elle est à cheval sur deux régions naturelles, les Mirwa et le Mugamba.

La commune Nyabiraba est devenue alors une des neuf communes de Bujumbura. Elle est composée de 17 collines, subdivisées en quarte zones : Nyabibondo, Nyabiraba, Kigina, Matara. Selon le recensement de 2008, elle compterait plus de 51.000 habitants, pour la majorité des femmes.

Cette population est pour la plupart agropastorale, les cultures maraîchères se faisant la part belle de l’exploitation agricole. Pourtant, la principale source de revenus pour la majorité des ménages est l’exploitation des arbres. « La plupart des ménages possèdent une exploitation forestière, renouvelée et assez bien entretenue », informe Ferdinand Simbananiye.

Atouts

À cheval sur deux régions naturelles, ce qui permet la diversification des cultures. Nyabiraba est aussi traversée par la RN7, facilitant l’écoulement de ses produits. Elle est ce qu’on peut appeler une commune verte, car la majorité de la sa surface est boisée.

Défis

Alphabétisation des personnes adultes. Il faudrait développer un réseau routier, pour désenclaver certaines localités. Le manque d’eau potable est aussi un problème majeur, auquel il faudrait s’atteler.

Un avenir hypothéqué ?

Depuis la fin du mois d’avril, la commune vit une situation incertaine. Les manifestations qui ont secoué la capitale ont eu, comme une onde de choc, des répercussions ou échos importants à Nyabiraba. Des séquelles de la « violence » des événements se font remarquer : maisons de particuliers démolies, permanences du parti au pouvoir saccagées sur plusieurs collines.

Après le putsch manqué, la mobilisation va decrescendo, mais en parallèle, une autre forme de résistance apparaît : des groupes d’individus armés quadrillent la commune pendant la nuit. L’administration pointe du doigt les anciens manifestants, qui se seraient radicalisés, difficile à vérifier.

Des attaques contre des positions militaires sont recensées dans la commune voisine de Kanyosha, où des éléments venus de Nyabiraba auraient pris part. Comme réponse, l’armée régulière a investi ces localités, une situation que la population dénonce. « On est pris entre deux feux, la nuit on est sous le joug de ces hommes armés, et le jour sous la houlette de l’armée», se lamente une vieille femme de la colline Mayemba, qui se demande à quel saint se vouer.

Mais l’administrateur de la commune veut rester confiant. Selon Ferdinand Simbananiye, si les territoires formant Nyabiraba sont restés neutres dans toutes les crises, depuis celle de 1993, rien n’est encore perdu : « Je suis natif d’ici et je connais mon peuple. Si maintenant il y a des choses qui vont de travers, je suis sûr qu’on va finir par trouver une solution.»

Nyabiraba la studieuse

La jeunesse estudiantine de Nyabiraba
La jeunesse estudiantine de Nyabiraba

La grande majorité de la jeunesse de Nyabiraba est sur le banc de l’école. Si le taux d’analphabétisme est assez important dans les tranches d’âge 40 – 50 ans, principalement chez les femmes, cette lacune est en train d’être comblée. Sur les sept écoles secondaires que compte la commune, la moitié de l’assistance est féminine. Ce qui réjouit Gertrude, présidente d’une association pour la promotion de la femme, car selon elle, « l’ignorance est le principal frein du développement de la femme de Nyabiraba».

Une déficience qui se fait remarquer même dans l’administration, car la représentation de la femme dans les institutions de la commune est insignifiante. Sur les 17 collines composant la commune, aucune n’est dirigée par une femme.

Mais pour les jeunes de Nyabiraba, le changement ne viendra pas de l’administration, mais de la nouvelle génération. Cette confiance vient du fait que, même sans aucun encadrement, ils sont parvenus à s’organiser, à créer des associations, des activités génératrices de revenus, à se chercher des occupations, pour combler la vide du ‘‘Centre jeune’’ qu’ils réclament depuis des années, en vain.
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Gertrude Nzeyimana, la femme – phénix

Femme ‘‘mushingantahe’’, présidente d’associations, conseillère collinaire, Gertrude est devenue à 40 ans une icône sur sa colline, malgré un veuvage ayant failli la terrasser.

Gertrude Nzeyimana : « mon seul leitmotiv : le bien de mon prochain. »
Gertrude Nzeyimana : « mon seul leitmotiv : le bien de mon prochain. »

« Née en 1972, une année où j’aurais tout aussi bien pu m’appeler ‘‘Rwimo’’ (littéralement ‘‘crise’’ ndlr), j’ai pourtant hérité de ‘‘Nzeyimana’’ (je garde espoir en Dieu, ndlr) malgré la grotte où s‘étaient réfugiés mes parents et où je naquis », évoque Gertrude, le sourire aux lèvres.

Celle qui a fait l’école catéchétique dite « Yaga Mukama » va se marier en 1996 et de cette union vont naître six enfants. De cultivatrice, cette femme au foyer devient vendeuse. Elle est tout ce qu’il y a de plus banale, sauf qu’au fond, elle continue à se cultiver, pendant que les autres femmes perdent petit à petit les notions qu’elles ont glanées à l’école non formelle catholique.

Gertrude va mener une vie sans histoire jusqu’en 2008, année où sa vie semble basculer.

Celle qui renaît de ses cendres

En 2008, Gertrude perd son mari et tout le monde la croit finie. Abandonnée dans une région où elle ne s’est jamais sentie chez elle, elle vend la parcelle lui laissée par son mari et retourne à Mayemba (commune Nyabiraba), sa colline natale.

Un pan de sa vie vient de se fermer, un autre vient de commencer. Se rendant compte de son talent de mobilisatrice, elle crée une association pour la promotion de la femme, rassemble les femmes de sa colline natale, les encadre.

Première association, première bonne expérience. Elle réitère l’expérience, cette fois-là regroupant les deux genres. Ça marche ! Gertrude vient de trouver sa voie.

Unanimement reconnue

Gertrude serait-elle aussi ambitieuse ? Pourquoi ne pas se lancer en politique ? Première étape, se faire élire en tant que conseillère. Mission accomplie. Ce n’est qu’un début. Claver Ndiwenumuryango, chef de la colline s’étonne, avec une pointe d’appréhension, du dynamisme de cette veuve qui rigole franchement et arrive toujours à ses fins dans la bonne humeur.

Tandis que certains semblent partagés sur qui est réellement Gertrude, sa belle-sœur l’évoque la voix tremblante d’émotion : « Il n’y a pas plus grande âme que Gertrude, ce n’est plus ma belle-sœur, c’est ma grande sœur. » Conviction qu’elle partage avec le voisinage.

Sur son besoin d’ascension ? « Ce n’est pas de l’ambition, elle veut être en bonne position pour pouvoir continuer à nous défendre », suppose une femme de son association. Gertrude elle-même le confirme sans verser dans la complaisance, « mon seul leitmotiv : le bien de mon prochain. »
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Nyabiraba s’exprime…

‘‘Vivre à la force de ses bras’’, voilà ce qui caractérise ses habitants. Mais la récente crise semble venir tout remettre en question. Ces braves gens en appellent au dialogue.

Nephtali Ntawubiheza, « le dialogue bon Dieu! »

Médaillons - Nephtali NtawubihezaMenuisier, ce jeune homme a vu son chiffre d’affaires péricliter depuis le mois de juin. « Personne ne peut faire de projet dans un climat aussi délétère, ce qui signifie : pas de boulot pour moi», confie-t-il. De se poser une question : « Qu’est-ce qui manque pour entamer le dialogue, qu’on crève tous de faim ? »

Médaillon - Gertrude NzeyimanaGertrude Nzeyimana, «il faut combattre la pauvreté. »

Gertrude, agricultrice, nous livre sa petite analyse : « Des tueries ici et là, et pourquoi ? Manque de dialogue, oui. Mais sans oublier que les grandes raisons de la crise sont l’inflation galopante, le chômage. Dialoguer sans s’atteler à ça serait comme tourner en rond. »

Ezéchiel Rutamucero, «il faut se tolérer »

Médaillon - Ezéchiel RutamuceroJeune électricien, il est retourné dans sa commune natale quand Bujumbura est entré en ébullition. Aux premières loges pendant les manifestations de Nyabiraba, il aspire au calme et souhaiterait que tous les jeunes vivent en harmonie. « Nous sommes le Burundi de demain, mettons-nous autour d’une table, pour construire notre commune, notre pays. »

Forum des lecteurs d'Iwacu

7 réactions
  1. Ntahitangiye

    Monsieur Baobab
    Vous me dites: « Quel optimisme!!! »
    Je ne suis pas optimiste, je fais un constat et je dis si nous prenons telle direction nous allons à la vie et si nous prenons telle autre direction nous allons à la mort. En ce moment l’Europe est confrontée à sa pire crise migratoire depuis 1945 (2ème guerre mondiale).
    Ce n’est pas moi qui le dis, lisez-le vous-même sur RFI

    La veille, devant le Parlement européen à Strasbourg, la chancelière allemande Angela Merkel et le président français François Hollande avaient appelé à l’unité pour changer la politique d’asile « obsolète » en Europe, confrontée à sa pire crise migratoire depuis 1945, mais aussi à empêcher une « guerre totale » en Syrie. Les deux dirigeants semblent toutefois bien conscients qu’il faut que l’Europe soit beaucoup plus unie pour réussir.

    Source : http://www.rfi.fr/europe/20151008-refugies-difficulte-merkel-explique-politique-television?ns_campaign=reseaux_sociaux&ns_source=twitter&ns_mchannel=social&ns_linkname=editorial&aef_campaign_ref=partage_aef&aef_campaign_date=2015-10-08&dlvrit=1448817

  2. Courage

    Article formidable. Et si l’intellectuel africain était le frein au développement de l’Afrique.
    En tout cas ce ne sont pas les paysans et paysannes burundaises qui incitent à la haine, qui pillent le trésor l’Etat, qui introduisent les armes au Burundi.
    Courage les gens de Nyabiraba. Ce ne sont pas ces ventriotes de tout bord qui viendront vous aider à avoir de quoi vivre, ils viendront plutôt vous prendre le peu que vous avez.
    Sur ces images, on remarque une chose: ce sont les femmes qui font vivre le pays. Où sont allés les hommes??!!!

  3. gaheto

    voila un article yubaka atariyo gusanbura.abize basigaye baruhwa ubwenge nabanyarucari.

    • Baobab

      @gaheto
      « abize basigaye baruhwa ubwenge nabanyarucari. »
      Ugira ni bishasha?

  4. Ntahitangiye

    Franchement le peuple a un raisonnement plus cohérent , plus patriotique que les docteurs, ingénieurs et politiciens etc. que nous sommes !
    C’est dommage !
    Ce n’est pas seulement au Burundi, c’est un constat mondial. Voici un exemple: les grandes puissances ont utilisées leurs militaires pour les conflits au sol et elles ont échoué (les exemples sont nombreux). Maintenant elles ont décidé des bombardements aériens, sachant que le pilote du bombardier peut aussi mourir, elles décident les bombardements sans pilote (drones).

    Questions
    1)Les grandes puissances auront-elles une victoire des bombardements aériens sur une population au sol ?
    2) Si elles ont la victoire, les drones viendront-ils réorganiser la population vaincue ?
    3) Ceux qui envoyaient des bombardiers et des drones pourront-ils s’attirer facilement la sympathie des peuples bombardés ?
    La sagesse du peuple nous dira que cette façon de faire est un chemin sans issu : la cohabitation, le dialogue, le respect mutuel, la compréhension, l’amitié, etc. c’est le meilleur chemin à suivre.

    Le monde est malade !!!!!!!

    • Baobab

      @Ntahitangiye
      « La sagesse du peuple nous dira que cette façon de faire est un chemin sans issu : la cohabitation, le dialogue, le respect mutuel, la compréhension, l’amitié, etc. c’est le meilleur chemin à suivre. Le monde est malade !!!!!!! »
      Quel optimisme!!!

  5. MUGABARABONA

    Enfin ! Un article qui met en avant le citoyen lamda ! Bravo !

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