Désiré Ntahondabasigiye, un pro Rwasa, a été inhumé ce mardi 17 décembre. Sa famille demande justice et plus de protection. Le CNL, quant à lui, exhorte l’administration à mettre fin à l’intolérance politique.
Il est 9 heures à Nyabiraba. Une foule nombreuse se dirige vers l’église. Ce n’est pas dimanche mais elle est noire de monde. Les derniers hommages pour Désiré Ntahondabasigiye, militant du CNL commencent par une messe. Le moment est solennel.
De hautes personnalités du Congrès National pour la Liberté, dont son président Agathon Rwasa, des militants de son parti, l’administrateur communal, la famille du défunt et une foule nombreuse assistent à cette messe de requiem.
Dans son homélie, l’abbé Maneno insiste sur l’amour du prochain. Pour lui, tuer son semblable, créé à l’image de Dieu, relève de l’ignorance. Il exhorte les chrétiens à s’atteler aux travaux de développement et d’éviter la vengeance.
Après l’église, la dépouille mortelle sera conduite au cimetière dénommé «Kwaziganyure». ’’Calendrier chargé’’, Agathon Rwasa n’assistera pas aux obsèques. Il délègue un émissaire.
Le dit cimetière est de l’autre rive de la rivière Kanyosha, à un km du chef-lieu de la commune Nyabiraba. Le corbillard n’y accède pas. Les amis du défunt se relayent pour transporter à pied la dépouille mortelle à sa dernière demeure. Les militants du CNL et la foule suivent dans le calme. Le chemin est un peu glissant. Mais tout le monde tient le coup. Les ténors du CNL parviennent à arpenter la colline. Il faudra 30 minutes pour arriver à ce cimetière pour les derniers adieux au disparu.
Il est 11 h30. Les fossoyeurs sont à l’œuvre. Ils font les travaux de finissage. La sécurité est renforcée aux alentours du cimetière. Des policiers et quelques jeunes affiliés au CNL sont sur le qui-vive.
Jusque-là, l’émotion se lit sur les visages. Malgré le choc, la veuve et la famille parviennent à contenir les larmes trahies par quelques sanglots. Les enfants curieux, regardent et s’étonnent. Apparemment, ils ont des questions mais ils gardent le silence qui en dit long.
Des messages poignants
Un des voisins du disparu, Emmanuel Tuyisenge Nabwenda, dont le défunt est son parrain de baptême, brosse brièvement son parcours. « Il interrompt ses études primaires suite à la mort de son père. Il s’attèle alors à l’agriculture pour faire vivre ces petits frères et petites sœurs. Il sera durant son séjour sur terre en bons termes avec ses voisins. Il ne connaît pas de bagarre causée par lui sur cette colline ».
Le récit continue. Le défunt, poursuit M. Tuyisenge, participe aux manifestations de 2015. Une chasse à l’homme s’en suit. Il reçoit une balle dans sa jambe.
Il sera arrêté et emprisonné à la prison centrale de Mpimba. Il sera relâché le 19 avril 2019. Il regagne sa famille. Mais la traque reprend. Il est constamment filé. Il reçoit des menaces, c’est presque tous les jours. Il n’y a pas de répit.
Jeudi 12 décembre, la date fatidique. Dans la matinée, il se rend se faire enrôler pour les élections de 2020 quand des inconnus en profitent pour l’assassiner. A ces mots, la foule se met à grincer les dents. Des murmures dénoncent cet acte ignoble.
Nestor Girukwishaka, chargé des relations extérieures au sein du CNL, ne cachera pas son amertume. Il articule son message sur trois éléments. Il déplore le départ d’un fervent militant, victime d’une intolérance politique. « Le disparu est un artisan de la paix, de la vérité. Ses assassins sont des ennemis de la paix. Ils ne veulent pas que le Burundi sorte du cycle infernal de la violence, de l’insécurité, de la pauvreté ».
M. Girukwishaka se met à dénoncer plusieurs abus qui selon lui, ternissent l’image de la commune. « Des cas d’’intolérance politique, d’exclusion, d’emprisonnements arbitraires, de montages, de destructions d’habitations, de cultures et de permanences sur base politique,… sont légion ».
Il exhorte l’administration à prendre le taureau par les cornes afin de redorer son blason. « Nous demandons à l’administration de se ressaisir et de ramener la paix dans cette commune, la sécurité et le respect des droits de l’Homme, sans exclusion aucune ». Cet émissaire demandera à la justice de faire la lumière sur cet assassinat. « Nous voulons des enquêtes qui aboutissent ».
De son côté, Pascal Barankamfitiye, représentant de la famille du defunt, tiendra à remercier tous les participants pour leur soutien moral et matériel. « Je n’ai pas de mots pour exprimer mes sentiments de gratitude. Soyez toujours aux côtés de ces orphelins, de cette veuve ». Il demande plus de protection pour la famille.
Des moments durs
A 12 h30, le défunt est descendu dans sa dernière demeure. Des sanglots étouffés pendant toute la matinée fusent de partout. La veuve ne parvient pas à retenir ses larmes, elles dégoulinent de ses joues creusées par la douleur.
Elle tentera même de se jeter dans la tombe. Quelques militantes du CNL accourent et l’en empêchent. Elles l’assistent. Des cris, des pleurs s’élèvent parmi les familles de la victime. C’est la contagion. Certains militants du CNL qui se retiennent depuis un bon bout de temps se mettent à pleurer. Des gémissements en chœur, impossible de les calmer.
Un moment de silence. Le modérateur annonce le début des derniers hommages. Le moment s’avère être très douloureux pour les familles. Successivement, la veuve, les enfants et la famille proche aspergent de l’eau bénite la dépouille, certains moyennant une certaine assistance. La foule suivra.
Le dépôt des gerbes de fleurs s’en suit. Avec une assistance, la veuve parvient à poser le geste. Les proches mêmement. La famille politique du défunt n’est pas en reste. Du sommet à la base, les gerbes de fleurs sont déposées. Le calme revient petit à petit. Le modérateur annonce la fin des funérailles.
En marge des cérémonies, des sources nous révéleront qu’un des suspects parmi les présumés auteurs est déjà appréhendé.
Rappelons que Désiré Ntahondabasigiye a été tué par balle par des personnes non identifiées dans la nuit de jeudi à vendredi sur la colline Musenyi, commune Nyabiraba, en province de Bujumbura. Il laisse une veuve enceinte et cinq enfants.